Le volume des actifs économiques obsolètes potentiellement transformables en logements, principalement des bureaux, serait de 5 millions de mètres de carrés de plancher rien qu’en Ile-de-France, soit 10% du parc (source : JLL). S’entend ici le parc des bureaux qui ne seraient plus jamais loués, notamment en raison de leur emplacement peu favorable, de leurs lacunes thermiques et de leur inefficacité structurelle.
Il y a lieu de relativiser ce potentiel. Certains immeubles ne sont pas transformables pour des raisons techniques ou de localisation (cas d’un immeuble tertiaire vacant au milieu d’une zone d’activité). Sur le plan économique, il faut aussi que la valorisation des logements soit rentable et plus attractive qu’une valorisation en bureaux après rénovation.
Pour autant, apprendre à transformer les bureaux obsolètes en logements n’est pas vraiment une option : le foncier est rare, les sols naturels et agricoles doivent être préservés, et le réemploi de bâtiments permet de réduire l’empreinte carbone de l’immobilier.
Vous avez dit « simplifier » ?
Peu avant la dissolution de l’Assemblée nationale, la proposition de loi du député Romain Daubié « visant à faciliter la transformation des bâtiments de destination autre qu'habitation en habitations » était sur le point d’être adoptée. Elle visait notamment à assouplir l’application du plan local d’urbanisme et à favoriser le financement des équipements publics devant accompagner ces changements de destination.
Une simplification serait certes bienvenue, mais nos élus semblent y voir la possibilité d’une certaine standardisation des projets immobiliers eux-mêmes. Comme si, la voie étant dégagée des obstacles administratifs, il suffisait de dérouler un process bien rodé de transformation. Il s’agirait donc, mutatis mutandis, d’appliquer à la transformation immobilière le modèle de la promotion.
C’est oublier un peu vite les contraintes physiques qu’oppose le bâti existant à la liberté architecturale et à l’optimisation économique des projets de transformation : on ne fait pas exactement ce que l’on veut. Certains programmes sont plus faciles à loger, tels que les résidences de co-living ou les résidences étudiantes, mais le marché ne s’y prête pas toujours. Inversement, le travail fin de programmation granulométrique des logements, au cœur du métier de la promotion immobilière, est beaucoup plus difficile à mener dans l’existant, où les logements créés ne seront pas vendus plus cher pour autant.
Majors à la manœuvre du recyclage urbain
Des acteurs importants s’intéressent déjà à ce gisement, dans une démarche plus large de recyclage urbain. C’est le cas notamment du groupe Action Logement avec sa Foncière de Transformation Immobilière, lancée dès 2020, avec un modèle basé sur le bail à construction (lire l’interview de Katelle Le Guillou).
Régénimo, foncière d’initiative publique-privée réunissant CEETRUS, Nhood et la Banque des Territoires vient d’être créée pour agir en faveur de la transformation de friches commerciales et industrielles, avec la capacité à mobiliser les financements de long terme. Plusieurs promoteurs comme NEXITY (Héritage), ALTAREA-Cogedim, ICADE Promotion (Afterwork by Icade) ou encore Bouygues Immobilier (Converso) structurent également des filiales spécialisés, et nous voyons arriver de nouveaux prêts « verts » de long terme du côté des banques, pour favoriser la transformation en logements de bâtis existants.
Si l’on peut se réjouir de ces initiatives, force est de constater qu’il s’agit d’un nombre limité d’acteurs disposant d’une surface financière importante. La transformation immobilière, plus coûteuse que la promotion, n’est pas accessible à n’importe quel opérateur, surtout dans un moment où l’argent coûte plus cher et où les banques demandent plus de garanties pour prêter.
En outre, ces acteurs ont intérêt à trouver des économies d’échelle, par exemple en privilégiant les les actifs de grand volume et les modèles programmatiques adaptés (coliving et résidences étudiantes), relativement standardisables.
Small is (also) beautiful
Mais les « majors » ou les foncières spécialisées ne pourront pas à eux seuls exploiter l’ensemble du gisement y compris celui des « petites transformations cousues main », moins gourmandes en capital – la marche est moins haute – mais exigeantes en ingénierie et en présence de terrain.
Une transformation massive passera donc aussi par la forte implication d’autres profils d’opérateurs immobiliers, de taille plus modeste mais sachant travailler ce type de projets et en maîtriser le coût de revient et la commercialisation. Se posera toutefois la question de leur accès au capital, bancaire ou non.
« Dé-standardiser »
La promotion immobilière s’est développée en standardisant ses produits et ses modes constructifs. Or c’est justement vers une « dé-standardisation » des modes de faire qu’il faut aller pour aborder correctement la restructuration de bâti existant (avec ou sans changement de destination d’ailleurs).
Cela n’est en rien contradictoire avec une recherche d’efficience, empruntant d’autres voies : la construction hors site d’éléments de second œuvre par exemple.
D’autres gains d’efficacité sont souhaitables, dans l’ingénierie et la gestion de projet. Typiquement : apprendre à dialoguer avec les propriétaires d’actif obsolescent et les élus, afin de les convaincre que le statu quo n’est pas dans leur intérêt, mais aussi que le modèle économique de la transformation n’est pas celui de la construction neuve.
Incitations
Reste que malgré toute la bonne volonté et la capacité d’innovation des acteurs concernés, rien ne se fera sans une politique publique nationale plus incitative et favorable. Outre qu’elle participe à la production de logement, la transformation immobilière est un investissement d’avenir, elle contribue à la décarbonation de l’immobilier et à la protection de la biodiversité. Ce sont des enjeux majeurs qui justifieraient pleinement la mobilisation de l’épargne des ménages. Elle peut aussi, et ce n’est pas négligeable, donner une perspective d’avenir à une promotion immobilière qui en a bien besoin.
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Hello Quentin,
J'espère que tu vas bien. Ton article m'a interpelé. La mutation de locaux non résidentiels via de « petites transformations cousues main », est une compétence que j'avais développé dans les années 90 lorsque je dirigeais CICRA SA, société portée par 4 collecteurs du 1% logement lyonnais (C'était une autre époque), pour développer un parc de logements PLA-TS (Très Social) sur tous Lyon et Villeurbanne. A titre d'exemple nous avions transformé un plateaux de bureaux au 1er étage de immeuble qui fail l'angle entre le cours de la Liberté et la rue Mazenod pour créer 5 logements.
A ton écoute pour en discuter...
Hello Quentin,
Merci pour cet article de grande qualité qui pose de nombreuses questions !
Dans son rapport, André Yché met en avant le nécessaire accompagnement fiscal d'une telle transformation du parc afin d'inciter les grands propriétaires à considérer autrement les conséquences financières (dégradation de la valeur du bâti, coûts de travaux élevés, ...) de telles transformations. Qu'en penses-tu ?
Bien à toi,
Arnaud
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