Conversation entre Stéphane Vié et Arnaud Anjoras

Stéphane Vié, Président fondateur de la start-up Cadre de Vie et Arnaud Anjoras, Président d'ADEQUATION se livrent au jeu d’une conversation orientée.

Équipe ADEQUATION

Publié le 01/07/2021

 

Bonjour Messieurs,

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Stéphane Vié : Bonjour. Stéphane Vié, 57 ans.
Après avoir fait mes armes dans le marketing et dirigé le réseau français d’agences immobilières Orpi pendant huit ans, j’ai créé Cadre de Vie en 2016.
Cadre de Vie est une start-up de content marketing qui tâche d’anticiper les moments de vie résidentiels des ménages afin de valoriser l’analyse de leurs comportements auprès des marques « life time value », comme les acteurs des solutions de financement et d’assurance.
Je suis un homme de l’immobilier. Neuf et ancien (l’immobilier, pas l’homme).

Arnaud Anjoras : Bonjour. Arnaud Anjoras, 52 ans, trois enfants.
J’ai créé la société ADEQUATION il y a bientôt 30 ans au lendemain de mes études. J’ai tout appris en marchant, aux côtés de mon co-fondateur puis de mes associés, pour structurer un triptyque d'offres au service des acteurs de la filière immobilière résidentiel neuf : études, conseil, data.

Aujourd’hui ADEQUATION anticipe et accompagne les stratégies et les projets des acteurs de l’immobilier afin qu’ils répondent de manière optimale aux attentes du marché.

Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Stéphane Vié : Nous nous sommes rencontrés dans un contexte tout à fait extra-professionnel (les terrasses étaient alors ouvertes, ndlr) par le biais d’un ami commun : Laurent Escobar, actuel associé d'Arnaud au sein d’ADEQUATION.

Nous avons alors démarré une collaboration sur la base d'un échange encadré de données : Cadre de Vie avait besoin pour ses clients des données relatives à l’immobilier résidentiel neuf et ADEQUATION pouvait exploiter les données de l'immobilier résidentiel ancien que nous récoltions.

On a pris le temps d'apprendre à se connaître. C'était inédit il y a encore peu de temps de mettre des données à disposition pour ce qu'elles sont.

L'alchimie a rapidement opéré. Aussi, si l'année 2020 a globalement été délicate pour le business en général, cela n'a pas été le cas pour Cadre de Vie. Au contraire.

Arnaud Anjoras : Avec Cadre de Vie, Stéphane a créé un métier qu'il structure et industrialise pour anticiper. Dans son cas, ce sont les attentes des consommateurs en matière immobilière, dans le nôtre, ce sont les stratégies et les projets des acteurs de la filière immobilière.

Cadre de Vie est donc positionnée sur la demande, quand nous le sommes sur l'offre. De quoi boucler la boucle.

Stéphane Vié : C'est vrai que notre métier, c’est d'observer les comportements des ménages quant à leur demande : la recherche d'immobilier à l'achat.

Arnaud Anjoras : … Lorsque le nôtre consiste à analyser et accompagner la construction de l'offre dans le résidentiel neuf.

Nous partageons l’envie, je dirais même la conviction, que nous pouvons et devons jouer un rôle dans le fait que les gens puissent, in fine, réaliser leur projet immobilier.

Pour cela, il faut aux acteurs des outils au niveau macro ET micro : ceux qui construisent (les logements et les projets immobiliers) et ceux qui financent (la construction de logements et les projets immobiliers des ménages).

Finalement, nous avons voulu entremêler nos destins professionnels, nos visions et nos convictions personnelles au service de nos clients et de notre envie profonde d’innover et d'explorer.

Stéphane Vié : Tout à fait. Cadre de Vie est une start-up donc éminemment digitale. Elle embarque et augmente un subtil jeu d'emboîtement et de recouvrement entre nos métiers, nos savoir-faire et nos parcours personnels. Diriger Orpi, c’était gérer 900 entrepreneurs non sans lien avec les solutions que nous proposons à nos clients et qui sont des mini aventures intra-prenariales pour nos clients banques et assurances qui assurent la pérennité d'un projet immobilier.

Le partenariat fonctionne bien. Pourquoi aller plus loin avec cette prise de participation ?

Arnaud Anjoras : La prise de participation minoritaire d’ADEQUATION dans Cadre de Vie concrétise la convergence de nos activités et permet d'enclencher un cercle business vertueux.

Alors oui, à notre échelle, ADEQUATION est le "gros" qui investit dans le "petit".

