Alors qu’il faut en moyenne près de 380.000 € pour acheter un T3 de 62 m² dans le neuf, le revenu mensuel moyen des ménages du 6ème décile (classe intermédiaire supérieure), de 3.200€/mois en moyenne, ne permet pas d’aller au-delà d’un T2. Or ce niveau de revenu rend inéligible au logement social, et le marché locatif libre est très tendu, surtout dans les communes littorales. À l’échelle de la région, le nombre de biens disponibles à la location est passé de 360.000 à 240.000 entre 2018 et 2024.
Dans de nombreuses communes, le décalage entre l’offre et la demande, en locatif comme en accession, est devenu patent.
Avec une chute de plus de la moitié des ventes et avec des mises en ventes divisées par quatre entre 2018 et 2024 pour ne parler que du neuf, la région PACA paie l’un des plus lourds tributs à la crise immobilière. Certains des facteurs explicatifs de l’effondrement de la production y sont plus exacerbés qu’ailleurs : les ventes à investisseurs particuliers ont par exemple été divisées par presque 5 entre 2018 et 2024 en PACA, contre seulement 3,5 en moyenne nationale.
Des poches de résilience
Pour autant, certains signaux méritent attention.
- L’accession aidée s’est plutôt bien comportée dans la région. Les ventes de BRS, inexistantes entre 2019 et 2021, ont atteint 4 % des ventes au détail sur la période triennale 2022-2024. Les autres ventes aidées (accession sociale sécurisée, PSLA…) ont quant à elles progressé de 9 % à 13 %. Enfin les ventes en accession libre à TVA réduite (proximité d’un QPV) sont restées stables à 6 %.
- Certains secteurs géographiques ont mieux résisté à la crise. C’est le cas de ceux situés en zonage B1, et plus largement des villes moyennes et de la périphérie éloignée des grandes unités urbaines. Entre les deux périodes triennales, les ventes au détail réalisées en zonage B1 sont passées de 12 % à 17 % du total. Celles réalisées en dehors des grandes aires urbaines littorales (Métropole AMP, Toulon Provence Méditerranée, Nice Côte d’Azur) sont passées de 48 % à 54 % du total.
Ces deux observations convergent pour montrer que ce sont les produits et les secteurs les moins chers qui s’en sortent le mieux. Ce phénomène n’est pas propre à PACA mais il y est particulièrement net. Et il ne peut que durer : les prix augmentent plus vite que les revenus depuis 25 ans et cela n’est pas près de changer quand l’offre se contracte, que les coûts de revient augmentent et que la demande reste soutenue (+ 15.000 ménages par an).
Comment resolvabiliser la demande en accession ?
Au vu de la situation, un enjeu évident, pour la profession, va consister à resolvabiliser une demande bien présente au moyen d’une offre adaptée. Cette stratégie ne sera opérante que si l’ensemble des parties prenantes sont impliquées.
OFS : amplifier le développement du BRS. En région PACA, les charges foncières en secteur urbanisé dépassent aisément 1.000€ HT/ m² de SdP. Dans ce contexte, le BRS a tout son sens puisqu’il permet de lisser la charge foncière dans le temps. Quand il s’insère dans une opération mixte libre/BRS, il peut permettre de proposer une offre d’accession abordable, sans bloquer le montage économique du projet. Avec désormais une vingtaine d’OFS agréés dans la région, le développement du BRS devrait pouvoir s’amplifier dans les marchés locaux les plus tendus où il est bien adapté.
OPERATEURS ET FONCIERES : diversifier l’offre d’accession abordable. L’accession sociale (PSLA) pourrait être développée davantage et devrait être complétée d’offres en « accession libre abordable » pour les clientèles dont les revenus dépassent les plafonds d’éligibilité, mais sont insuffisants pour accéder aux prix du libre. Les exemples abondent de montages en accession « hybride » adaptés aux secteurs les plus tendus, de type co-investissement, leasing immobilier, emphytéose… ou encore location accession (lire notre interview : Faire de la location un tremplin vers la propriété . Surtout si leurs effets peuvent être couplés avec des leviers de financement comme le PTZ.
COLLECTIVITES ET AMENAGEURS : soutenir la production de l’offre abordable. Si la part des secteurs aménagés est historiquement faible dans la production de logements en PACA, comparativement à d’autres régions, on assiste au contraire, en ce début d’année 2025, à une dynamique de projets publics de bon augure sur le territoire. Souhaitons que les 900 logements concernés à ce jour comportent une part significative et diversifiée de logements en accession abordable. Par ailleurs les aménageurs ont un rôle à jouer dans la définition d’une vision ensemblière des enjeux de qualité et d’abordabilité des logements.
Rappelons aussi que la région PACA attire plus que d’autres une clientèle très solvable d’acheteurs de résidences secondaires ou pieds à terre, de biens locatifs de type meublés de tourisme ou encore de logements de fin de parcours résidentiel (retraités). Orienter une partie significative de la production vers des montages en propriété hybride avec ou sans plafond de ressource est une manière de protéger les primo-accédants de cette concurrence.
En PACA comme dans bien d’autres régions françaises, l’enjeu du logement abordable reste bien réel. Une réponse, il y a 10 ans, a été l’instauration du BRS : il a ouvert une brèche salutaire dans une vision monolithique, très française, de la propriété, créant un précédant qui pourra profiter à d’autre formes de propriétés hybrides.
Pour autant, son indéniable succès n’est pas lié à la seule ingéniosité du montage. Comme le rappelle Quentin Lamour dans son article L’accession abordable, futur cœur de marché ? : « [il] tient aussi largement aux efforts conjoints et soutenus de nombreux partenaires : monde HLM, collectivités, aménageurs, établissements publics fonciers, promoteurs et banques. » Peut-on espérer un effort comparable pour porter l’indispensable diversification de l’offre de logement abordable ?
@vince-pexels