Comment se porte le tertiaire à Nanterre ?
Axel Lecomte. Pas très bien, ce qui ne vous étonnera pas dans le contexte actuel et sachant que le quartier d’affaires voisin de La Défense est touché de plein fouet. Toutefois nous avons aussi récemment accueilli des grandes entreprises, à l’image du siège de Vinci dans ses nouveaux locaux à proximité de la gare ou prochainement de Schneider. Dans le même temps, certains immeubles sont à moitié vides.

C’est lié à des départs d'entreprises, mais aussi de grandes institutions comme le Conseil départemental des Hauts-de-Seine, dont le siège n’a toujours pas retrouvé preneur suite à son déménagement. Le campus Arboretum, inauguré l’année dernière sur la partie de la ville qui rejoint la Seine, à l’emplacement d’une ancienne papeterie, est loin d’être plein malgré toutes ses qualités.
Dans nos opérations d’aménagement les programmations initialement prévues en tertiaire sont réinterrogées et bien souvent revues à la baisse pour tenir compte de la réalité du marché actuel, ce qui n’est pas sans impact sur les équilibres financiers des opérations.
Dans le parc existant, la transformation de bureaux en logements a-t-elle commencé ?
Oui, pas moins de 17 projets nous ont été présentés par des opérateurs immobiliers. Deux sont en cours de réalisation, les autres sont encore à l’étude. Ils se répartissent sur l’ensemble de la ville : dans le centre, avec par exemple une grande tour entièrement vide à côté de l’hôtel de ville, dans le quartier de la Boule, dans celui de Nanterre-Préfecture… On les trouve donc aussi bien dans des secteurs à forte concentration tertiaire comme les Champs-Pierreux, que dans le diffus où, par exemple, Seqens [groupe Action Logement] est en train de transformer l’ancien siège du Front National, rue des Suisses, en logements sociaux et locatifs intermédiaires.
Ce processus vous semble-t-il favorable dans le contexte général d’une pénurie de logements ?
La question ne se pose pas vraiment dans ces termes. Nanterre est depuis très longtemps une ville bâtisseuse qui construit un nombre conséquent de logements, notamment dans le cadre d’opérations de recyclage urbain, telles que les Terrasses de Nanterre ou plus récemment les Groues. Environ 55 % des résidences principales sont des logements sociaux. Nous ne sommes donc pas à proprement parler à l’affut de toute opportunité foncière permettant d’envisager la construction de logements.
Disons plutôt que la désaffection d’une partie du parc tertiaire semble inéluctable et nous nous devons de considérer l’avenir des bâtiments. Les élus ne restent pas inactifs devant cette situation, ils sont d’ailleurs régulièrement interpellés par les riverains qui s’en préoccupent. Si l’on considère le bon côté des choses, ces friches en devenir sont des opportunités foncières permettant de construire dans le tissu urbanisé donc sans artificialisation. Mais nous voyons moins ce processus de transformation sous l’angle du changement d’usage et de la production de logements que sous l’angle urbain, dans l’objectif de poursuivre le renouvellement de la ville.
Urbain, c’est-à-dire ?
La ville accompagne les demandes de transformation en restant fidèle au principe d’équilibre, entre la ville à vivre, la ville à travailler, la ville à étudier, quartier par quartier. Ce qui pouvait amener hier à refuser le « tout bureaux » à certains endroits de la ville, peut conduire dans le contexte d’aujourd’hui à refuser plutôt le « tout logement ».
En outre, les situations les plus avantageuses, sont celles qui permettent de transformer un grand bâtiment pour recréer des maillages, introduire de la végétation… C’est un enjeu à Nanterre, où nous voulons atteindre une moyenne de 10 m2 d’espace vert par habitant, conformément à la norme de l’OMS. Le revers de la médaille, dans le cadre d’une création de logements, c’est que l’on se heurte à la question du stationnement. Le PLU en impose plus pour les logements que pour les bureaux, ce qui n’est généralement pas possible en cas de transformation. Or les élus redoutent la saturation de l’espace public par le stationnement résidentiel et ne sont donc pas enclins à faire évoluer ces règles dans certains quartiers de la ville où il y a déjà peu de places disponibles.
Néanmoins, les projets qui vous sont présentés impliquent une création de valeur immobilière via la production de logements…
Oui, et dans la quasi-totalité des cas, il s’agit de logements en résidences gérées de type résidences étudiantes, co-living, etc. Or nous avons déjà beaucoup de ces résidences dans nos opérations d’aménagement. Ce que nous recherchons, avant tout, ce sont de logements familiaux. Mais les opérateurs se déclarent bien souvent incapables de faire autre chose, d’une part en raison de l’épaisseur des bâtiments, qui impose des logements mono-orientés, d’autre part en raison du bilan d’opération. Dans l’un des projets qui nous a été soumis, le prix auquel l’opérateur peut acheter l’actif pour équilibrer son bilan d’opération varie de 15 M€ pour une résidence étudiante à 5 M€ pour des logements familiaux !
Quel est le bon prix selon vous ?
C’est toute la question ! Si l’on parle d’une manière générale, ce qui me semble sûr, c’est que les propriétaires des immeubles n’ont pas encore pris toute la mesure de la dévalorisation de leur actif. Or la situation ne va vraisemblablement pas s’arranger pour eux, à court terme. Viendra peut-être un moment où ils jugeront préférable de dévaluer plutôt que de conserver un bien qui se dégrade et génère des coûts. La ville est disposée à les accompagner, car la mutation de ces actifs présente un intérêt général, à conditions de produire du logement en phase avec les besoins et moyens des habitants, en évitant de multiplier les résidences gérées aux niveaux de redevance très élevés.
Nanterre compte-t-elle se donner une politique en matière de transformation de bureaux ?
Nous n’imaginons pas que les volumes en jeu puissent croître énormément, au-delà d’une quinzaine d’immeubles à moyen terme. Pour le moment, dans le respect des principes généraux que j’ai évoqués, nous appréhendons les dossiers au cas par cas, en faisant évoluer les règles d’urbanisme lorsque cela est nécessaire.
Pour autant, la formalisation d’un diagnostic et d’une stratégie pourrait trouver un sens à une échelle intercommunale. C’est désormais pour Nanterre l’établissement public territorial Paris Ouest La Défense (POLD) qui détient juridiquement la compétence d’élaboration des documents d’urbanisme. Au moment où s’engage la réflexion sur l’élaboration d’un PLUI sur le territoire de POLD, avec ses 11 communes, ses 563.000 habitants et la présence d’une partie du quartier d’affaires de La Défense, ce sujet de l’évolution du parc tertiaire pourrait faire l’objet d’une réflexion en tant que telle à cette échelle. Ce serait d’ailleurs un bon sujet de mutualisation pour un EPT qui se cherche encore des axes de cohésion.
Propos recueillis par Quentin Lamour et Jeanne Bazard
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