Travailler sur l'existant devient impératif, mais nous cherchons encore le modèle économique

Mathieu Massot est le directeur général du groupe FDI, actif sur tout l'arc méditerranéen. Il est également le président de Procivis Immobilier. Procivis est un réseau national d'acteurs multimétiers (promotion, habitat social, services immobiliers)[1].

Leur statut coopératif leur permet de soutenir la rénovation du parc privé et la production de logements en accession abordable.

 

Procivis revendique un engagement dans des "missions sociales" : de quoi s'agit-il et comment sont-elles financées ?

Mathieu massot DG

Mathieu Massot. Chacune de nos structures est une incarnation de l'économie sociale et solidaire dans le domaine du logement. En tant que sociétés coopératives[2] nous n'avons pas d'actionnaires à rémunérer et nous pouvons en quelque sorte "restituer" au territoire sur lequel nous travaillons une partie de nos bénéfices. Une part importante de ces missions sociales aide les ménages à ressources modestes à rénover leur logement, l’isoler, l’adapter au handicap et au vieillissement, ou en devenir propriétaire.

 

Il faut insister sur le fait que ces missions ne sont finançables que dès lors que nous réalisons des bénéfices par ailleurs. Elles dépendent donc de la performance économique de nos entreprises. Par ailleurs il s'agit d'avances que nous faisons aux bénéficiaires d'aides ou de subventions de la part de l'État, via l'ANAH par exemple, que nous récupérons assez longtemps après, jusqu'à 24 mois plus tard. Certaines entreprises du réseau Procivis, et c'est le cas de FDI, emploient des chargés de missions sociales pour s'occuper du montage et du suivi de ces dossiers.

Illustration - wagner
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Nîmes, quartier Pissevin. Le Groupe FDI a avancé le financement de travaux d'urgence sur la galerie Richard-Wagner, organisée autour de huit copropriétés. © Citémétrie.

Qu'apporte l'échelle "réseau" dans cet engagement social ?

Le réseau nous a permis de signer des conventions avec l'État. Nous avons signé la troisième cette année, pour une durée de 8 ans. Elle définit notre engagement  à travers deux axes d’intervention : le soutien à l’accession sociale à la propriété et le soutien à l’adaptation du parc ancien. Le réseau Procivis mobilisera sur ses fonds propres 500 M€ pour la réhabilitation des copropriétés, la rénovation énergétique des logements, leur adaptation, la revitalisation des centres-bourgs ou encore la lutte contre le sans-abrisme et l’habitat indigne. Procivis s’engage également à construire 4000 logements en accession sociale sur la période 2023-2030. Le Groupe FDI, à travers ses 2 SACICAP, s’engage à construire 400 logements en accession sociale sur 8 ans et à décaisser 25 M€. C’est considérable !

On pourrait inversement parler de ce que cet engagement apporte au réseau. Ces missions sociales sont importantes pour manifester notre appartenance à l'économie sociale et solidaire, qui nous confère un positionnement réellement différenciant. Et la convention avec l'État à laquelle je viens de faire allusion comporte également un engagement de sa part à nous aider à développer nos activités ; ce qui est logique car, rappelons-le, l'aide que nous pouvons apporter aux territoires est directement corrélée à la performance économique de nos entreprises.

Justement, comment se portent les entreprises du réseau Procivis dans le contexte actuel : peut-on parler d'une résilience particulière du modèle?

Je me garderais de toute comparaison en ce qui concerne la résilience des entreprises de l'immobilier car je ne peux parler que de ce que je connais, mais je crois que nous avons en effet quelques atouts utiles dans la période actuelle. Le premier atout est l'absence d'actionnariat. Évidemment, nous souffrons comme les autres de l'effondrement de la demande dans le neuf comme dans l’ancien. Je ne dis pas que nous ne serons pas amenés, si cela devait durer trop longtemps, à fermer des agences ou à abandonner des programmes, mais pour le moment FDI se porte plutôt bien : nous n'avons pas mis en œuvre de plan social nous continuons à recruter et nous avons de l'activité.

