Luxembourg : un marché immobilier tendu porteur d'opportunités ?

Des revenus élevés, un taux d’emploi exceptionnel, une proximité géographique et une communauté linguistique… Le Luxembourg a de quoi intéresser les promoteurs français. D’autant que le Grand Duché prend actuellement des mesures structurantes pour remédier à une pénurie de logements.

Alexia Schnebelen

Publié le 12/11/2024

 

Dans le contexte actuel, beaucoup de regards se tournent vers le Luxembourg. Non que ce petit pays, à peine plus grand qu’un département français, puisse être un eldorado pour les promoteurs hexagonaux. Mais certains ratios font rêver. 

Des ratios atypiques

« Pays des 3 frontières », le Luxembourg compte 660.000 habitants (soit le département du Puy-de-Dôme) dont presque la moitié d’étrangers et 515.000 emplois. Près d’un actif sur deux est un frontalier, un frontalier sur deux est français.

Un habitant sur cinq réside à Luxembourg-Ville, qui a à peu près la taille d’Amiens. La démographie est très dynamique puisque la population a augmenté de +19 % entre 2015 et 2024 ! Les 65 ans et plus ne représentent que 15 % de la population globale, contre 21 % en France.

Le revenu total disponible moyen par ménage est de 6.572 €/mois contre 2.304 €/mois en France. Les prix de marché sont sans commune mesure avec les prix français, avec 8.100 €/m2 dans l’ancien (France : 3.300 €/m²) et 10.200 €/m² dans le neuf (France : 4.580 €/m²). À Luxembourg-Ville et Esch-sur-Alzette, les loyers sont comparables à ceux de Paris.

Une rente foncière manifeste, en cours de réforme

Le coût de construction au Luxembourg serait de l’ordre de 3.000 €/m2. Le niveau des prix de vente, autour de 10.000 €/m2, révèle des coûts de foncier excessivement élevés, qui s’expliquent notamment par la concentration importante du foncier constructible entre les mains d’un petit nombre d’acteurs privés.

Selon l’Observatoire du logement du gouvernement (données 2020/21), le foncier constructible à destination mixte ou résidentielle est détenu à 64 % par des personnes physiques, suivies des sociétés privées, 20 %. Le reste appartient dans l’ordre aux communes (7 %), aux fonds publics et à l’État. Les personnes physiques sont plutôt réticentes à construire. Parmi elles, 10 % des propriétaires détiennent 55 % du foncier concerné. On retrouve la même concentration en ce qui concerne le foncier détenu par les société privées : 10 groupes en possèdent plus de la moitié.

Étant donné la pénurie préoccupante de logements, le gouvernement du Grand Duché a entrepris une réforme profonde de la fiscalité foncière, dans un pays où les valeurs prises en compte n’ont pas été actualisées depuis… 1941 ! Outre la révision complète des valeurs d’assiette, la réforme prévoit un impôt spécifique dit "à la mobilisation de terrains" visant à inciter à la construction.

Une réforme récente du logement dit « abordable » et les premières VEFA aux acteurs publics du logement

Une loi de juillet 2023 est venue réformer, clarifier et soutenir la production de ce que nos voisins luxembourgeois n'appellent pas logement social mais « abordable », terme qui s’applique tant au locatif qu’à l’accession. Existe aussi une catégorie de logements en accession « à coût modéré ». Ce sont des « promoteurs sociaux[1] » qui les construisent. Ces logements sous conditions de ressources (et autres) reçoivent des aides à la pierre de l’État. L’accession n’est proposée que dans le cadre d’une emphytéose avec droit de rachat prioritaire pour l’État ou un promoteur public1.

À la différence de la France, la production de logements abordables via des VEFA de promoteurs est très récente depuis que, en 2023, le gouvernement luxembourgeois a mis en place un plan de soutien via le rachat de logements par les promoteurs publics qu’il contrôle, avec une procédure et un cahier des charges. Ce mode de production est désormais considéré comme un appui à la production de logements abordables, dont le volume est appelé à augmenter.

Le logement « priorité nationale »

Le gouvernement luxembourgeois semble avoir pris la mesure du problème du logement. Début octobre, il organisait la Semaine nationale du logement 2024, rassemblant « les acteurs publics, privés, associatifs et les citoyens autour d'une priorité nationale : garantir à chacun un logement décent, durable et accessible. »

On retiendra notamment la déclaration du ministre chargé du logement, Claude Meisch, selon laquelle « Face à la pénurie du logement au Luxembourg, la mobilisation des terrains à bâtir déjà identifiés constitue l'une des mesures les plus importantes pour la création de nouveaux logements. Une analyse globale des plans d'aménagement général (PAG) des communes luxembourgeoises révèle l'existence de nombreuses parcelles de construction qui demeurent cependant inutilisées […] souvent dans des zones bien desservies et centrales, bénéficiant d'infrastructures existantes telles que les voiries et les réseaux de services. En utilisant à bon escient ces terrains, il est possible de réduire les coûts de construction, d'améliorer les services publics et de protéger en même temps des espaces naturels précieux. »

Les données actuelles du Département de l'aménagement du territoire démontrent que jusqu'à 160.000 nouvelles unités de logement pourraient être construites sur ces parcelles existantes.

Si ces perspectives paraissent alléchantes, il convient toutefois de rappeler la taille extrêmement réduite de ce marché, qui subit en outre une crise importante : il s‘est réalisé cette année en moyenne 140 ventes par trimestre ; la moyenne était de 580 ventes par trimestre sur la période 2010-2023. 

Précisons pour finir que, si des opérateurs étrangers sont présents sur ce marché, c’est toujours en partenariat avec un acteur local. Une opportunité se présente peut-être pour les promoteurs français : selon le même communiqué du gouvernement, « un nouveau modèle de collaboration avec le secteur privé, le PPP − le partenariat public-privé −, a été mis en place et un appel à projets sera lancé avant décembre. » À suivre !


[1] Les promoteurs sociaux comprennent les promoteurs publics (communes, Fonds du logement et SNHBM) et les promoteurs sans but de lucre (fondations, associations, sociétés d’impact social).

© Pexels - Rakicevic Nenad

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