Comment Immobilière 3F intervient-elle sur le marché du BRS ?
Romain Stern : Elle intervient de manière générale en accession en Ile-de-France pour ses filiales sous la marque 3F Accession. Nous avons commencé par des opérations en TVA 5,5 % avant de nous diversifier avec le PSLA en 2019 et le BRS en 2021. Pour ce dernier, nous travaillons principalement avec la Coopérative foncière francilienne (OFS) dont nous sommes sociétaire, mais aussi avec les OFS de Plaine Commune, de Paris ou des Yvelines.
Immobilière 3F est également un OFS agréé depuis 2020. Son objet est avant tout de pouvoir permettre la vente HLM en BRS dans le patrimoine ancien. Mais l’équilibre global de ce type de montage est complexe et doit avoir un intérêt pour le locataire qui achète son logement en BRS. Nous n’avons donc pas encore de programme au stade opérationnel. En revanche, notre OFS porte certains programmes neuf réalisés par 3F Accession ; exclusivement aujourd’hui dans le cadre de montage en VEFA avec des promoteurs et si cela à un intérêt fort pour le territoire.
Vous parlez d’un « second cycle du BRS » : pourquoi ?
Il y a trois raisons de considérer que le BRS entre dans un second cycle.
D’abord, c’est un produit très disruptif qui dissocie la propriété pour créer une offre pérenne d’accession abordable au profit du parcours résidentiel. Avec le recul que nous avons depuis 2017 [décrets d’application], nous avons acquis suffisamment d’expérience sur l’accueil du BRS par les territoires et les acquéreurs pour en tirer un premier bilan et le cas échéant recadrer ce qui doit l'être. Ensuite, les premières reventes sont là. Elles doivent être accompagnées et c’est une nouvelle activité stratégique qui démarre pour les OFS.
Enfin, le contexte est en train de changer : le BRS a notamment été imaginé pour répondre à la hausse continue des prix immobiliers sur les marchés tendus et les contenir dans le temps. Or les prix du neuf connaissent une contraction, l’écart avec l’ancien se resserre et cela peut venir potentiellement relativiser l’intérêt du BRS pour l’acquéreur sur certains territoires.
Est-ce le moment de revoir le modèle ?
C’est plutôt le moment de regarder ce qu’il faut améliorer, notamment en se mettant à la place de l’acquéreur. Objectivement, le BRS est plus intéressant que la location sur le marché privé, qui est son alternative la plupart du temps, puisque l’acquéreur se constitue une épargne qu’il récupérera à la revente. Mais le montant de cette épargne est quand même lié au prix auquel il va céder son droit réel.
Certes, potentiellement il ne perdra pas d’argent car il bénéficie de la garantie de rachat de l’OFS, mais celui-ci peut appliquer une décote importante. Ces règles sont différentes suivant les OFS. La multiplication des premières reventes va être très instructive : vont-elles bien se passer ou vont-elles installer un doute sur l’intérêt du BRS pour les acquéreurs ? Et donc sur le marché de l’accession abordable ? C’est une question très importante car, pour massifier le BRS, nous devons répondre au besoin de confiance, de transparence et de sécurité des acquéreurs.
Comment sécuriser la revente pour l’acquéreur ?
En amont, pour commencer, il faut être très vigilant sur le prix du neuf. Nous savons que la valeur d’un bien fluctue à la hausse ou à la baisse pour des raisons indépendantes de notre volonté : conjoncture, changement inopiné dans l’environnement urbain…. Raison de plus pour bien calibrer ce sur quoi nous avons la main, en particulier le prix initial : il doit être au minimum 30 % inférieur au prix du neuf, voire 40 %, pour absorber les fluctuations futures et maintenir son écart, et donc son intérêt, à la revente. Sans oublier une redevance raisonnable ! La prudence impose aussi de réserver le BRS aux secteurs pour lesquels il a été conçu, c’est-à-dire les zones tendues ou en tension. Mais sécuriser la revente, c’est aussi la rendre plus fluide.
Qu’entendez-vous par « plus fluide » ?
C’est assez difficile aujourd’hui pour un titulaire de BRS de vendre son bien, d’autant que le processus d’agrément rallonge les délais. Les agents immobiliers ne sont pas formés à cela. On est loin du moment où l’on pourra mettre son BRS en vente sur Le Bon Coin ! Ce qui n’est pas forcément plus mal. Mais massifier le BRS, cela veut dire aussi en faire un produit immobilier parmi d’autres aux yeux du grand public. Or aujourd’hui, même si l’essentiel est encadré par la loi, il y a tellement de variations dans la présentation des offres ou les termes du contrat qu’il est difficile au profane de s’y retrouver.
Par exemple ?
La décote par rapport aux prix du marché au moment de l’achat, le calcul du prix de revente, la redevance et son indexation, les garanties de reprise par l’OFS, la prise en compte des travaux de l’acquéreur dans la valeur du bien… Tout ceci varie d’un OFS à l’autre et donc d’un programme à l’autre. La réglementation continue en outre à évoluer, comme nous l’avons vu récemment avec l’encadrement de la mise en location d’un logement acquis en BRS, un droit auparavant à la discrétion des OFS. Cela ne facilite pas la communication de type bouche-à-oreille entre particuliers, cela peut même la brouiller singulièrement.
Faut-il donc harmoniser les conditions des contrats de BRS entre les OFS ?
Oui, je le crois. Les OFS auront un travail à faire afin de s’entendre sur les modalités de cette harmonisation, a minima sur un même territoire, et aboutir à une plus grande lisibilité. Cette réflexion collective est d’ailleurs engagée. Ensuite il leur faudra s’efforcer de faire traduire réglementairement leurs propositions.
La massification passe par la confiance, qui passe par la lisibilité des conditions contractuelles, qui passe par leur unification à l’échelle territoriale ou nationale. Il y a quand même un point qui ne pourra pas être unifié, c’est le montant de la redevance. Sa fixation est liée à la valeur du foncier d’une opération mais aussi aux politiques de territoires portés par des collectivités.
La confiance dans le BRS passe donc par de bonnes conditions initiales, plus d’unité contractuelle et… une implication des OFS dans la revente ?
Pas seulement la revente. Il faut professionnaliser la gestion du bail. Par exemple il est utile que les OFS communiquent avec leurs clients tout au long du bail pour entretenir une connaissance du BRS qui peut s’étioler dans le temps, et pour répondre à leurs interrogations. C’est important pour maintenir la confiance et préparer la revente, qu’il faut en effet accompagner puisqu’on a bien compris qu’on ne pouvait pas laisser faire le marché.
La croissance des volumes revendus, surtout si le développement se poursuit à bon rythme, va être exponentielle : il faut donc se préparer rapidement à y faire face et les OFS en ont conscience. Chacun doit-il développer sa propre structure ou bien serait-il plus judicieux de mutualiser cette tâche ? La réponse n’est pas évidente . L’investissement est important, d’autant que les OFS, dans la majorité des cas, n’assurent pas aujourd’hui la commercialisation des logements neufs et ne peuvent donc pas s’appuyer sur ce savoir-faire.
Les OFS ont donc du pain sur la planche en abordant ce second cycle du BRS
Nous passons de l’enfance à l’adolescence, qui n’est encore qu’une préparation à l’âge adulte ! À ce moment-là, nous aurons fait la preuve que le BRS aura tenu ses promesses. Il sera suffisamment compris du grand public et suffisamment massifié pour constituer un segment de marché fluide, pérennisant une offre abordable significative que nous appelons tous de nos vœux.
Réagissez