Données immobilières, études et conseil

Grand Est : des marchés contrastés et des prix qui commencent à baisser

Alexia Schnebelen, directrice régionale Grand Est, analyse les tendances à partir des données du FIL résidentiel d’ADEQUATION. Interview.

Équipe ADEQUATION

Publié le 12/07/2024

 

Quelle est la tendance générale du marché de la promotion immobilière dans la région Grand Est ?

Alexia en couleur

Alexia Schnebelen. La région Grand Est ne fait pas exception à la règle : la crise est ici comme ailleurs historique avec une chute des mises en vente et des ventes au détail en collectif dès 2022. Les prix ont continué à augmenter assez sensiblement, la courbe n’ayant commencé à s'inverser qu’au premier trimestre 2024, où ils sont descendus à 4 419 €/m2 parking inclus[1].

Il faut souligner que, dans cette très grande région, l’activité de la promotion immobilière se concentre sur relativement peu d’agglomérations. Ce sont grosso modo celles où les prix dépassent 4 000 €/m2, parking inclus, qui semble être un seuil en-deçà duquel les opérateurs immobiliers ne s'engagent pas. Dans les villes moyennes, il n'y a donc quasiment pas de marché. Les villes de Colmar et de Mulhouse sont un peu des exceptions, des cas limites.

Quelles différences observez-vous entre les différents marchés du Grand Est ?

La région Grand Est possède plusieurs territoires frontaliers. Cela ne se ressent pas vraiment à Strasbourg ou à Mulhouse, mais c’est sensible sur les territoires plus petits où s'opèrent des déplacements pendulaires de travailleurs frontaliers. En Alsace, la région des trois frontières, autour de Saint-Louis, est particulièrement attractive. Le marché est resté dynamique tant que les salaires suisses, notamment, ont permis d’absorber les hausses de prix. À Saint-Louis, les ventes ont tenu jusqu’en 2023 avant de s’effondrer. Il reste de la demande hors agglomération, dans le secteur de Huningue et sur les bords du Rhin : ce sont des situations très privilégiées par la qualité de l’environnement et la présence de liaisons transfrontalières agréables et efficaces (modes doux, tramway…). C’est moins le cas à Saint-Louis même, où les opérations immobilières sont réalisées sur d’anciennes friches, dans des conditions moins favorables tant en termes de cadre de vie que d’économie de projet.

Et du côté du Luxembourg ?

Le dynamisme économique du Luxembourg, où les salaires élevés attirent de nombreux Français, crée une forte demande immobilière côté lorrain. À Thionville, malgré une très forte hausse des prix, les ventes se sont maintenues car la demande est très soutenue, les salaires luxembourgeois aidant. Mais les mises en vente ne suivent plus, faute de foncier. Les dernières réserves se trouvent le long des voies ferrées, sur des sites donc peu qualitatifs qui trouvent quand même preneurs. La proximité de la gare est précieuses pour les frontaliers, sachant que l’autoroute du Luxembourg est saturée. En dehors de Thionville, l’armature urbaine reste insuffisamment développée pour accueillir des projets immobiliers significatifs. L'OIN d'Alzette-Belval vise justement à répondre à cette demande. En 2023, son offre en collectif (87 ventes en 2023 à 4 173 €/m2) était déjà quasiment équivalente en volume, à un prix un peu inférieur, à celle de l'agglomération de Thionville (98 ventes à 4 296 €/m2).

En dehors de ces phénomènes frontaliers, quelle tendance observez-vous dans les grandes villes ?

Le cas de Reims est assez particulier, cette ville captant à elle seule presque toute l’activité de la promotion immobilière de l'ancienne région Champagne-Ardenne. Les autres villes sont quasiment absentes de la carte. Même la périphérie de cette ancienne capitale régionale est très peu servie par les promoteurs. Cela s’explique notamment par des politiques publiques qui ont concentré les investissements à Reims, rendue très attractive par sa position à une heure de Paris en TGV. On l’oublie souvent, mais Reims est le deuxième marché du Grand Est en termes de prix, avec 4 753 €/m2 contre 5 577 €/m2 à Strasbourg. Dans les deux cas, ce sont les prix de la ville centre parking inclus en 2023.

Comment Reims s’est-elle comportée ?

La chute a été très brutale en 2023, avec des stocks atteignant 3 années de vente. Manifestement, les salaires reimois ne permettent plus d’absorber les hausses de prix conjuguées à la hausse des taux.

Il semble que Metz, en revanche, tire assez bien son épingle du jeu ?

En effet, dans ce tour régional, Metz est sans doute l’étape qui incite la plus à l’optimisme. Les ventes et les mises en vente se sont relativement bien maintenues même si le stock augmente, et les prix continuaient de monter au 1er trimestre 2024. Toutefois, les retraits de programmes commencent à se faire sentir. À l’inverse, le marché nancéien s’est énormément ralenti, surtout dans la ville centre. Il faut y voir la fin des grandes opérations d’aménagement et le fait que la promotion immobilière s’opère désormais principalement dans le diffus. Les prix se sont parallèlement stabilisés autour de 4 000 €, donc au niveau plancher évoqué précédemment. Nancy reste toutefois une ville attractive et économiquement solide, dont la promotion immobilière ne devrait pas se détourner. On est ici dans la conjonction inopportune d’une crise et de la fin d’un cycle de production foncière.

