La promotion immobilière traverse une période difficile, ce qui rend la profession d'autant plus sensible, sinon vulnérable, à la part de risque inhérente aux opérations. Et la production de logements neufs pâtit des multiples incertitudes coalisées pour complexifier toujours plus les projets :
- Saura-t-on trouver l'équilibre économique de l'opération quand tous les coûts augmentent tandis que le pouvoir d'achat des ménages diminue ?
- Combien de temps perdra-t-on en recours ?
- Peut-on réellement respecter l'ensemble des normes et exigences imposées ou vaut-il mieux renoncer à l'opération ?
- Combien de temps prendra la commercialisation au détail, les prix prévus ne sont-ils pas devenus "hors sol", ne faudrait-il pas plutôt viser une vente en bloc ?
Tous ces facteurs de risques sont-ils inévitables ? Est-ce aux opérateurs immobiliers de trouver toutes les solutions, même si le portage de ces risques est une de leur raison d’être ? Nous pensons en tout cas qu’il est temps de se pencher collectivement sur cette question.
Le promoteur "porte" le risque, mais tout le monde le subit
Une opération immobilière est par nature une prise de risque, à charge pour l’opérateur de l'assumer puisque sa marge l'en rémunère, lui et ses partenaires apporteurs de fonds propres. Mais quand le cumul des facteurs de complexité et d’incertitude devient la norme, la marge fond souvent comment neige au soleil, pour couvrir ces aléas qui augmentent.
Or si la marge ambitionnée n’est pas atteignable, c’est la qualité de réalisation qui en souffre, ou encore la recette foncière de l’aménageur ou de la collectivité lorsqu’il s’agit d’une consultation publique. In fine, le « problème de l’opérateur » devient celui de tout le monde, jusqu'à l'usager et au contribuable par effet domino, et tout le monde est perdant.
Un peu plus de réalisme
Un prérequis de bon sens qui peut parfois s’apparenter à une « vérité qui dérange » serait d'abandonner certaines hypocrisies : on ne peut pas avoir le même niveau d’exigence partout, alors que les marchés immobiliers et les équilibres économiques d’opération ne sont pas équivalents. Lapalissade ? Trop peu de projets actuels en tiennent pourtant compte, sous couvert de rêve et d'innovation. Soyons clair : il ne s'agit pas de proscrire a priori toute ambition qualitative. Juste de ne pas envisager constamment et partout d'aller au-delà des exigences actuelles de la RE 2020… ou du moins pas sans en avoir suffisamment challengé la faisabilité et les implications.
Quelques moyens concrets de partage
À l'innovation à tout prix, il serait peut-être judicieux de substituer une autre quête collective : reconsidérer l’anticipation et la répartition des risques des projets pour mieux contrôler leur qualité et leur coût.
À cet égard, les moyens proposés ci-après sont déjà étudiés aujourd'hui dans certaines opérations complexes et ambitieuses qu'il s'agit de sécuriser. Dans le contexte actuel, leur mobilisation, potentiellement croisée, est une piste intéressante.
Portage public anticipé d'études amont.
Des sondages, par exemple, permettent d’éclairer en amont les conditions de faisabilité. La dépense pourra être négociée plus avantageusement si elle concerne plusieurs fonciers, puis refacturée en tout ou partie aux opérateurs.
Prévention des recours.
Est ici visé un travail accru d’anticipation, au moins du côté de la collectivité et des pouvoirs adjudicateurs (exemple : sécurisation des purges de PC) pour comprimer les délais pré-opérationnels, qui sont souvent de nature à impacter les économies des projets.
Paiement échelonné du foncier.
Il permet d’améliorer la trésorerie d’opération du promoteur et de réduire légèrement les frais financiers, avec une économie à reverser au bénéfice du coût de construction.
Participation minoritaire des aménageurs ou des propriétaires fonciers institutionnels dans la société de réalisation immobilière.
Il s'agit ici non seulement de mutualiser le risque et la rémunération liée, mais aussi d'ouvrir aux opérations, dès lors qu'existe un intérêt général (ex : niveau d’ambition sociale et environnementale) des natures de financement ou des garanties d’emprunt auxquels les opérateurs privés n’ont pas accès.
Ces quelques exemples ont pour point commun de revisiter les modalités de partenariat entre acteurs publics et privés de la production immobilière, notamment résidentielle. À défaut de pouvoir agir sur l’évolution des taux directeurs bancaires ou des indices du coût de matière premières, c'est une manière pragmatique d'agir collectivement pour fluidifier une production immobilière qui en a bien besoin.
Par Quentin Lamour, directeur régional Île-de-France - Normandie
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