Stéphane Vié : Cadre de Vie est agile. Une start-up partie de rien, simplement d'un constat et d'une analyse de son marché. Aujourd'hui, c'est quelques jolis succès dans des compétitions et quelques centaines de milliers d’euros de C.A.. De manière assez logique et classique, pour accélérer, nous nous rapprochons d’un "plus gros" qui le comprend. Une start-up réussit lorsqu'elle crée une business unit autonome. Ce schéma de start-up qui s’en sort bien a quelque chose de romantique, mais en réalité c'est assez rare au bout de cinq ans d’existence.

Arnaud Anjoras : Je précise qu'ADEQUATION n'a pas vocation à absorber ni même intégrer Cadre de Vie dans son offre. Cadre de Vie incarne une activité innovante et singulière qui présente en effet certains points de convergence avec ADEQUATION.

Un rêve initial ? C'est mieux qu'un mythe fondateur !

Stéphane Vié : Aussi curieux que cela puisse (vous) paraître, le rêve initial de Cadre de Vie, c'est d'aider les banques et les assurances à accompagner la vie immobilière de leurs clients. Car oui, un projet immobilier peut être le projet d’une vie. Notre premier client, c’est la BNP Paribas. Nous les aidons à identifier les comportements en termes d'achat immobilier d'accompagnement de leurs clients. Un projet immobilier est certainement l'un des projets les plus impliquant, stressant et structurant dans la vie d’un ménage. Si nous aidons les acteurs de la construction de ce projet à comprendre leurs clients, les ménages, finalement, nous aidons les ménages à se faire comprendre de ceux qu'ils considèrent trop rarement comme des partenaires

Arnaud Anjoras : Ce que tu fais, dis avec des termes barbares, c'est du content marketing pour les acteurs économiques des projets immobiliers, non ?

Stéphane Vié : Tout à fait. On parle beaucoup de "conversational banking" : néologisme pour exprimer le fait qu’une banque doit engager des discussions avec ses clients sur leur vraie vie pour les comprendre et mieux les adresser ; et donc sortir de leur métier initial. La banque doit pouvoir s'adresser à ses clients avec,  si ce n’est un peu d'empathie, au moins une certaine connaissance de leur réalité.

Arnaud Anjoras : Les grandes marques doivent parler d'autre chose à leurs clients que leurs produits et services. Elles doivent partir du contexte de chaque client, de son histoire, et à partir de là, l'aider à construire son projet.

Stéphane Vié : Clairement, les ménages n'ont pas envie d'échanger avec une banque. Alors même que la banque est avant tout un partenaire une fois la première suspicion levée. Une banque qui n'apporte pas une solution satisfaisante de financement à son client, perd un client.

N'est-ce pas délicat, de distribuer des data ? Comment gérez-vous le transfert de données auprès des établissements d'assurance et de crédit ?

Stéphane Vié : Il y a quelque chose qui s'appelle le secret bancaire. L'ensemble des données personnelles est codé. Il faut bien comprendre que nous évoluons dans la data immobilière de contexte et de comportement, et qu'à ce titre nous ne manipulons pas de données personnelles à proprement parler. D'ailleurs, ça ne parait rien mais Cadre de Vie était certifiée RGPD avant même que la notion de RGPD n'existe.

Vraiment ?

Arnaud Anjoras : C'est un sujet important que le RGPD et à la différence des GAFA, notre manière de travailler ne suppose pas de qualifier les besoins d'une personne en particulier, mais bien d'apporter un éclairage sur les besoins du marché.

Il y a une start-up aux USA (qui n'en est plus une) dont le métier est de prévoir la criminalité en ville (Palantir).

Son mode opératoire n'est pas de dire "qui va tuer", ni "où". Le résultat de son travail est de dire que "ce soir, il va se passer quelque chose dans cette zone-là".

De la même manière, nos outils n'ont pas vocation à dire que tel ou tel ménage va acheter dans les six mois, mais de suffisamment qualifier les ménages que nous observons pour être en mesure de dire que si dans telle ville, X logements se construisaient, ce serait formidable pour les ménages en recherche et pour les acteurs économiques qui les accompagnent dans leur projet.

J'insiste car c'est fondamental : nous analysons des comportements. Nous ne fabriquons pas de LEAD.

Stéphane Vié : Nous tâchons d'anticiper, comprendre et conseiller mais nous ne sommes pas des commerçants de logement.

Analyser et comprendre. Quelle est votre analyse et votre compréhension des 18 mois que nous venons de traverser ? Qu'est-ce que cela présage en termes de comportement ?

