Votre commune a-t-elle besoin d'une nouvelle résidence services pour seniors ?

La question mérite d'être posée à l'heure où ce marché devient de plus en plus concurrentiel. Elle doit être abordée à l'échelle locale, dans une approche globale et prospective de l'hébergement des personnes âgées.

Bénédicte Coulon

Publié le 13/06/2023

 

Du fait du papy-boom et de l’allongement de l’espérance de vie, la population des plus de 75 ans devrait croître de 47 % d’ici à 2030 pour dépasser 6 millions de personnes. Premier point de vigilance, cette croissance est toutefois appelée à ralentir fortement, passant à +11 % sur la décennie 2030 puis à + 6% sur la décennie 2040.

La part des plus de 75 ans est en outre très variable selon les régions – de 11 % en Ile-de-France à 17% en PACA et en Corse –, selon les départements, les villes moyennes, et même les métropoles : celles de Marseille, Saint-Étienne, Nice et Toulon abritent plus de 14% de plus de 75 ans.

Un marché limité à environ 3 % de la population des plus de 75 ans

Il est crucial de bien considérer que le marché des résidences services pour seniors ne concerne qu'une petite partie des plus de 75 ans. Il faut en effet ôter :

  •  les personnes dépendantes ;
  •  les personnes à revenus insuffisants ;
  •  et toutes celles que ce mode d'hébergement n'attire pas.

Si le premier modèle de résidence seniors était haut de gamme, le marché privé commence à s’adresser aux clientèles ayant des revenus moyens. Mais les prix restent toutefois inaccessibles à la plupart des bourses. En outre, les seniors d'aujourd'hui, nés après 1945, sont plus exigeants et leurs attentes plus diverses.

De fait, seules 2 % des personnes de plus de 75 ans vivent aujourd'hui dans une RSS. Les opérateurs gestionnaires jugent déraisonnable de dépasser le seuil des 3 %, notamment en raison du ralentissement de la croissance démographique de la population cible, mais aussi du fait de l'évolution de la demande et de la concurrence de solutions alternatives.

Ne pas faire l'économie d'une étude approfondie du marché

En avançant vers sa maturité, le marché se segmente selon différents critères (qualité, prix, concepts) et la concurrence s'installe localement entre opérateurs positionnés sur des offres comparables.

Depuis la loi introduisant les RSS de seconde génération1, le nombre d'acteurs sur ce marché a triplé en une décennie pour atteindre plus de 30 en France.

Pour les collectivités appelées à se prononcer sur un projet d'implantation de RSS, un premier élément à vérifier concerne donc la robustesse et l'expérience du gestionnaire de la future structure.

Plus généralement, une étude de marché est indispensable pour analyser la demande et l'offre en place (ou en cours de commercialisation).

D'un point de vue quantitatif, à l'intérieur d'une zone de chalandise de 20 km de rayon environ :

  • le taux d'équipement ne devrait pas dépasser 3 logements pour 100 personnes de plus de 75 ans ;
  • les tarifs doivent être conformes aux revenus des seniors concernés (principal facteur limitatif)2.

L'étude du parc en place doit comporter l'analyse :

  • des tarifs proposés ;
  • de la vacance éventuelle ;
  • de la qualité de l'offre : emplacements, services proposés, état général ;
  • du maillage du territoire.

Ce n'est qu'à l'issue de ces différentes analyses que l'on peut juger de l'opportunité d'ouvrir une nouvelle RSS.

Anticiper l'évolution de la demande

Sans attendre de devoir arbitrer la demande d'un opérateur, la collectivité aura intérêt à étudier de manière plus globale, et sur le long terme, les besoins mais aussi les opportunités du territoire en matière d'hébergement des personnes âgées.

Outre le fait que la demande va croître beaucoup moins vite que lors de la décennie écoulée, le marché de la RSS est appelé à évoluer pour répondre à des transformations sociétales profondes, comme nous l'indiquions dans un précédent article. Les retraités d'aujourd'hui ne sont pas ceux d'hier, et les futurs retraités auront probablement des attentes encore bien différentes.

Aujourd'hui déjà, les personnes âgées autonomes peuvent faire le choix de résidences privées de première génération (copropriétés avec une majorité de propriétaires occupants), de seconde génération (locatives) ou de concepts alternatifs émergents tels que le coliving et la colocation (privés) ou encore le béguinage, les résidences autonomies, les résidences intergénérationnelles (statut social ou intermédiaire).

Inscrire l'hébergement des personnes âgées dans une politique résidentielle plus globale

Sur le plan immobilier, le renouvellement du parc de RSS en exploitation doit être anticipé. Il pourra donner lieu à des projets dépassant la seule rénovation pour permettre des extensions ou une évolution du concept, par exemple pour devenir plus intergénérationnel.

Enfin, il importe de rattacher la question de l'hébergement des personnes âgées à d'autres enjeux : résorber la vacance en adaptant les logements, reconvertir les friches ou requalifier l'habitat dégradé, densifier l'existant par surélévation, utiliser le levier du BRS, rendre les logements plus polyvalents et réversibles… autant d'occasions de penser l'accueil et, surtout, le maintien à domicile des personnes âgées, solution de loin privilégiée par les intéressées.

Il y a donc lieu de se méfier d'une vision purement statistique du vieillissement de la population car elle conduit à négliger les facteurs limitatifs du marché de la RSS. Inversement, l'enjeu de l'hébergement des personnes âgées doit être analysé de manière fine, en tenant compte des spécificités de chaque territoire, et s'inscrire dans une politique globale à court, moyen et long termes.


[1] La résidence services seniors (RSS) de deuxième génération (selon la loi de 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement – ASV) accueille très majoritairement des locataires et propose des services à facturation forfaitaires et individualisées.

[2] Hors budget service et restauration, le loyer moyen se situe entre 1500 € et 2000 € pour un T2 dans une RSS de moyenne gamme et autour de 750 € dans une RSS au standing plus faible. Or la pension moyenne brute de droit direct, y compris la majoration pour 3 enfants et plus, s'élevait en 2020, à 1 400 € net pour les nouveaux retraités résidant en France (rapport annuel de la DREES)

© pexels

Réagissez