C’est une (très relative) bonne nouvelle : dans le marasme des marchés résidentiels, les ventes de logements neufs « abordables », en l’occurrence à moins 350.000 €, à des propriétaires occupants se sont à peu près maintenues. Cette timide lueur confirme ce que nous savons : la demande n’a pas disparu, elle n’est simplement plus solvable.
Accordons donc l’importance qu’elles méritent aux initiatives actuellement foisonnantes en faveur de l’accès abordable à la propriété : accession progressive à la propriété, leasing immobilier avec ou sans dissociation, co-investissement, prêts bonifiés… sans oublier le BRS dont le succès est indéniable, 10 ans après son lancement.
Indéniable succès du BRS
Avec plus de 3.700 ventes en 2024 soit 7 % des ventes au détail, mais plus de 10 % des ventes à propriétaires occupants, son succès ne fait pas débat. Il devrait se renforcer : Foncier Solidaire France (association regroupant la plupart des OFS) annonce la mise en commercialisation de plus de 3.400 BRS en 2025 et près de 4.500 en 2026. Au-delà du cocktail « magique » de la TVA à 5,5%, de l’amortissement du coût foncier et de l’accès au PTZ, en tout cas dans le neuf, ce succès tient aussi largement aux efforts conjoints et soutenus nombreux partenaires : monde HLM, collectivités, aménageurs, établissements publics fonciers, promoteurs et banques. Il est important de l'avoir en tête.
De son côté, le PSLA s’est maintenu autour de 5.000 agréments, en très légère baisse par rapport à 2023 (-8%), ce qui reste bien supérieur à la trajectoire de l’accession libre.
Cela porte les ventes en 2024 à près de 8.000 en PSLA/BRS et à plus de 11.000 tous segments d’accession aidée confondus, soit plus de 20 % des ventes aux détail, contre 10 % à la fin des années 2010.
Foisonnement d’initiatives dans l’accession abordable libre
Pour autant, BRS et PSLA n’ont pas vocation à satisfaire toutes les demandes, quel qu’en soit le contexte, en matière d’accession abordable. Ni à en incarner toute l’offre. C’est pourquoi le foisonnement d’initiatives bien plus récentes en faveur de « l’accession abordable libre » mérite beaucoup d’attention, car elles pourraient les compléter très utilement. Nous avons cité quelques montages en vogue, mais le mouvement en faveur d’une « accession abordable libre » va bien au-delà. Des acteurs très divers y prennent part, aménageurs, opérateurs, mais aussi conseils et banques. Il s’attachent, souvent conjointement, à proposer des solutions pour resolvabiliser la demande, en agissant :
- sur LE PRIX : c’est le cas du défi « Challenge 50 », appel à manifestation d’intérêt lancé par Grand Paris Aménagement en vue de réduire de 50% le prix de vente final des logements au sein d’opérations test ;
- sur L'ACCES AU FINANCEMENT : nous retrouvons ici les initiatives de grands opérateurs, mais aussi de banques et même d’employeurs : doublement de prêt à taux 0%, prise en charge de tout ou partie de l’apport ou des intérêts d’emprunt par l’employeur, sous la forme d’un avantage en nature. La toute récente proposition de loi du député Lionel Causse vise d’ailleurs à faciliter et à mieux cadrer ce type d’initiatives.
- sur LES DEUX A LA FOIS : c’est le cas du leasing immobilier, inspiré de la vente automobile, une solution de financement et un échéancier d’option d’achat, avec un apport minimal moindre qu’en accession classique.
Le double enjeu d’un changement inscrit dans la durée
Il y a au moins deux bonnes raisons de souhaiter que ces solutions « dans le libre » ne soit pas envisagées comme des rustines anti-crise mais puissent se développer dans la durée, y compris quand le marché repartira.
- la première est qu’elles offrent l’opportunité d’un changement très souhaitable de logiciel. Au « compte à rebours », qui part des coûts et génère des effets pervers inflationnistes, ces initiatives préfèrent le « compte à l’endroit » : elles partent du pouvoir d’acheter des ménages pour déterminer le prix de revient plafond des logements.
- la seconde est qu’il faut se préparer à de nouvelles conditions de production, passant de plus en plus par la réhabilitation, surélévation ou transformation d’existants : on ne doit donc pas s’attendre à voir baisser le coût de revient (ni les valeurs foncières, du moins pas suffisamment).
Logements neufs et logements remis à neuf
Ce second point invite à parler de nouveaux logements (neufs ou remis à neuf) plutôt que de logements neufs uniquement. Et à regarder les leviers aujourd’hui actionnés dans la primo-accession en neuf qui seraient transposables aux logements remis à neuf.
Deux d’entre eux feraient sens :
- Prêt bonifié pour permettre l’achat d’un bien à rénover. Cela encouragerait ce type de projet par des accédants n’ayant pas la capacité d’emprunt suffisante pour supporter le coût des travaux (et donc pas non plus les moyens d’accéder à des dispositifs d’aide du type « Ma Prime Renov »). Un levier qui pourrait faciliter les projets de rénovation d’immeubles en copropriété à l’initiative d’un opérateur immobilier.
- Facilitation du co-investissement par la prise en charge d’une part de coût travaux relativement importante, avec remboursement de l’apport complémentaire par le biais d’une redevance spécifique et/ou à la revente, afin d’en alléger la charge financière immédiate. La démarche expérimentée à Paris par Virgil et COFFIM, fin 2023, s’inscrivait dans ce principe, avec pour objectif une amélioration de l’étiquette de performance énergétique.
Même si nombre d’initiatives doivent encore faire leur preuves, le marché de « l’accession abordable libre » dispose d’un formidable terrain de jeu. Il s’agira d’affiner les cibles, les modèles et les produits visés pour que cette production se positionne bien en complémentarité d’autres offres, notamment le BRS. Cela ne suffira pas à régler la crise du logement à court terme, mais c’est aujourd’hui que se préparent les solutions de demain.
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