Pinel + : plus de qualité, mais moins de logements

Le dispositif Pinel est prorogé jusquen 2024 sous le nom de « Pinel + » avec de nouveaux critères d’éligibilité. Quelles conséquences ces critères auront-ils sur la production des logements locatifs par ce dispositif ? Le Pinel + reste-t-il par ailleurs adapté aux conditions de marché ?

Olivier Conus

Publié le 07/09/2022

 

Le nouveau dispositif Pinel +, dont lobjectif est une « décroissance progressive du Pinel, avec une échéance en 2024 » selon les termes du gouvernement, s’applique aux logements achetés en 2023 ou 2024, et dont le permis aura été déposé ces mêmes années. Les changements concernent la qualité des logements, mais rien ne change du côté de la mise en location : bail de 6 années minimum pour un logement non meublé destiné à la résidence principale, sur une zone éligible (A, Abis, B1 ou B2 dérogatoire comme les zones bretonnes), en respectant les plafonds de ressources des locataires et de loyers définis chaque année.

Élévation de la qualité d’usage : le défi des surfaces minimales

Pour être éligibles au Pinel +, les logements devront notamment respecter des niveaux de performance énergétique et environnementale fondés sur les exigences prévues pour 2025, ainsi que des normes de confort supplémentaires.

Certains de ces nouveaux critères sont issus des conclusions du Rapport sur la qualité dusage du logement, établi par François Leclercq, architecte, et Laurent Girometti, directeur général dEpamarne-Epafrance, à la demande de la ministre Emmanuelle Wargon dans le cadre de la démarche « Habiter la France de demain », en octobre 2021.

Un point important réside dans le respect d’une surface habitable minimale et dans lexistence despaces extérieurs privatifs ou à jouissance privative (terrasse ou balcon), également dune surface minimale. En outre, les T3 et plus devront avoir une double orientation.

Illustration - Surfaces habitables minimales - Pinel +
Surfaces habitables minimales - Pinel +

Surface minimale des logements : les T2 actuels loin du compte

D’après les données de de la Plateforme Promotion France d’ADEQUATION, qui suit l’ensemble de l’activité en promotion immobilière résidentielle neuve, 62 % des logements vendus aux particuliers (investisseurs ou accédants à la propriété) entre 2019 et 2021 respectaient ces critères de surface, et seraient donc éligibles au Pinel + sils étaient vendus à partir de 2023.

Néanmoins, si lon étudie les résultats par typologies, les contrastes sont importants, en particulier pour les logements T2 qui ne sont que 37 % à atteindre les 45m2 prescrits. En 2021, 87 % des T1 et 73 % des T2 vendus l’ont été à des investisseurs. Si seule une proportion très inférieure d’entre eux est éligible au Pinel +, il est à craindre que leur commercialisation soit rendue très délicate, faute d’attractivité pour les investisseurs et  tandis que les propriétaires occupants recherchent peu ces petits logements.  L’impact serait sans doute moindre pour les logements 3 pièces (aujourd’hui vendus à 46 % aux investisseurs), tout en restant significatif. Dans l’ensemble, le rythme de commercialisation et l’équilibre global des opérations immobilières seront significativement affectés.

Pour donner une idée des écarts à combler, si lon diminuait arbitrairement la règle de 3 m² par logement, alors 84 % des logements vendus sur les 3 dernières années seraient éligibles. La part des logements T2 atteignant la surface minimale (par hypothèse de 42m2) se hausserait à de 37 % à 70 %.

Illustration - Surfaces minimales - Pinel +
Surfaces minimales - Pinel +

Espaces extérieurs : peu d’inquiétude à avoir

D’après les mêmes données, 84 % des logements vendus entre 2019 et 2021 possédaient un espace extérieur (balcon, terrasse ou jardin). Il faut noter qu’il s’agit de programmes développés pour la plupart entre 2015 et 2018, donc bien avant la pandémie de Covid 19 qui a eu pour effet de valoriser fortement ces espaces.

Pour au moins 82 % de logements dès le 2 pièces, ces espaces atteignent les surfaces requises par le Pinel +. En revanche, ils ne sont présents que dans 60 % des studios (lesquels représentent toutefois moins de 5% des ventes de promoteurs hors résidences gérées.)

Illustration - surfaces m2
surfaces m2

Le Pinel restera-t-il attractif pour les investisseurs ?

S’ils n’ont pas été modifiés par le Pinel +, il n’est pas inutile de rappeler les deux plafonds qui encadrent l’accès au dispositif Pinel pour les investisseurs, inchangés depuis son entrée en vigueur. Le montant investi est retenu dans la limite de 300 000 € par contribuable et par an, et à un prix maximum de 5 500 € par m² de surface habitable. Linvestissement locatif ne bénéficie de la défiscalisation que dans la limite des valeurs sus-mentionnées : quand elles sont dépassées, il devient moins attractif.

Jusqu’à la fin de la décennie 2010, le prix de 5 500 € par m² n’était atteint que dans le cœur des grandes métropoles. Or avec la hausse continue des prix du neuf depuis plus de 10 ans, les valeurs de marché se sont rapprochées de ce plafond jusque dans les agglomérations de taille moyenne.

Illustration - prix moyen de vente au m2 des logements neufs en promotion
prix moyen de vente au m2 des logements neufs en promotion

En 2021, seulement 76 % des logements étaient mis en vente à moins de 5 500 €/m² parking compris à l’échelle nationale, contre 85 % en 2017. Cette proportion est moindre pour les petits logements, cibles privilégiées des investisseurs, avec 53 % des studios et 75 % des 2 pièces sous les 5 500 €/m² mis en vente.

Au regard des hausses de prix enregistrées depuis le début de lannée 2022, et des hausses annoncées par les principaux acteurs du secteur, il est à craindre que la proportion de logements éligibles en totalité au dispositif Pinel+ diminue encore dans les années à venir.

Illustration - Part de logements dont le prix est < à 5 500 €/m2
Part de logements dont le prix est < à 5 500 €/m2

De fortes tensions à craindre sur les marchés locatifs

Les critères applicables au Pinel + à partir de 2023 vont sans doute impacter sensiblement les marchés de la promotion immobilière résidentielle, tant en ce qui concerne la nature des logements développés que les volumes dactivité.

Si les efforts à consentir pour augmenter les surfaces habitables et la présence d’espaces extérieurs semblent surmontables, ils vont néanmoins dans le sens dun renchérissement du prix des logements, sur des marchés où les valeurs ont atteint des sommets au cours de ces derniers mois.

Plus complexe est la question du prix au regard du plafond à 5 500 €/m² en regard des tensions actuelles sur la matière première, le foncier, les coûts de production (main d’œuvre et matériaux), sans compter le renchérissement du crédit pour les opérateurs immobiliers.

Rappelons que ces évolutions s’inscrivent dans le contexte d’une baisse déjà très sensible de la production destinée à l’investissement locatif depuis 3 ans. Les volumes ont en effet chuté de 61 000 ventes en 2019 à moins de 44 000 ventes à la fin juin 2022 (sur 12 mois glissants). Doù des difficultés prévisibles sur les marchés locatifs, déjà sous tension dans de nombreuses métropoles et agglomérations françaises, faute dune alimentation suffisante.


© oziel-gómez - Pexels

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