Le quartier de la Part-Dieu, lancé dans les années 1960-1970 selon les principes urbains en vogue à cette époque, connaît depuis 2011 un vaste processus de réaménagement et de modernisation, conçu avec les architectes urbanistes d’AUC et piloté, à partir de 2015, par la SPL Part-Dieu[1]. Il est surtout connu hors de Lyon pour sa gare TGV et son quartier d’affaires, voire son centre commercial, mais c’est aussi un quartier à vivre.
Comment la nouvelle majorité, élue en 2020, a-t-elle fait évoluer le projet urbain de la Part-Dieu ?
Florent Sainte Fare Garnot. Les orientations fixées par les nouveaux exécutif métropolitain et municipal consistaient à la fois en des continuités et des impulsions nouvelles. La poursuite du développement du pôle d’échanges multimodal autour de la gare appartient clairement au premier registre, de même que l’amplification de la fonction résidentielle du quartier, sachant que, dans le même temps, il n’a pas été question d’arrêter le développement du quartier d’affaires.

En revanche, le modèle de la tour n’était plus souhaité, ce qui a mis un terme au projet qui devait être le pendant, au nord de la gare, de la tour « To-Lyon ». Celle-ci est donc la dernière tour de grande hauteur du projet Part-Dieu en cours.
Les impulsions nouvelles sont venues enrichir le projet et adapter le lieu aux enjeux environnementaux et sociaux du moment : je veux parler des mobilités décarbonées, avec l’intégration de plusieurs des grandes voies cyclables métropolitaines, de la végétalisation qui devient une « révolution paysagère », et enfin du développement de l’habitat, avec en particulier la volonté de promouvoir l’accession abordable via le BRS.
Et pour ce qui est de la régénération du bâti tertiaire ?
FSFG. L’idée était clairement dans le viseur des élus, mais restait à étudier. Plusieurs signaux encourageants clignotaient déjà, en particulier le retour d’expérience favorable de promoteurs immobiliers tels que Sogelym et Icade, sur plusieurs projets réalisés ou engagés à la Part-Dieu. À partir de là, en 2022, nous avons mené une étude pour évaluer le nombre de mètres carrés tertiaires que leurs propriétaires seraient contraints de rénover pour se conformer au décret tertiaire dans les 5 à 6 ans à venir. La taille du gisement, soit environ 300 000 m2 sur un parc total de 1 300 000 m2, nous a permis d’en faire le socle d’un projet d’ingénierie significatif à l’échelle du quartier et de le proposer aux élus, qui se le sont appropriés et l’ont présenté au MIPIM en 2023.
Que faut-il entendre par « projet d’ingénierie » et sur quels moyens la SPL s’appuie-t-elle ?
Le projet global à l’échelle de notre périmètre d’intervention s’exprime par une cartographie en volume des immeubles composant le potentiel de régénération, avec pour chacun une extension permettant d’équilibrer le bilan d’opération, qui peut aller suivant les cas de 500 m2 à 14 000 m2 supplémentaires. Ce sont des scénarios qui montrent comment on peut régénérer ces actifs de manière économiquement réaliste, mais aussi qualitative sur les plans architectural et morphologique, et en répondant aux nouvelles exigences des entreprises utilisatrices. La proposition faite par la Métropole aux investisseurs est que « là où il y a de la qualité, il y aura de la SDP », pour reprendre une formule qui a fait mouche, la SPL étant là pour épauler les porteurs de projet.
Télécharger la présentation du projet (actualisée en juin 2025) : en cliquant ici.
[Nota : le potentiel de régénération identifié au départ est aujourd’hui estimé à plus de 400 000 m2]
C’est donc bien un nouveau développement du quartier d’affaires ?
Oui mais sur des bases radicalement nouvelles. La finalité politique est écologique : il faut régénérer le bâti pour le rendre moins émetteur de CO2. Et pour y parvenir, il faut créer les conditions économiques et plus généralement écosystémiques pour que la filière puisse investir. C’est vraiment le début d’un nouveau cycle.
Quel est le rôle de la SPL dans ce nouveau cycle ?
Il est de créer un éco-système accélérateur de la régénération. Nous avons plusieurs types d’action possible : dialoguer avec les propriétaires, soutenir les promoteurs vis-à-vis des financeurs, apporter une ingénierie technique et juridique projet par projet, faciliter le relogement des entreprises utilisatrices… À un autre niveau, nous essayons aussi de faire valoir la nécessité de certaines évolutions réglementaires. Nous commençons à ressentir une certaine reconnaissance de notre démarche au-delà de Lyon, ce qui nous aide. Nous tentons aussi de mobiliser des financements publics au titre de la transition écologique, afin de soutenir les projets de régénération, mais cela reste à concrétiser.
Où en sont les projets de régénération tertiaire aujourd’hui ?
On peut dire que le cycle de régénération a vraiment bien démarré puisque nous avons 100 000 m2 tertiaires en voie de régénération, soit 14 immeubles dont 10 sont des projets engagés voire pour certains livrés. Sans vouloir diminuer ni la qualité technique du projet, ni l’habileté politique des élus à le porter et donc à instaurer de la confiance, je dois dire que nous l’avons lancé à un moment favorable, où les acteurs de la filière, les promoteurs comme les investisseurs institutionnels, avaient justement besoin de projets pour faire atterrir leurs stratégies d’investissement responsable. Cinq ou six ans plus tôt, avant la mise en place de la taxonomie européenne[2] par exemple, et toutes choses égales par ailleurs en termes de modèle économique, nous n’aurions pas reçu le même écho.