Arnaud Anjoras : Je vous invite à suivre attentivement les articles que nous publions sur notre plateforme média et les contenus que nous produisons :-)

Stéphane Vié : Comme beaucoup de crises, cette crise sanitaire exacerbe les tendances mais n'en crée pas. Une forme de sidération paralysante. Cela n'a pas empêché certains acteurs mutualistes niortais, pour ne pas les citer, d'organiser la réaction en créant notamment le concours French Assurtech 2020 dont nous avons été lauréat.

Ce n'est rien de dire qu'il manque structurellement des logements en France. Par ailleurs, la crise immobilière latente est compensée par l'accessibilité des crédits immobiliers. D'ailleurs, le marché de l'immobilier de l'ancien a peu perdu en 2020 (- 4 %). Pour le neuf, c'est une autre histoire.

Arnaud Anjoras : Ce qui est curieux c'est que des tendances que nous observons depuis plusieurs années chez ADEQUATION se sont renforcées.

Aujourd'hui, tout le monde est d'accord pour dire qu'il n'y a pas que les métropoles qui sont attractives. C’est une petite revanche des villes "moyennes".

Et nous sommes bien placés pour dire que les chiffres ne disent pas (encore) tout.

Le marché des logements doit donc voir ses structures évoluer. La nature des projets, les jeux d'acteurs, les solutions offertes aux français, beaucoup de choses doivent encore évoluer. Les politiques doivent se saisir de ces changements, les accompagner, sans quoi, nous allons passer à côté d’enjeux sociétaux et économiques forts.

Stéphane Vié : Les banques se plaignent également d'un volume de taux de marge en baisse.

Arnaud Anjoras : … et les ménages courent après une augmentation permanente des prix. C'est peut-être contre-intuitif pour certains, mais l'augmentation structurelle des prix est une aberration et nuit à toutes les parties : les accédants qui se surendettent, les banques qui augmentent leur risque, les opérateurs qui baissent leurs marges...

Stéphane Vié : Dans la transaction immobilière, le marché a fortement augmenté en volume et prix au m2, mais la part de chacun reste stable du fait de nombreux nouveaux acteurs.

Arnaud Anjoras : Cette discussion est symptomatique du fonctionnement entre ADEQUATION et Cadre de Vie : on se nourrit de nos positions réciproques.
La rencontre des entreprises que nous dirigeons va commencer à donner lieu à des solutions concrètes. Notre "livre de recettes" va d'ailleurs bientôt être disponible.

Stéphane Vié : Nous avons quelques sujets d'actualité mais celui qui nous tient à cœur s'appellera "Décision Immo Neuf" : fin 2021, soyez patient. Le nom n'est pas définitif, mais tous les moyens sont bons pour capter l'attention, non ?

Plus tôt, vous invitez à être méfiant quant à la "bêtise des chiffres". N'est-ce pas un peu ce que vous faites, faire parler les chiffres ?

Arnaud Anjoras : Faire parler les chiffres ne revient évidemment pas à leur faire dire n'importe quoi. Mais c'est un métier. Tous les jours chez ADEQUATION, nous décortiquons les chiffres pour leur donner du sens et ainsi nourrir notre compréhension des choses comme nos décisions.

C'est également vrai pour Cadre de Vie : plus elle produira de data sur la demande immobilière, plus les acteurs de l'économie immobilière vont affiner leurs produits. En cela, nous assumons pleinement notre rôle de "marqueteur", n'en déplaise à ceux qui confondent marketing et démagogie.

Stéphane Vié : Analyser des besoins ne sert pas forcément à tromper les gens, mais à répondre à leur besoin. Lorsque j'ai lancé Cadre de Vie, les premières réactions n'ont pas été bonnes, la big data faisait et fait toujours peur. Mais en fait, c'est dans le fait d'aider les ménages à construire leur projet qu'est notre raison d'être. La data permet de mieux les comprendre et anticiper leurs besoins parfois avant même que ceux-ci ne se manifestent (une pièce en plus...).

Les banques et les assurances rendent possibles les projets. Notre mission est de les aider à s'intéresser aux projets des gens. La vie immobilière, c'est le reflet de la vie des gens et en renseignant ses clients, on les connaît.

Prendre en considération les besoins immobiliers des acteurs de la filière, du concepteur au consommateur, pour qu'ils soient en adéquation avec leur cadre de vie ; c’est ce que savent faire ADEQUATION et Cadre de Vie.

Merci à tous les deux. Vous allez faire quoi, là, maintenant ?

Stéphane Vié : Rentrer à la maison, le temps n’est pas à la terrasse même si elles sont (ré)ouvertes.

Arnaud Anjoras : Rentrer doucement et observer ce qui nous entoure, sans jamais perdre de vue ce qui nous fait avancer.


© Matheo JBT - Unsplash

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