Rhône Saône Habitat a déjà commercialisé une centaine de logements en BRS, qui répondent à différents besoins et ont trouvé facilement leur clientèle. Deux opérations sont des réhabilitations avec extension par surélévation : un axe de développement utile et prometteur. Son directeur général Arnaud Cécillon en témoigne.
Quels public touchez-vous avec le BRS et considérez-vous que le produit atteint sa cible ?
AC. À l’échelle de Rhône Saône Habitat, nous avons déjà commercialisé une centaine de logements en BRS dont 68 sont livrés et les autres en cours de construction. Nous n'en avons plus de disponible et nous sommes impatients d'en produire d'autres !
La clientèle est très diversifiée en termes de typologie de ménage : des jeunes, des "décohabitants" un peu plus âgés et des personnes proches de la retraite. Et 30 % à 40 % des acquéreurs libèrent ainsi un logement locatif social, ce qui est un début très prometteur.
Les jeunes cherchent à faire un premier pas sécurisé dans la propriété et ont besoin d'un logement plus grand à l'arrivée de leur premier enfant. Pour eux, le BRS est vraiment une solution permettant de ne pas s'exiler loin de leur lieu de travail ou de devoir acheter une voiture. Et ils sont d'accord avec les valeurs anti-spéculatives du BRS. À leurs yeux, c'est d'abord la valeur d'usage qui importe.
Nous rencontrons aussi beaucoup de décohabitants et de familles recomposées, qui cherchent d'abord à ne pas perturber les enfants donc à les maintenir dans les écoles ou les lieux associatifs qu'ils fréquentent. Ils tiennent à rester dans le centre mais n'en ont plus forcément les moyens dans l'accession classique à la propriété.
Les seniors qui ne sont pas encore propriétaires de leur logement et qui s'en inquiètent à l'approche de la retraite sont également très intéressées par le BRS, parce qu’il simplifie l’accès au financement. À la différence des plus jeunes, nous devons plus les rassurer sur le caractère cessible ou transmissible du BRS, et sur le fait que l'OFS pourra le cas échéant le racheter.
La mixité se fait donc assez naturellement dans ces programmes en BRS, ce qui suppose bien entendu que l'on puisse proposer des typologies de logement variées.
Avez-vous des idées d'innovation pour diversifier l'offre de logement abordable ou pour améliorer les dispositifs existants ?
Rhône Saône Habitat fait partie de la belle fédération des coopératives HLM, qui a été motrice dans la genèse du BRS. Pour nous, c'est déjà un bel outil, mais nous réfléchissons à des variantes, ou plutôt des formes d'hybridation. Par exemple avec la propriété progressive. Aujourd'hui, l'acquéreur devient immédiatement propriétaire du droit réel sur le logement. Mais on pourrait imaginer qu'il s'adosse à un organisme HLM pour l'acquérir progressivement. Une autre variante possible est celle du co-investissement, avec un organisme HLM qui acquiert une partie du droit réel et lui permet de bénéficier d'une pièce en plus. Ces variantes font intervenir trois acteurs au lieu de deux : l'OFS, le promoteur et le bailleur. Rhône Saône Habitat a justement ces trois casquettes, et y ajoute celle de syndic !
Avec l'inflation et la hausse des taux d'intérêt, il est urgent d'innover dans ces directions et je suis convaincu que les ménages y sont prêts. Aujourd'hui, on revend très souvent son logement avant d'avoir remboursé la totalité de son emprunt, les ménages sont décomplexés quant au fait de ne pas être 100 % propriétaire. Et cela resterait dans l'esprit du BRS qui défend l'usage du logement en limitant la spéculation immobilière. La jeune génération l'a bien compris et ne fantasme pas du tout sur la spéculation. Nous avons même des clients qui passent de la propriété classique au BRS, ils privilégient la valeur d'usage !
Votre statut de coopérative y est-il pour quelque chose ?
Tout cela est en tout cas parfaitement aligné avec notre philosophie. Nous avons des relations commerciales plus détendues avec nos clients, dès lors que toute idée de spéculation est écartée. Le BRS vient doper cet esprit coopératif qui est le nôtre.
Tous nos clients, locataires ou propriétaires, sont sociétaires. Ils sont invités à nos assemblées générales, disposent d'un droit de vote. Cela nous permet d'entretenir une relation durable avec nos clients et cela guide notre stratégie.
Nos trois métiers de promoteur, de bailleur et de syndic nous permettent de créer un lien avec les habitants tout au long de leur parcours de vie et leur parcours résidentiel. Et également de créer du lien entre eux et de faciliter leur interaction avec leur territoire. Nous voulons que notre action promeuve aussi la citoyenneté, la qualité de vie locale, le respect de l'environnement. Nous avons beaucoup de choses à construire ensemble !
Vous avez récemment engagé au moins deux programmes de rénovation pour partie en BRS…
À Saint-Didier-au-Mont-d'Or, nous possédions une vingtaine de logements locatifs sociaux répartis sur deux bâtiments à l'architecture assez pauvre que nous sommes en train de transformer dans une opération de réhabilitation avec surélévation et extension. Les coûts de constructions sont élevés, mais nous avons conscience de devoir désormais construire autrement en tenant compte du bilan carbone de nos opérations, sans parler du respect des sols, des arbres… Économiquement c'est plus compliqué, mais je me demande ce qui est simple aujourd'hui ! Notre activité de bailleur nous a permis d'amortir notre investissement initial en louant d'abord les logements pendant quelques années. In fine, nous avons créé un bâtiment en accession durablement abordable BRS de 20 logements et un autre de 24 logements locatifs sociaux que nous conservons en patrimoine. Plus récemment nous avons lancé le chantier de rénovation avec surélévation d'un immeuble commercialisé en BRS rue Bataille, à Lyon 8e, avec la Foncière Solidaire du Grand Lyon, sur une parcelle de 155 m² au sol : c’est ça la sobriété foncière !
1.Projet urbain Feel wood Saint-Didier-au-Mont-d'Or 2.Projet RSH rue Bataille. © Photo RHONE SAONE HABITAT
Avez-vous l'intention de développer vos activités dans l'ancien, et le BRS offre-t-il des opportunités particulières ?
Pour ce qui est du travail sur l'existant nous avons bien conscience de notre responsabilité. Le monde HLM s'intéresse de longue date à l'acquisition amélioration pour le logement locatif et nous pensons que nous pouvons faire de même avec l'accession. Les résidus fonciers existent, il faut savoir aller les chercher. En ce moment, nous montons une petite opération de huit logements dans le centre-ville de Lyon, très qualitatifs dans l'arrière-cour d'un immeuble haussmannien. Économiquement, ce n'est pas forcément simple.
Autre enjeu, il va falloir financer la rénovation énergétique des copropriétés. La surélévation peut être un levier pour les copropriétés qui peuvent vendre du foncier aérien à un OFS et financer ainsi leurs travaux. Avec la Fédération des coopératives HLM, nous travaillons aussi sur une adaptation réglementaire qui permettrait à un organisme de foncier solidaire de faciliter le financement et la réalisation de ces travaux.
Propos recueillis par Jeanne Bazard
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