Avec plus de 35 000 résidences services mises en chantier d’ici fin 2021, il n’est plus nécessaire de s’interroger sur la légitimité des « produits gérés » dans l’offre de logement et d’hébergement. Qu’il s’agisse de coliving, de résidences seniors, d’hébergements spécifiques (jeunes travailleurs, personnes isolées…), on pourrait estimer que les succès de commercialisation de ces nouveaux concepts motivent à eux seuls l’engouement général observé actuellement pour les résidences avec services. Opérateurs immobiliers, investisseurs, exploitants mais aussi aménageurs et collectivités, tous les acteurs de la filière s’y intéressent et chacun peut y trouver son avantage : développement de macrolots de plus grande mixité, rattrapage des déficits en matière d’offre locative sociale en complément des logements familiaux, meilleur adressage de la demande des institutionnels en vente en bloc, rentabilité d’exploitation accrue grâce à la monétisation de services additionnels...
Mais des défis pour la pérennité à long terme de cette classe d’actifs immobiliers restent à relever
En effet, si nous ne disposons pas encore de retours d’expérience suffisants sur ces nouveaux « produits gérés » pour connaître avec certitude l’ensemble des conditions de leur pérennité, nous pouvons déjà nous garder de rééditer ce qui ne fonctionne pas.
Parmi les obstacles à éviter, celui d’une dégradation de la situation financière des copropriétés dans la durée. D’aucuns se souviennent de certaines résidences services pour seniors de première génération, qui ont connu des dérives financières inextricables, avec des logements vendus au détail à des investisseurs particuliers, mais sans maîtrise réelle des charges sous l’effet de services forfaitisés trop élevés pour le budget des locataires. Deux évolutions structurelles ont depuis permis d’éviter ce type de mésaventure : la cession en bloc à un investisseur institutionnel disposant de la capacité financière et l’expérience suffisantes pour garantir une bonne gestion d’actif, et la professionnalisation de gestionnaires exploitants capables d’adapter leur offre de services de manière flexible et à « la carte ».
Arrêtons-nous un instant sur la question de l’offre de services, qui est un sujet essentiel au-delà de l’unique approche du modèle économique ; en effet, celle-ci constitue aussi le principal facteur d’intérêt et de différenciation de ces logements par rapport à une offre de logement dite « ordinaire ». Or, force est de constater que cette offre de services n’est pas toujours complètement adaptée aux besoins, en témoigne un récent retour d’expérience et une enquête qualité que nous avons récemment mené pour le compte de l’EPA Paris Saclay auprès des étudiants du campus de Saclay, qui met en lumière un taux d’utilisation hétérogène pour certains espaces communs des résidences. La standardisation de l’offre d’hébergement et de services en résidences gérées est une tendance naturelle dans un modèle de développement largement soutenu par l’investissement institutionnel : attention à ne pas aboutir à un trop fort décalage avec la demande, et à bien capitaliser sur les retours des exploitants. Enfin, l’approche participative intégrée à certains programmes - projets de vivre-ensemble de résidences intergénérationnelles, mais aussi création de résidences étudiantes avec intégration de représentants de bureaux d’étudiants en phase de conception - peut s’avérer inspirante, sans pour autant avoir vocation à s’appliquer systématiquement et uniformément.
Une programmation à grande échelle qui doit répondre à certaines exigences d’intégration urbaine
Si la question de la demande du marché et des besoins à adresser pour un projet immobilier est l’expertise première d’ADEQUATION, notre activité nous amène à poser un regard sur toute programmation urbaine ; le segment des résidences gérées est, comme évoqué en introduction, en plein essor pour différentes raisons, et très mobilisé pour compléter le mix-programmatique de nouveaux projets urbains.
Au-delà de la vie de ces résidences et de la pérennité de leur modèle économique, se pose la question de leur ancrage au sein d’un quartier et d’une vie urbaine : la promotion de macrolots composés en grande majorité, voire à 100% d’immobilier géré est désormais rendue possible par la diversité des produits immobiliers, des montages et des acteurs. Attention, toutefois, au résultat obtenu à l’échelle d’une programmation de morceaux de ville, notamment dans des quartiers en transformation : bien que « spécifiques » dans leur dénomination, ces logements accueillent des personnes qui présentent les mêmes besoins que tout un chacun en matière d’aménités du quotidien, de lieux de vie et de sortie à fréquenter au quotidien…Or, aussi fournie soit elle, l’offre de services proposée au sein de ce type de résidences ne permettra pas toujours de satisfaire l’envie de fréquenter des lieux de sociabilité et de consommation tiers. La création de « quartiers gérés », bien que viable d’un point de vue économique, est-elle soutenable ? S’agit-il d’un levier dans le cadre de démarche de rééquilibrage habitat / emploi au sein de quartiers économiques ? Ici comme ailleurs, tout est question de mesure...
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