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Pourquoi la transformation des bureaux en logements est rarement simple ?

Des bureaux vacants, une pénurie de logements, la raréfaction du foncier constructible : eurêka ! Transformons les bureaux en logements ! C’est oublier un peu vite les lois de la physique et faire fi de celles du marché. Quelques notions de base pour les non spécialistes. 

Alexandre Caplet

Publié le 12/03/2025

 

Le problème qui se pose immédiatement à l’architecte de la transformation est le suivant : les immeubles de bureaux et les immeubles de logements sont conçus selon des standards profondément différents. 

Pour les bureaux :

  • Une épaisseur de 18 m qui permet d’accueillir des circulations et salles de réunion au milieu
  • Des façades fortement vitrées pour compenser la profondeur des volumes intérieurs
  • Une structure « poteaux-poutres » favorisant la modularités des espaces
  • Une hauteur sous poutres de 3,2 m permettant l’usage du faux plafond et du faux plancher
  • Des espaces extérieurs quasi-inexistants à l’exception des rez-de-chaussée. 

Pour les logements : 

  • Une profondeur de 15 m maximum avec un couloir central et des logements de chaque côté
  • Une façade porteuse et un nombre de fenêtres limité pour préserver l’intimité 
  • Des murs de refends favorisant l’isolation phonique
  • Une hauteur sous plafond de 2,5 m optimisant le nombre d'étages et les besoins en chauffage
  • Des balcons, terrasses ou loggias devenus nécessaires quelle que soit la typologie.

Résidences étudiantes : pourquoi pas ?

Sans être spécialiste, on comprend que le changement d’usage du bureau au logement ne peut se faire que de trois manières : 

  • En demandant un considérable effort d’adaptation aux usagers, solution forcément exceptionnelle ou transitoire.
  • En adaptant le bâtiment à un programme de type résidence étudiante, pour lequel les contraintes techniques peuvent être surmontées avec une facilité relative.
  • En le restructurant plus en profondeur pour y implanter des logements familiaux. 

De fait, les transformations effectives que l’on peut aujourd’hui observer sont souvent destinées à des résidences étudiantes, entre autres raisons parce que ces programmes permettent de recycler les espaces de circulation et salles de réunion en espaces communs rentabilisés. 

La demande soutenue de résidences (étudiantes ou autres) constitue donc une opportunité pour la transformation de bureaux en logements. C’est une bonne chose. Pour autant, elle ne saurait à elle seule fournir un débouché à tous les projets, et certainement pas de manière durable.

La question qui se pose est donc la suivante : dans quelle mesure les immeubles de bureaux sont-ils transformables en logements familiaux, sachant que cette transformation ne peut se faire qu’au prix d’une restructuration profonde ?

Des freins réglementaires puissants

Hélas, un opérateur immobilier classique aura plus d’une raison de ne pas s’aventurer dans cette voie. De son point de vue d’acteur économique rationnel, la démolition/reconstruction est quasi toujours plus simple, d’autant que certaines réglementations l’y incitent fortement.

Par exemple, un PLU fixant la hauteur maximale des bâtiments à 15 m va permettre à l’immeuble de logements de monter à R+4 quand l’immeuble de bureaux ne dépassera pas R+3, contraint de respecter une hauteur sous plafond supérieure. La démolition/reconstruction va donc permettre de gagner un étage, argument financièrement très puissant puisqu’il permet de vendre plus de logements.

Par ailleurs, les documents d’urbanisme plafonnent généralement le nombre de places dans les locaux tertiaires et fixent au contraire un plancher dans les secteurs résidentiels. Ces règles ont souvent pour effet qu’une transformation de bureaux en logements oblige à créer des parkings supplémentaires, chose très coûteuse et rarement faisable techniquement.

Nouveauté 2025, les changements de destination sans création de surface, historiquement exonérés de taxe d’aménagement, y sont maintenant soumis. Pour une opération de restructuration de 2.000 m² de bureaux créant 30 logements cela correspond à un coût supplémentaire d’environ 80.000 €, dépassant 100.000 € en Île-de-France. 

Le point dur : l’épaisseur du bâtiment 

Pour aller au bout de l’exercice, supposons ces obstacles réglementaires derrière nous et envisageons la transformation d’un immeuble de bureau standard en immeuble résidentiel destiné à des logements familiaux.

