Il faut aborder la question du logement de façon holistique

Le Pavillon de l’Arsenal, centre d’architecture et d’urbanisme de Paris, s’imposait aux yeux d’ADEQUATION pour accueillir sa journée d’échanges du 30 mai autour de l’habitat. Cette thématique y occupe une place centrale, comme nous l’explique son directeur général, Alexandre Labasse.

Équipe ADEQUATION

Publié le 27/04/2022

 

Pourquoi le Pavillon de l’Arsenal a-t-il jugé intéressant d’accueillir la journée d’échanges d’ADEQUATION ?

Alexandre Labasse

Alexandre Labasse : Au Pavillon de l'Arsenal, nous tentons année après année d’explorer les enjeux du logement. Les défis sont connus : le sujet majeur du carbone, la taille des logements dont on a bien vu l'importance durant le confinement, le vieillissement de la population, l'accès au logement qui devrait être la priorité de toute société. En particulier.

ADEQUATION se propose justement de fédérer des acteurs qui abordent la question de l’habitat par des biais différents et d'apporter des données qui éclairent les maîtres d'ouvrage, les maîtres d'œuvre et d'une façon générale les acteurs de la filière. 

Le plateau des intervenants révèle la complexité des défis de l’habitat ; il va permettre de les appréhender de façon holistique. Voilà pourquoi nous accueillons cette journée avec beaucoup d'attentes et d'envie.

Que pensez-vous de la place faite aux architectes dans ce programme ?

Il me paraît tout à fait naturel que les architectes soient bien représentés, et soient même au centre du programme ! Malheureusement, les débats sur l'immobilier résidentiel se focalisent souvent plutôt sur des questions de financement ou de volume. Le plaisir, le confort, les nouveaux modes d'habiter ou de cohabiter, la différenciation des publics ou des propriétaires sont souvent oubliés alors que c'est peut-être par là qu'on pourrait commencer. Il est extrêmement important que les architectes puissent nous éclairer sur les attentes de la société auxquelles ils aimeraient donner forme, mais aussi sur les difficultés qu'ils rencontrent.

Avez-vous accueilli dernièrement une exposition sur ce sujet ? 

Nous en avons justement une en cours, sur le soin, qui s’appelle « Soutenir », et une autre,  qui est plutôt une étude : « Coup de vieux : Et si l'habitat participatif sénior anticipait le logement de demain ? ». Cette dernière présente une enquête portant sur une dizaine d'opérations montées par et pour des séniors, pour essayer de comprendre les fondements de leur projet mais aussi les modes d’existence qui leur donnent sens. Ce qu’on y découvre est passionnant, à la fois sur le choix des sites, ni complètement urbains ni complètement ruraux, les différents montages immobiliers en coopérative, en SCIA, en SAS… Il y a des configurations atypiques, dans du petit collectif, et des maisons communes, des locaux à partager, des ateliers de bricolage, des jardins participatifs, des chambres d’amis partagées quelquefois même des piscines. Et leurs ambitions environnementales sont impressionnantes, les séniors constructeurs sont totalement convertis à la construction écologique, avec des matériaux bio- et géo-sourcés et des objectifs de sobriété énergétique très élevés, ne serait-ce que pour se préparer à des montants de retraite peu élevés.

Comment appréhendez-vous les nécessaires évolutions de l’habitat ?

Pour dire les choses très simplement, il faut concilier la crise écologique avec la crise démographique, j'entends par là le vieillissement de la population. La génération des baby boomers arrive dans le très grand âge. Il faut lui procurer des habitats sachant que le rêve de tout le monde, devenu très clair, est de rester à domicile. On est encore très loin de l'adaptation des logements aux plus fragiles, âgés ou pas d'ailleurs. On a construit la ville sur des standards de gens bien portants, mais ce modèle n’est plus adapté.

Quant à la crise écologique, on sait que le BTP représente 40% des émissions de carbone : il est urgent de rendre la construction plus vertueuse. On va frontalement vers ces deux crises sans en prendre toute la mesure aujourd'hui.

Où en est-on sur le front écologique ? 

La RE2020 est une grande avancée : pour la première fois depuis 1974 [création de la règlementation thermique du bâtiment], une règlementation prend en compte la fabrication du bâtiment dans le calcul énergétique, sachant qu’elle représente 50 % des émissions de GES sur le cycle de vie. Ce qui n’était auparavant pris en compte que dans le label BBCA est aujourd’hui devenu la règle, comme c’est le cas depuis longtemps en Suisse.

Cela envoie un signal très fort. Les solutions techniques existent. On réapprend à utiliser des matériaux vertueux et locaux, comme la pierre de taille à Paris par exemple, ou des techniques plus innovantes telles que la terre crue ou les isolants paille. 

Les difficultés d’approvisionnement en matériaux tels que l’acier ou le bois de Russie ou d’Ukraine sont peut-être un accélérateur de la prise de conscience de notre dépendance aux matériaux importés. Or la disponibilité des produits du bassin parisien existe : si vous voulez construire des cloisons en plaques de plâtre produites en Ile-de-France, des murs en pierre calcaire de l'Oise, des charpentes en bois des forêts françaises, vous n'avez pas de problème d’approvisionnement [voir l’exposition Ressources, ndlr].

Et la rénovation énergétique des logements ?

C'est aussi un sujet majeur : transformer et réhabiliter plutôt que démolir et construire à neuf.  Si, du point de vue du carbone, le gain d’émissions de GES est de 2 à 4 fois meilleur, il me semble que nous manquons encore d’un retour d'expérience spécifique sur l’isolation et le cycle de vie des matériaux utilisés. On a appris dernièrement que la rénovation énergétique massive en Allemagne s’était soldée par des résultats très décevants en raison de l'effet rebond : quand ça coûte moins cher de chauffer, on peut chauffer plus ! Il faudrait donc, et ce sera peut-être un apport de la journée ADEQUATION, que de disposer de résultats précis sur cet engagement pour mieux penser le logement de demain. 


Propos recueillis par Jeanne Bazard le 19 avril 2022

© mathijs-boogaert - Pexels

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