Et en Alsace ?

En dehors de Saint-Louis déjà évoqué, sa voisine du Sud Alsace qu’est Mulhouse est un marché atypique aux prix très bas : 3 706 €/ m2 en 2023 dans l’agglomération contre 4 415 €/m2 en moyenne régionale Grand Est. Les prix sont encore plus bas dans la ville centre, où le marché est quasiment à l’arrêt et le stock très faible. Si l’on veut voir le verre à moitié plein, on dira que la situation ne peut que s’améliorer, à condition de trouver les conditions économiques permettant d’adapter l’offre aux budgets des ménages. Or les prix progressent, aujourd'hui encore.

Et enfin, pour en venir à la capitale de Grand Est, l’Eurométropole de Strasbourg est le premier marché régional avec 689 ventes en 2023, loin devant Metz Métropole avec 243 ventes. Le marché s'est relativement maintenu, surtout dans la ville centre, mais les stocks atteignaient quasiment deux années de vente en 2023, même avec des retraits de commercialisation, c’est-à-dire des programmes convertis en ventes en bloc, en hausse sensible. Les prix déjà relativement modérés pour une métropole de cette catégorie connaissent une baisse assez nette, passant de 5 137 €/ m2 en 2023 à 4 870 €/ m2 au 1er trimestre 2024.

Quel avenir se dessine pour la région ?

Nous arrivons à un moment où la hausse continue des prix n’est plus possible : le pouvoir d’achat des ménages ne suit plus. La seule manière de retrouver un marché, pour les promoteurs et d’une manière générale l’ensemble de l’écosystème, va consister à revoir le modèle économique de la promotion immobilière. D’ailleurs, les prix baissent déjà dans un certain nombre de villes comme à Strasbourg, Nancy, Thionville, Reims et même dans le pays du Haut Val d’Alzette.

On voit aussi l’importance des grandes opérations d’aménagement : en creux à Nancy où elles ont justement cessé d’alimenter un marché devenu calme, et en « plein » à Strasbourg avec la ZAC des Deux-Rives, ou près de la frontière luxembourgeoise avec l’OIN Alzette-Belval. Les secteurs concernés ont d’ailleurs été sélectionnés par [le précédent] gouvernement comme 2 des 22 « territoires engagés pour le logement »[2] en vue d'y favoriser la sortie des opérations.


[1] Tous les prix cités dans cet article concernent exclusivement le collectif libre et s’entendent parking inclus et TVA 20 %.

[2] Les opérations bénéficieront d'un accompagnement de l’Etat […]. Des subventions exceptionnelles pourront également être apportées afin de combler un déficit économique "aggravé par le contexte inflationniste", d'appliquer une décote sur les cessions de charges immobilières ou de contribuer au financement d'une infrastructure primaire déterminante pour le calendrier de l'opération. Ces subventions sont conditionnées au respect du calendrier et des cibles de production de logement, de critères de qualité urbaine et environnementale, ainsi que d'un engagement de maîtrise des prix de sortie d'une majorité de logements.

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-30%

C’est le recul du nombre de logements réservés par les particuliers en promotion immobilière sur les cinq premiers mois de 2024. 

Issu du FIL Résidentiel - ADEQUATION

282.400

C’est le nombre de logements mis en chantier sur les 12 derniers mois. Toujours en recul de plus de 80.000 logements par rapport à l’année précédente (-22%).

Issu du FIL Résidentiel - ADEQUATION

3

C’est le nombre d’agglomérations qui ont enregistré plus de 500 réservations en promotion immobilière sur les cinq premiers mois 2024 (agglomérations parisienne, toulousaine et lyonnaise). Contre 16 agglomérations à la même époque en 2021.

Issu du FIL Résidentiel - ADEQUATION

1/4

C’est la proportion des agglomérations qui ont enregistré une stabilité ou une légère progression des ventes au 31 mai 2024. Un très léger mieux, cette proportion n’était que de 16% à la fin mars 2024.

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283.000

C’est le nombre de logements commencés en France Métropolitaine depuis 12 mois. Le chiffre le plus bas enregistré depuis plus de 20 ans. 

Issu du FIL Résidentiel - ADEQUATION

/ Décryptage
mai 2024

Fin de l’airbnbfication, et après ?

Les effets délétères de la location de tourisme, doublement propulsée par la puissance des plateformes de réservation en ligne et par un régime fiscal très favorable, sont aujourd’hui largement dénoncés. Une proposition de loi s’attaque au problème : quelles répercussions en attendre sur les marchés locaux du logement ?

 

Denis Tudoux

15.000

C’est le nombre de logements nouvellement mis en vente depuis le 1er janvier. Un volume en baisse de -45% par rapport aux quatre premiers mois 2023.

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5.000

C’est le nombre de logements réservés par des investisseurs (particuliers) en immobilier neuf sur les 4 premiers mois 2024. Un chiffre inférieur au volume mensuel moyen enregistré en 2019. 

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-30%

C’est la tendance, en recul, du nombre de logements réservés par les particuliers en promotion immobilière sur les quatre premiers mois 2024.

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