Le différentiel d’épaisseur – 3 m de plus pour les bureaux – pose une réelle difficulté car il rend impossible la création de logements traversants : de façade à façade, ils seraient soit trop étroits, soit trop spacieux, et dans les deux cas mal éclairés. Trop  spacieux, c’est-à-dire trop onéreux pour le budget des ménages (le prix de revient du mètre carré n’est pas moindre dans la restructuration que dans le neuf, bien au contraire). Trop grands aussi car inadaptés à la demande des investisseurs qui voient les rendements locatifs diminuer à mesure que les surfaces augmentent. 

Que faire alors de ces 3 m excédentaires ? S’ils ne peuvent être vendus, peuvent-ils être mis au service de la qualité résidentielle et du confort d’usage, afin de créer de la valeur autrement  ? Par exemple : 

  • En aménageant des lieux partagés dans un grand espace central ?
  • En « creusant » le centre du bâtiment pour créer une cour intérieure, permettant entre autres de rendre les logements traversants (ouverts sur rue et sur cour) ?
  • En reculant les façades pour créer des balcons filants ou des coursives sur les bords des dalles de plancher ?

Ces solutions restent théoriques car, sans même parler de leur coût élevé, les apports de lumière dans les logements seront probablement insuffisants pour atteindre la qualité souhaitée. D’une manière générale, il semble bien que les solutions proposées par l’architecte pour pallier les insuffisances structurelles du bâtiment coûtent beaucoup plus cher que la valeur qu’elles sont censées apporter. 

Soulignons aussi les logements neufs non traversants sont appelés à se raréfier car ils vont devenir incompatibles avec les normes de confort d’été imposées par la réglementation environnementale (RE2025). Ce critère ne peut donc pas être négligé. Dans le même ordre d’idée, une hauteur de 3 m sous plafond n’est pas le meilleur moyen de contenir les dépenses de chauffage.

La structure poteaux poutres est également très contraignante. Impossible de déplacer les poteaux contrairement à un mur porteur qui peut être ouvert en partie sous un linteau. On se voit donc obligé d’adapter le plan des appartements à la trame des poteaux plutôt qu’aux attentes des clients, ce qui commercialement n’est pas idéal.

Solutions au cas par cas

Mises bout à bout, ces contraintes sont suffisamment fortes pour rendre très improbable une transformation rapide du « stock » de bureaux obsolètes en logements familiaux par le seul marché privé. Le coût de la transformation est beaucoup trop élevé pour un résultat pas forcément satisfaisant. Même en admettant que la valeur des bureaux s’effondre, ce qui n’arrivera pas tant que leur propriétaires trouveront des locataires, il n’est pas certain que cela suffise à équilibrer le bilan de la transformation. En raison de toutes ces incertitudes et des risques associés, l’appétence des opérateurs pour ce type d’opérations est à nuancer, surtout en dehors du centre de nos métropoles. 

On voit donc que de tels projets ne peuvent aujourd’hui s’étudier qu’au cas par cas, bien loin de toute standardisation. Outre la commune et le promoteur immobilier, il sera probablement nécessaire d’y associer un partenaire institutionnel ou un établissement public foncier, capables de mobiliser des financements de long terme pour contribuer à équilibrer le bilan de l’opération.


©Raka Rachgo Unsplash

 


 

28.000

C’est le nombre de logements réintégrés par les services de l’Etat dans le bilan des logements commencés en 2024. Un total de 290.000 logements vs 263.000 initialement annoncés.

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15%

C’est la progression des mises en chantier des résidences (en secteur libre et social) sur les 12 derniers mois. Un volume inédit de 38.000 logements depuis février 2023.

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0,76%

C’est la croissance brute du parc résidentiel français via la construction neuve en 2025. Un secteur qui peine à se renouveler ; 291.000 logements mis en chantier ces 12 derniers mois, soit une fraction modeste du parc total (38,2 millions de logements en 2024), avec de sensibles disparités entre régions. 

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10%

C’est la part des ventes en promotion immobilière concernée par la rénovation / réhabilitation / surélévation en 2024 (7.000 logements au national). Un segment qui n’échappe pas à la crise (-33% vs 2021).

Issu du FIL Résidentiel

1%

C’est la timide progression du nombre de logements commencés ces 12 derniers mois, soit 291.000 unités au niveau national. Un chiffre modeste, mais le premier positif depuis mai 2022.

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-3%

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293.000

C’est le nombre de logements mis en chantier en 2024, soit en recul de 5% vs 2023.Une tendance toujours baissière de l’activité bien que le chiffre soit moins alarmant que la 1ère estimation (-16%).

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76.000

C’est le nombre de logements neufs disponibles à la vente au 31 mars 2025. Une chute de 20.000 biens en un an, dû au manque de renouvellement de l’offre et des retraits de programmes. Un volume critique jamais vu depuis 2011.

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