On en parle depuis vingt ans : les prix de l'immobilier vont-ils enfin baisser ?

Les prix de l'ancien n'ont pas cessé d'augmenter depuis les années 1990, mais il n’existe pas de modèle économétrique bien établi permettant de l'expliquer. Dans ces conditions, toute prévision ne saurait être que largement hasardeuse.

Équipe ADEQUATION

Publié le 14/09/2023

 

Yann Gérard et Antonin Balle d'ADEQUATION ont publié, sous le titre Baisse des prix immobiliers résidentiels : le retour d'une certitude ? un article sur le site Fonciers en débat.

À partir de données produites par les notaires et par l'Insee, les auteurs montrent que les prix de l'ancien augmentent de façon quasi continue depuis 1996 (à deux exceptions ponctuelles près) et que les hausses des prix sont généralement précédées de hausses des volumes de vente.

Premier résultat, lidée dun marché gouverné par une prétendue "loi" de l'offre et de la demande, laquelle conduirait à une baisse des prix lorsque les volumes augmentent, est pour le moins contrariée.

Il faut donc, pour tenter de comprendre le(s) phénomène(s) à l’œuvre, convoquer dautres indicateurs. À ce titre, le ratio prix / revenu des ménages est régulièrement mis en avant : plus les ménages gagnent dargent, plus on peut imaginer quils seront en mesure de payer leur logement cher. Or l'article montre que ce ratio a fortement augmenté au cours des 20 dernières années (l’écart entre les prix et les revenus sest creusé) sans constituer de limite ni de frein apparent à la hausse des prix. On notera que le ratio prix / loyer a également augmenté fortement, dégradant la rentabilité locative, et bousculant lidée pourtant bien établie que les prix de vente seraient directement corrélés aux loyers.

Troisième déterminant possible : les conditions de prêt. Elles permettent, lorsque les taux d’intérêt baissent, de fortement solvabiliser les ménages. Yann Gérard et Antonin Balle distinguent les rôles joués respectivement par les taux, la durée d’emprunt et les revenus dans l’évolution des conditions de prêt. Ils montrent que ces trois facteurs cumulés ne sauraient expliquer qu’une partie (au mieux 60 %) de la hausse des prix qui a débuté à la fin des années 1990. Ils ont toutefois pu jouer un rôle plus important dans le maintien du niveau de prix atteint à partir des années 2010. Une dégradation des conditions d’emprunt (la remontée actuelle des taux par exemple) pourrait donc conduire à une baisse des prix… mais sans que cela ne soit automatique.

Illustration - graphique denis
graphique denis

Sources : Insee pour les revenus, Insee-Notaires pour les prix, et Observatoire CSA-logement pour les taux et durées. Calculs Adéquation, après Cusset P.Y. et al. 2011.

Le graphique compare l’évolution des prix et celle des conditions de financement des ménages hors apports, qui permettent de déterminer une capacité d’emprunt. Cette dernière est elle-même décomposée entre la part qu’ont le taux d’intérêt moyen (effet taux), le revenu moyen (effet revenu) ainsi que la durée moyenne du prêt (effet maturité) dans la capacité d’emprunt totale. Prix du logement et capacités d’emprunt sont ramenés à 100 en 2001, par convention, pour permettre de comparer leurs évolutions respectives. Ce sont donc les divergences d’évolution entre les prix de l’ancien et les différentes composantes de la capacité d’emprunt des ménages (hors apport initial) qui sont évalués, et non strictement la capacité des ménages à acheter un logement donné.

En conclusion, il n’existe donc pas d’explication simple aux mouvements de prix. Malgré les efforts des nombreux chercheurs (cités dans l'article) qui travaillent depuis longtemps sur ce sujet, on ne dispose pas d’un modèle éprouvé de la formation des prix.

On aura compris que le sujet mérite sans doute une analyse multifactorielle, systémique, et que, si l'analyse est délicate, la prévision l'est encore plus.

Tout de même, que penser de la "baisse des prix" qui semble se profiler ?

 Les auteurs rappellent que les publications récentes les plus sérieuses ne font état dune baisse "que" de quelques points, qui ne témoigne pas nécessairement dun mouvement structurel et durable. Si elle devait se poursuivre, rien ne permet de dire si elle sera forte (scénario des années 1990 à Paris) ou modérée.

Rien d'ailleurs ne permettrait de la qualifier plus que cela, en parlant par exemple d'un ajustement ou d'un retour à la normale. Car il nexiste pas de prix "normal" ou "juste", établi une fois pour toute, et sur lequel on pourrait espérer que le marché sajuste. Pour le dire autrement : qu'est-ce que la normale quand les prix augmentent depuis 25 ans ?

En revanche, un "retour" aux prix des années 1990 est hautement improbable. Dautant quune partie du marché est alimentée par des secundo-accédants, déjà propriétaires (au moins partiellement) de leurs logements. Dans un raisonnement à la limite, on pourrait se dire que le marché de l'ancien finira pas se limiter aux "déjà" propriétaires, qui s'échangent des biens sur un marché fermé à stock constant, le prix ayant peu d'importance.  

Une seule certitude finalement, le désir de propriété est resté et restera très fort.

Au-delà des éléments monétaires, la hausse des prix et des volumes des années 2000 témoigne dun changement de statut du logement. Il est devenu, bien plus quil ne l’était, un placement de prévoyance et de retraite. On peut donc raisonnablement imaginer que, face à des prix qui restent élevés, les Français ne ménageront pas leurs efforts pour trouver des ressources leur permettant dacheter, entre arbitrages budgétaires et transferts intergénérationnels plus ou moins anticipés. Sintéresser aux modalités de constitution du patrimoine immobilier des ménages pourrait ainsi être particulièrement éclairant quant à la formation des prix.

Voir l'article sur le site de Fonciers en débat.

 


© dana-sredojevic pexels

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