Le programme Audessa, réhabilitation de l’ancien siège RTE par Icade et Sogeprom, a été inauguré au mois de mai 2025. Une seconde tranche est à venir (Vertuo), livrable début 2026, comportant une pro-grammation de logements.
©SPL Lyon Part-Dieu
Apparemment, la dynamique reste plutôt bonne…
Oui, elle est portée par les bons retours d’expérience, pprograr la qualité des réalisations et par l’écho que reçoit le modèle « part-dieusien » au sein de la filière. Nous allons même monter d’un cran dans la complexité puisque le promoteur lyonnais Carré d’Or est sur le point de convaincre une copropriété de 70 lots de rénover le Britannia, 40 000 m2,un immeuble qui n’a pas bougé depuis les années 1970. Nous le soutenons beaucoup, mais le mérite lui revient : il fait un travail remarquable. Ce serait un projet unique au plan national.
La régénération des bâtiments tertiaires est-elle aussi mise au service du développement de l’habitat ?
Étant donné que la finalité de la régénération est de diminuer l’empreinte du bâti existant, la programmation est prioritairement au service de cet enjeu-là. Nous suggérons systématiquement à nos partenaires immobiliers d’étudier l’intégration de logements, mais sans en faire une condition. À ce jour, deux opérations, réalisées par Icade, comportent une part de logements [dont le 145 Lafayette, image ci-dessous] et nous espérons que ces exemples inciteront la filière à aller plus souvent dans cette direction. On peut même dire que nous y travaillons ! Mais nous avons aussi un projet spécifique pour la régénération de l’immobilier résidentiel.

Parmi les 3 bâtiments de l’îlot tertiaire, l’ancien siège siège de Framatome (7.800 m2), se transforme en immeuble d’habitation (105 logements). On remarquera l’ajout d’une structure élégante structure extérieure portant des terrasses de 3 m de profondeur, une véritable pièce en plus. Voir le projet en totalité. ©SPL Lyon Part-Dieu.
Quel est ce projet de régénération du bâti résidentiel ?
Nous avons lancé une étude de potentiel analogue à celle réalisée sur le bâti tertiaire, portant ici sur les immeubles classés F et G, voire E, par le DPE. L’objectif du projet sera de conserver la fonction résidentielle en lui adjoignant quand cela est possible des socles actifs qui améliorent à la fois l’économie du projet et la qualité urbaine.
Évidemment, cela promet d’être plus compliqué que pour le tertiaire car ici la copropriété n’est plus l’exception, mais la règle. Or la difficulté à se mettre d’accord est sans doute l’un des deux freins au lancement de travaux de rénovation, l’autre étant l’absence de moyens financiers. Notre intuition, c’est qu’un tiers de confiance pourrait utilement lever ces deux freins en constituant une unité de commandement et de financement.
Quel serait ce tiers et comment interviendrait-il ?
Nous n’en sommes encore qu’au stade des premières idées. Qui ? Une foncière publique ou publique-privée si des banques s’y associent. Comment ? Par exemple en s’inspirant du réméré, vieux montage tombé en désuétude mais qui pourrait être juridiquement modernisé. André Yché en fait état dans son rapport « pour une nouvelle économie immobilière »[3]. Schématiquement, la foncière achèterait les lots de copropriété en s’engageant à les revendre au vendeur au même prix après les travaux. Ce dernier est donc assuré de conserver son bien sans avoir à financer les travaux. Cela suppose que la foncière puisse créer de la valeur sur des extensions ou des socles actifs. Ce n’est pour le moment qu’une option assez peu définie : nous sommes en pleine réflexion avec nos AMO, en particulier ADEQUATION, qui explore de manière très ouverte les modèle de propriété hybride, y compris 100 % privés. Nous devrions y voir plus clair sur les possibilités de montage juridico-financier à la fin de cette année.
Propos recueillis par Yann Gérard et Jeanne Bazard
[1] Les actionnaires de la SPL sont la Métropole de Lyon (90 %) et la Ville de Lyon (10 %) et son président est Grégory Doucet, maire de Lyon.
[2] La taxonomie européenne est un système de classification des activités économiques visant à orienter les investissements vers des activités durables et respectueuses de l'environnement.
[3] Rapport au gouvernement intitulé « Pour une nouvelle économie immobilière, propositions destinées à faciliter l’émergence d’une industrie de la transformation des actifs immobiliers », juin 2024, disponible ici.
©Bastien Nvs, Unsplash
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