Comment adapter le modèle de la résidence services seniors aux marchés de demain ?

La croissance soutenue du marché des résidences services pour seniors ne doit pas faire oublier que la nature de la demande évolue rapidement sous l’effet du «papy boom», et que cette offre reste réservée à un segment étroit de clientèle. Il est raisonnable de s’interroger sur ses perspectives de développement à moyen terme.

Bénédicte Coulon

Publié le 22/05/2023

 

Un marché dynamique qui devient concurrentiel

Si les premières résidences services pour seniors (RSS) sont apparues dans les années 1960 avec Les Hespérides, ce marché ne prendra un réel essor qu’au début des années 2010. Depuis cette date, le nombre dexploitants de RSS privées a notamment triplé pour atteindre une trentaine dacteurs environ. Ils proposent des standings différents, de lentrée au haut de gamme, alliant services spécifiques et hôteliers. Les résidences sont localisées à 55% dans des centres-villes ou en périphérie de grandes villes ou de villes moyennes.

En 2022, on dénombrait 1040 RSS représentant plus de 81 000 logements (source Strastseniors). Matières grises, le Think Tank projette une forte augmentation du parc avec 1 100 RSS en 2023 et 1 300 RSS en 2025. Pour autant, le nombre de ces logements ne concernera que 2% des seniors de plus de 75 ans.

À la différence dautres segments de marché du logement, celui des RSS privées est resté dynamique en 2020 malgré le contexte : 7 900 ventes en 2017, 9 200 en 2018, 5 600 en 2019, 8 300 en 2020, 15 000 en 2021 et 16 600 en 2022 et 18 200 en 2023 (prévisions). Certaines régions telles que lIle-de-France, la Nouvelle-Aquitaine et lOccitanie sont plus équipées que d’autres. Le marché commence toutefois à devenir concurrentiel sur certains territoires, dont Nantes, Brest, Tours, Toulouse et la partie sud de la région parisienne.

Le papy-boom et lallongement de lespérance de vie sont évidemment favorables à ce marché. La population des 75-84 ans devrait croître de 47 % d’ici à 2030 pour dépasser les 6 millions de personnes. D’où une centaine d’ouvertures de résidences par an jusqu’à cette date. Par la suite, la croissance démographique des seniors va fortement diminuer : +11 % entre 2030 et 2040, + 6% entre 2040 et 2050.

Quatre raisons de faire évoluer le modèle

Ces perspectives démographiques favorables, déjà atténuées par la concurrence entre opérateurs, doivent en outre être relativisées car une adaptation de l’offre à de nouvelles conditions de demande apparaît nécessaire.

menages seniors
  • 1 Les ressources des seniors

Le coût élevé des RSS privées explique en grande partie la volonté des seniors de rester vivre à leur domicile. Le loyer moyen se situe autour de 1 500 à 2 000 € pour un T2 dans une RSS de moyenne gamme, à quoi il faut ajouter les services et le budget d'alimentation/restauration. Étant donné le montant moyen actuel des retraites, soit 1 500 € tous régimes confondus en 2018, le choix de se loger en RSS privée nest donc accessible quaux seniors les plus aisés.

Pour loger les seniors aux revenus modestes, il existe les «résidences autonomie» (anciennement «foyer logement»), mais elles sont complexes à monter pour les opérateurs. Des résidences mixtes comportant une partie privée et une partie à vocation sociale pourraient constituer une bonne alternative, mais elle exigerait de faire évoluer la législation, qui nautorise pas un opérateur privé à exploiter un bâti monté avec un statut social de type PLAI.

  • 2 L’accroissement des situations de dépendance

Un autre frein est la dépendance des personnes âgées, peu prise en compte dans les concepts actuels. Les RSS sauront-elles répondre à lexplosion attendue du nombre de personnes âgées très dépendantes à l’horizon 2030 ? Lidée qui se dessine nest pas forcément de continuer à dupliquer le modèle actuel des EHPAD, mais plutôt de réunir sur un même lieu une RSS et des services daccompagnement à la perte de lautonomie.

  • 3 Les attentes des futurs résidents

Les papy-boomers n'ont pas les mêmes attentes que les seniors de la génération précédente. Les modes de vie et de consommation ont changé : ces nouveaux seniors sont habitués à vivre avec les nouvelles technologies, ils sont actifs et attachés à leur participation à la vie sociale et politique. Le maintien de liens sociaux intergénérationnels et louverture sur la vie du quartier devront donc être au cœur des futurs concepts de résidences seniors. Dans le même ordre d’idées, la participation à la vie en communauté devra pouvoir être choisie et non subie. Il est important que le senior puisse choisir ses activités en fonction de ses propres centres dintérêt.

  • 4 Les caractéristiques de marché des villes moyennes

Les métropoles étant déjà bien équipées, le potentiel de marché se trouve de plus en plus dans les villes moyennes, où les RSS pourront en outre participer à la revitalisation des centres-villes et des commerces locaux. Pour autant, l’expérience a montré que les centres-villes ne sont pas toujours la situation recherchée par les personnes intéressées, contrairement à ce que semblent penser les opérateurs. Une analyse plus poussée de la demande fera apparaître d’autres critères de choix tels que la proximité des équipements médicaux ou laccessibilité. Par ailleurs, la taille des résidences devra être adaptée à des marchés plus modestes en volume.

 

Ce rapide tour d’horizon montre que le logement des seniors aura bientôt besoin de nouvelles offres pour répondre à la demande des utilisateurs et des territoires. Les évolutions souhaitables sont peut-être plus profondes qu’on le pense, même si l’importance du service n’est pas mise en cause.


© vlada karpovich - Pexels

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