Notre second atout, je parle ici encore de FDI mais c'est vrai pour le réseau Procivis en général, c'est notre ancrage sur un territoire de 135 communes, qui est historique et n'a jamais connu d'interruption, alors que les opérateurs nationaux ont abandonné l'échelon local.

Notre troisième atout est évidemment notre activité "multimétiers", qui conjugue promotion, habitat social et services immobiliers (transactions, gérance, syndic), même si, du point de vue comptable, les différentes filiales du groupe FDI sont indépendantes les unes par rapport aux autres. Mais, par exemple, notre antériorité  en terme d’accession abordable, que nous pratiquons depuis 2008 à travers le dispositif PSLA, et nos compétences en gestion nous ont beaucoup aidés pour créer notre propre OFS et lancer nos premiers programmes en BRS.

Vous qui connaissez bien les problématiques de rénovation du parc privé, comment voyez-vous le chantier énorme de rénovation énergétique qui est devant nous ?

Nous adhérons évidemment pleinement à l'objectif : la rénovation énergétique est une nécessité. Il y a une politique publique dans ce sens et nous ne nions pas les moyens qui sont mis, mais ils sont encore très insuffisants eu égard à l'ambition.

Sur le plan financier nous pensons qu'il faudrait aussi mobiliser des fonds privés, et pourquoi pas créer une banque dédiée. Nous, Procivis, avons peut-être une carte à jouer dans ce sens, même si ce ne sont pour le moment que des pistes de réflexion. Un peu sur le modèle du Crédit Immobilier de France, qui en son temps a fait beaucoup pour l'accession à la propriété des ménages modestes. Ici, il s'agirait d'aider les ménages et les copropriétés à effectuer leur rénovation énergétique.

Globalement, il manque un cadre sur lequel s'appuyer. Que faut-il entendre par rénovation énergétique ? Cela reste assez flou à ce jour. Les différents dispositifs de défiscalisation qui existent dans l'ancien ne sont pas particulièrement ciblés vers la rénovation énergétique, ou alors pas de manière claire et pérenne. Or c'est important car nous, opérateurs immobiliers, n'avons pas encore trouvé le modèle économique de la rénovation.

Et apparemment, l'outil de production n'est pas non plus totalement adapté…

J'allais y venir ! En dehors  des prix de vente qui ont fortement augmenté, le monde du BTP est fortement touché. Et en tant que maîtres d'ouvrage, nous ne pouvons hélas que subir car si nous coupons les paiements, la situation va empirer à notre détriment. C'est vrai dans le neuf, c'est encore pire dans la rénovation. L'outil de production ne fonctionne pas.  

Pour autant, pensez-vous que la restructuration de l'ancien puisse devenir un axe majeur de diversification pour les opérateurs immobiliers ?

On voit bien que tous les opérateurs y réfléchissent. Nous-mêmes chez FDI, cela fait deux ans que nous nous interrogeons sur l'opportunité de créer une structure dédiée, avec un mode opératoire spécifique, des profils spécifiques… Il est évident que la transformation de l'existant va devenir un impératif. Et nous qui savons conjuguer la production et la gestion à travers notre métier de syndic, nous avons un rôle majeur à jouer dans ce domaine. Mais nous n'avons pas encore trouvé le modèle, nous devons encore apprendre.

C'est d'ailleurs à ce thème que nous consacrons en ce moment notre dernière session du Procivis Lab'. Le Lab' est un think tank largement ouvert à des personnalités extérieures au réseau dans lequel nous réfléchissons à différents aspects des politiques du logement. Nous avons commencé par les copropriétés dégradées en 2019, puis nous avons travaillé sur le ZAN, sur les parcours résidentiels au fil des générations, avant d'aborder aujourd'hui la rénovation du parc existant.


[1] Soit 46 structures coopératives réparties sur l'ensemble du territoire national métropolitain. En agrégeant leurs chiffres d'affaires, Procivis se situe dans les dix premiers acteurs de la promotion immobilière, au deuxième rang pour la construction de maison individuelles, et au quatrième rang des administrateurs de biens. Il possède et gère environ 60 000 logements sociaux. 

[2] Sociétés Anonymes Coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété (SACICAP)

Propos recueillis par Jeanne Bazard et Yohan Breuil

© Unsplash nathalia rosa

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