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Le segment du logement intermédiaire enfin consacré ?

Dix ans après la création du logement intermédiaire, l’État impulse une nouvelle dynamique pour soutenir et amplifier ce segment de marché. Une politique bienvenue, mais dont l’impact immédiat n’est pas assuré. 

Yann Gerard

Publié le 19/04/2024

 

Le gouvernement a annoncé le 20 mars dernier la signature d’un « pacte pour le logement [locatif] intermédiaire » (LLI), avec un certain nombre de représentants de la filière, principalement les bailleurs. Selon ses termes, les « opérateurs » soutenus par une série de mesures gouvernementales seraient engagés à « un doublement de la production de nouveaux LLI entre 2024 et 2026, notamment grâce à un nouveau fonds institutionnel dédié, en passant progressivement de 15 000 logements à 30 000 logements annuels, soit environ 75 000 logements en trois ans. »

Rappelons que le logement locatif intermédiaire, créé en 2014, est destiné aux ménages aux revenus « intermédiaires » entre le plafond d’éligibilité au logement social et les prix du marché libre. À cette fin, il bénéficie déjà d’une TVA à 10 % ainsi que d’un crédit d’impôt équivalent à la taxe foncière. Son essor ces dernières années a principalement été porté par CDC-Habitat et INL’I, même si un nombre croissant de bailleurs prennent position sur ce segment. On se souvient que, pour remédier à l’arrêt des ventes de logements neufs au détail lors de la crise sanitaire de 2020 et en 2023 dans le cadre de la crise actuelle, CDC-H et INL’I ont racheté plusieurs dizaines de milliers de logements dans des opérations de promotion immobilière en difficulté. 

« Réorienter l’effort national sur les investisseurs institutionnels »

Pour autant, dix ans après sa création, ce sont bien, à nouveau, les territoires, leurs opérateurs et les investisseurs institutionnels que le pacte entend soutenir et encourager à produire une offre locative intermédiaire, au moment où le marché locatif connaît des tensions importantes. Entre autres circonstances défavorables (passoires thermiques retirées du marché, ralentissement des ventes dans le neuf et l'ancien), l’arrêt annoncé du dispositif Pinel a largement fait baisser la production de logements locatifs visant la même clientèle que le LLI. Ce dernier viendrait donc pour partie s’y substituer.

Cette position est clairement exprimée dans une annexe au projet de loi de finances pour 2024 intitulée « Rapport évaluant l’efficacité des dépenses fiscales en faveur du développement et de l’amélioration de l’offre de logements ». Les auteurs concluent : « Cette démarche évaluative approfondie tant en matière de géographie d’application, que d’atteinte des objectifs de modération des loyers ou de besoin de logements locatifs sur le segment intermédiaire a mis en évidence l’intérêt de réorienter l’effort national sur les investisseurs institutionnels pour assurer le besoin de production estimée entre 180 000 à 420 000 logements intermédiaires en zone tendue durant la prochaine décennie » (p.20).

Le gouvernement entend donc faire du LLI un segment significatif du marché et de la planification de l’habitat. Comment s’y prend-il ? On retiendra notamment des mesures à impact très direct en termes de potentiel de développement pour les opérateurs :

  • élargissement du nombre de communes éligibles au LLI qui concernera 1,5 million d’habitants (pour environ 800 communes) avant l’été ;
  • proposition que les documents programmatiques locaux – à commencer par les plans départementaux de l’habitat et les programmes locaux de l’habitat – intègrent des objectifs de production de LLI ;                                                                                 
  • ou encore possibilité offerte aux bailleurs de détenir jusqu’à 20 % de LLI dans leur parc contre 10 % actuellement.

C’est en réalité un ensemble bien plus vaste de mesures tous azimuts qui est proposé : extension des publics visés par le LLI, des sources de financement, des types d’opérations (neufs et anciens) visées, etc. Et les investisseurs sont appelés à s’engager massivement dans les opérations, y compris dans les grandes opérations de recyclage foncier…

Une faisabilité pratique immédiate à démontrer

L’ambition est indéniable, mais la marche est haute. Ces dernières années le volume moyen de production de LLI se situait autour de 15 000 logements par an, soit 60 % de l’objectif visé par le pacte. Or les mesures risquent bien de ne pas être immédiatement suivies d’effet, pour des raisons trivialement politiques, opérationnelles ou économiques ; plusieurs questions se posent :

  • PLANIFICATION. Un volume de 75 000 logements en 3 ans, qu’est-ce que cela signifie pour les communes concernées ? Les élus entendront-ils favorablement « dans le cadre de la décentralisation, l’État [proposer] une ambition pour le logement intermédiaire »?
  • OPERATIONS. Qui va porter les opérations, en neuf ou dans l’existant ? Les promoteurs sont en grande difficulté et les opérations ne sortent pas. Doivent-ils envisager des programmes 100 % LLI en VEFA ? Les bailleurs s’y mettent, mais au prix d’une mobilisation d’une part très (trop ?) importante de fonds propres.
  • PRIX. Initialement, le LLI a été pensé pour pratiquer des loyers autour de 25 % en-dessous des prix de marché. La réalité récente est plus proche de -15 %, et ce prix sera plus difficile à atteindre dans les communes moins tendues, au loyer de marché plus bas, qui deviennent éligibles. Comment s’assurer que les logements profitent bien à ceux qui en ont besoin ?

À terme, la production de LLI devrait être plus diversifiée en termes de typologies de logements, mais aussi de valorisation et de marchés adressés. D’un point de vue purement quantitatif, cette production ne remplacera pas les 30 000 à 40 000 logements neufs destinés à investisseurs perdus depuis 5 ans. Certes, le plan prévoit aussi le déploiement du LLI dans l’existant, mais les volumes produits par ce biais à court terme seront limités. Et alors que la production de logements locatifs sociaux, elle aussi, s’effondre, c’est bien l’ensemble du marché locatif qui continue à se tendre.


©adobestock

-26%

C’est la tendance des volumes de réservations auprès des investisseurs sur le 1er trimestre 2024. Un volume au plus bas depuis la création du dispositif Pinel en 2014.  

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-65%

C’est la tendance des mises en vente des nouveaux programmes en promotion immobilière en France sur le premier trimestre. Une activité quasiment à l’arrêt. 

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51.000

C’est le nombre de logements ordinaires vendus en « bloc » en 2023. Un volume qui progresse de +10% par rapport à 2022 et représente 47% des logements ordinaires commercialisés par les promoteurs sur l’année, contre 33% sur l’année précédente.  

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96.300

C’est le volume de logements disponibles à l’offre à l’échelle nationale. Un chiffre qui s’érode de -6% depuis mars 2023, compte tenu de la faiblesse du nombre de nouveaux programmes lancés. 

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-31%

C’est le recul du nombre de logements réservés en promotion immobilière au 1er trimestre 2024 en France. Le mois de mars 2024 constitue ainsi le 27ème mois consécutif de baisse d’activité. 

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/ Tendance
mar 2024

BRS : 5 chiffres clés

Les ventes de logement en BRS ont continué leur progression en 2023, grâce notamment à une décote significative par rapport aux prix du marché libre, mais le rythme d’écoulement de l’offre disponible a ralenti.

2,9%

C’est le rendement brut moyen observé à l’échelle nationale pour le logement neuf. Une valeur en très légère progression (+0,1 pt) sur 12 mois, compte tenu de la progression des loyers.

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-2%

C’est la tendance des prix en neuf entre les mois de février 2023 et février 2024. Des valeurs qui évoluent peu depuis près de 12 mois (5 300 €/m²).

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