La solidarité intergénérationnelle est aussi une question urbaine

David Meynard est le directeur du développement de Récipro-Cité, une société de conseil, d’études socio-territoriales et d’ingénierie sociale, engagée dans l’économie sociale et solidaire. Elle accompagne les acteurs de l'habitat et des territoires pour développer le vivre-ensemble, en particulier entre générations. Depuis ce poste d'observation, il s'est convaincu de l'importance, pour les territoires, d'être plus à l'écoute des personnes âgées, dont la part au sein de la population croit durablement, et dont les besoins sont spécifiques.

Équipe ADEQUATION

Publié le 12/12/2021

 

Vous parlez d'accompagner la transition démographique : que voulez-vous dire par là ?

David Meynard, directeur du développement chez Récipro-Cité

Personne n'ignore le phénomène de vieillissement de la population française, ce qui revient à dire que la part des personnes âgées dans cette société va croissant. Cette transition démographique doit être gérée, accompagnée. Nous sommes convaincus que cela passe par la reconnaissance du rôle des aînés dans la société : il faut leur faire une place qui ait du sens pour tous.

Nous y contribuons par nos missions de conseil et d'animation de résidences intergénérationnelles, mais l'enjeu mérite une mobilisation beaucoup plus massive. Cela implique un habitat qui permette aux personnes âgées de vivre bien, avec tout ce que ce mot contient, y compris une vie sociale riche et une contribution réelle, utile, reconnue au fonctionnement harmonieux de la société.

C'est donc en cela que c'est une question urbaine ?

C'est une question urbaine, ou même d'aménagement du territoire, parce que cette place que nous voulons faire à nos aînés sera plus ou moins facile à tenir selon que les structures urbaines – l'habitat, les déplacements, le commerce, les équipements publics… – sont un soutien ou un obstacle. Voilà pourquoi c'est aussi aux acteurs locaux, dans les communes, les intercommunalités et les départements, de s'emparer du sujet. Cela commence par la connaissance des personnes âgées qui vivent sur leur territoire : qui sont-elles, quel âge ont-elles, où habitent-elles, quels problèmes rencontrent-elles au quotidien ?

Ces acteurs publics ne sauraient se contenter, comme c'est souvent le cas, de réceptionner les propositions d'opérateurs immobiliers, si convaincantes soient-elles. Il leur appartient de définir des orientations claires sur la manière dont les besoins spécifiques des personnes âgées seront pris en compte sur leur territoire, dans leurs politiques publiques et dans leurs documents d'urbanisme. Ce ne serait pas une révolution, mais un changement de paradigme quand même assez notable, dans lequel la démarche prospective sera essentielle. Le vieillissement de la population est un phénomène durable, qui va s'accentuer dans les décennies à venir.

Quel est plus concrètement l'enjeu de cette appropriation du sujet par les collectivités ?

On sait que les départements sont compétents sur le traitement médico-social du vieillissement, mais d'une part ce n'est pas le seul prisme sous lequel il faut l'appréhender, d'autre part les besoins sont très différents selon les profils de territoire. Dans le monde rural, et même souvent dans le périurbain, le problème de l'isolement des personnes se pose avec une certaine acuité, en raison notamment d'une offre inadaptée de transports publics, ou bien parce que les logements eux-mêmes sont inadaptés : trop grands, insécures, etc. Dans les centres urbains, la densité d’habitat pourrait être un atout pour limiter cet isolement, mais il existe un vrai déficit de lien social, et les espaces et équipements publics ne sont pas toujours adaptés.

Il faut donc penser les besoins des personnes âgées en regard des caractéristiques de chaque territoire. Pour prendre un exemple, le département de la Seine-Saint-Denis a récemment défini de bonnes pratiques pour rendre les projets de renouvellement urbain du NPNRU plus inclusifs pour les personnes âgées ou handicapées. C'est plutôt une bonne chose, mais c'est une démarche qui devrait être généralisée à tout type de quartier, et menée en articulant les échelles de territoire : quartier, commune, intercommunalité, département.

Se pose aussi la question du changement de vie au moment du départ des enfants ou de la retraite. À ce moment-là, les gens sont encore assez jeunes pour se projeter dans un nouvel habitat. Ils vont se déterminer en fonction de critères tels que la présence de services, d'équipements, la possibilité pour eux d'avoir une vie sociale épanouie, de se rapprocher de leur famille, tout en pensant à leur grand âge et au confort de leur logement. Ils pourront le choisir plus petit, sachant que leur pouvoir d'achat diminue, à condition de quand même pouvoir accueillir leurs petits-enfants le cas échéant.

C'est la question de la fin du parcours résidentiel.

On parle ici de ménages entre 60 et 75 ans, qui sont à un âge où l'on peut encore envisager de déménager. Après, c'est trop tard. C'est important qu'ils puissent le faire rapidement et c'est pour cela que l'offre de logements doit être le plus variée possible, afin de répondre aux besoins mais aussi aux ressources de chacun.

Si ces jeunes retraités sont propriétaires de leur logement familial, c'est peut-être le moment de réaliser leur plus-value pour mieux se loger et récupérer un peu de pouvoir d'achat, et/ou déménager dans un habitat collectif et inclusif pour être mieux entouré. Voire de se lancer dans un projet d'habitat participatif. S'ils sont locataires, il est aussi important qu'ils puissent trouver un logement adapté à leurs nouveaux besoins, mais aussi à leur nouveaux revenus, sans avoir le sentiment de vivre un déclassement.

Notons que l'un des enjeux du parcours résidentiel des nouveaux retraités est aussi la libération ou la mise sur le marché de logements familiaux anciens pour les primo-accédants, qui sont généralement l'occasion d'une rénovation. 

Il y a aussi ceux qui aimeraient bien rester dans leur logement mais ne le peuvent plus.

En effet, il reste également très important de pouvoir maintenir dans leur logement les personnes âgées qui le souhaitent. C'est ce que permet la solidarité inter-générationnelle dans l'habitat, qui peut être organisée à l'échelle d'une résidence, avec une mixité d'occupation – un tiers de jeunes, un tiers de familles avec enfants et un tiers de personnes âgées dans celles dont nous nous occupons – et avec une gestion-animation qui crée du lien entre les générations.

En dehors de ces résidences, il est possible d'organiser cette solidarité et ce lien par des offres de services ou d'animation à l'échelle d'un quartier, sans que les gens aient besoin de déménager. C'est ce que permettent les tiers-lieux, où s'organisent des offres de service et où chacun peut s'engager dans la vie locale.  À condition bien entendu que le quartier puisse conserver – ou retrouver – une bonne mixité de peuplement, ce qui passe forcément par une politique de logement abordable et par une diversité d'offre. Si rien n'est fait, les personnes âgées propriétaires qui y vivent peuvent en être évincées par leur incapacité à financer les travaux de rénovation ou d'adaptation nécessaires. À cet égard, les possibilités offertes par le BRS me paraissent très prometteuses : les propriétaires âgés peuvent vendre le foncier de leur logement à un organisme de foncier solidaire pour récupérer des fonds, et lui verser une redevance pour continuer à bénéficier du droit au logement. Non seulement cela finance les travaux, mais cela rend le logement durablement abordable, y compris pour les futurs occupants.

 

Propos recueillis par Jeanne Bazard

© Hillary Peralta - Unsplash

DESPRETZmar, 12/21/2021 - 10:29

Bonjour,
avez vous des exemples d'intergénérationnel /propriétaires occupants juxtaposés sous une forme d'habitat type beguinage ou maisons à patio? Où sur la durée les jeunes restent?

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