LIFTI : "Organiser la data du foncier - Chaînes de valeurs immobilières et foncières"

Interview de Florence Menez, Directrice commerciale déléguée d’ADEQUATION et pilote du sous groupe de travail "Organiser la data du foncier - Chaînes de valeurs immobilières et foncières" au sein de LIFTI. A retrouver également dans le Supplément économique au FPI Infos du 1er trimestre 2021.

Équipe ADEQUATION

Publié le 01/07/2021

 

Avec un recul de deux ans depuis l’ouverture des données DVF (Demandes de Valeurs Foncières), ces dernières ont-elles objectivement amélioré la transparence des marchés locaux de l’immobilier ?

Cette ouverture a été appelée par de nombreux professionnels, cette donnée était jusqu’alors réservée aux seuls ayants-droit publics. Elle permet d’avoir des informations sur la valeur faciale d’un bien lors de sa mutation avec une description succincte de ce bien. Pour des mutations simples relevant du marché de l’ancien (vente d’un appartement ou d’une maison pour un même usage), DVF apporte une information sur le prix unitaire du logement. Toutefois, sans description précise du bien, de son état et de ses équipements il est difficile d’expliquer les écarts de valeur entre deux mutations a priori similaires. Il en va de même pour la valeur des terrains à bâtir, segment clairement identifié dans DVF. En revanche les autres marchés sont plus difficiles à segmenter et à qualifier. À titre d’exemple, l’identification des mutations dans l’ancien en vue d’une démolition-reconstruction ou densification est très complexe. Un traitement de masse de ces informations n’est pas encore possible, mais ponctuellement nous pouvons donner quelques indications sur les valeurs pratiquées.

Qu’apportent aux promoteurs dans leur connaissance des marchés locaux, les données DVF mises à disposition pour tout public par la Direction générale des finances publiques (DGFiP) ?

Dans ce contexte et avec les informations publiées actuellement, le promoteur ne dispose pas plus d’informations qu’auparavant pour l’éclairer sur le marché du neuf. Dans le cadre du LIFTI (Laboratoire d’Initiatives Foncières, Territoriales et Innovantes), fonds de dotation qui a oeuvré pour l’ouverture des données, ADEQUATION a co-animé un groupe de travail pour tenter d’identifier les transactions relevant du neuf au sein de la base DVF. Les traitements réalisés montrent que l’information est insuffisante avec des lacunes sur la qualification des biens (de nombreuses mutations n’indiquent pas de surface immobilière et encore moins les typologies) et des volumes en deçà des volumes publiés dans le cadre des observatoires locaux de la FPI. En aucun cas, elles ne peuvent remplacer le travail méticuleux et les analyses fines des marchés établis par ces observatoires locaux.

Un développeur foncier qui connaît très bien son secteur ne disposera pas non plus d’informations complémentaires, cela lui permet juste de vérifier, corroborer son analyse sur les mutations foncières dans son secteur de prospection. Toutefois, pour le moment cette analyse reste ponctuelle, les traitements de masse relatifs aux charges foncières n’étant pas encore complètement aboutis. Toujours au sein du LIFTI, ADEQUATION travaille également aux côtés d’établissements publics fonciers, d’agences d’urbanisme et de collectivités pour développer des approches standardisées de ces bases de données. Nous sommes convaincus que l’information bien qualifiée et traitée permettra une plus grande transparence sur ces marchés et plus particulièrement sur les marchés fonciers dits de “recyclage” qui sont les fonciers de demain.

Ces données désormais ouvertes aux acteurs privés de l’immobilier sont-elles facilement utilisables, et n’ont-elles pas perdu en qualité en raison des procédures d’anonymisation ?

Avec l’ouverture à tous de la base DVF, certains champs ont été supprimés de la diffusion, comme un indicateur sur la fiscalité relative à la mutation ou encore la typologie du vendeur et de l’acheteur. Ces informations existent toujours, puisque DVF reste une base produite par les systèmes fiscaux. L’anonymisation de ces informations complique les traitements à faire et l’interprétation des données. Cela vaut aussi pour les utilisateurs originels, ayants-droit publics, qui ont perdu en profondeur et qualité d’analyse.

Une partie de l’information peut être reconstituée en croisant cette base avec d’autres sources de données et plus particulièrement les fichiers fonciers qui recensent les propriétaires. Dès 2019, nous avons mené un travail expérimental sur les agglomérations de Rouen et de Nantes. Cela nous a permis d’identifier les améliorations concrètes à faire pour optimiser les traitements et pouvoir publier des valeurs indicatives sur une estimation des charges foncières (Lien). Néanmoins, l’interopérabilité entre ces sources d’information reste complexe. L’enjeu aujourd’hui est de disposer d’une information de qualité et nous sommes nombreux à demander une amélioration de ces bases à travers une meilleure localisation des mutations et bien évidemment une plus large ouverture des données.

Face à la complexité et aux lacunes de la base de données DVF, y a-t-il nécessité de faire appel à une entreprise spécialisée dans le traitement des données pour la croiser avec d’autres sources, et ainsi la rendre exploitable pour l’analyse des marchés fonciers et immobiliers ?

À l’ouverture des données en avril 2019, nous avons vu très rapidement se diffuser sur les réseaux sociaux de nombreuses cartes intégrant en masse ces données et publiant des indicateurs agrégés. Ces cartes et analyses étaient produites via des entreprises spécialisées dans le domaine du traitement des données principalement. Aujourd’hui, nous dénombrons en fait peu d’applicatifs. Compte-tenu de la qualité et des informations disponibles via DVF, un traitement simple et rapide est source d’erreur sur l’interprétation des chiffres et des valeurs. Le recours à une société spécialisée, combinant savoir-faire en matière de traitement de la donnée et expertise immobilière et foncière est indispensable pour éviter les écueils. De notre côté, nous oeuvrons pour des standards partagés permettant d’aboutir à des indicateurs fiables et reconnus par tous, aussi bien côté acteurs publics que acteurs privés.


© Tobias Fischer - Unsplash

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