Co-construire l’open data du foncier

ADEQUATION participe depuis 2019 aux travaux du Laboratoire d'initiatives foncières et territoriales innovantes, alias LIFTI. Plusieurs de ses collaborateurs s’investissent en continu dans des groupes de travail visant à faciliter l’utilisation de l’open data du foncier. Damien Quermonne, Directeur qualité des données, est l’un d’eux.

Damien Quermonne

Publié le 19/07/2021

 

Quel rapport entre le LIFTI et l’open data du foncier ?

Damien Quermonne : L’open data du foncier, c’est l’ouverture aux acteurs privés de la base de données des demandes de valeur foncière, appelée DVF. Elle rassemble les informations enregistrées par les notaires auprès de la Direction générale des finances publiques (DGFiP) lors des transactions de biens fonciers ou immobiliers. Intervenue en 2019, c’est une avancée extraordinaire pour la connaissance de la filière, mais beaucoup reste à faire pour améliorer la qualité des données et le service aux utilisateurs. La DGFiP y travaille notamment avec l’aide du LIFTI, centre de ressources d’intérêt général sur les questions foncières, porté par des partenaires privés. En tant que membre du LIFTI, ADEQUATION apporte sa contribution intellectuelle aux réflexions.  

C’est à ce titre que vous avez animé au premier semestre 2021 un groupe de travail ?

Damien Quermonne : Oui, j’ai co-animé l’un des cinq groupes de travail, avec Aurélie Ravier de l’Agence d’urbanisme de l’agglomération de Tours. Nous avons présenté nos conclusions au LIFTI en juin dernier. Notre groupe réunissait neuf personnes produisant ou utilisant des données foncières ou immobilières, soit dans le cadre de sociétés privées, ce qui est mon cas pour ADEQUATION ; soit dans le cadre de structures publiques telles que des collectivités territoriales, des agences d’urbanisme ou des établissements publics fonciers. La question que nous avions à traiter était : "Qualifier le neuf dans DVF".

Que faut-il entendre par là ?

Damien Quermonne : Si je veux utiliser les valeurs foncières dans des algorithmes de calcul, par exemple pour évaluer des prix de marché ou faire apparaître des tendances, j'ai besoin de m'assurer de la complétude, de l'exactitude et de l'exhaustivité de la donnée, et que celle-ci correspond bien aux transactions enregistrées. J’ai aussi besoin de pouvoir croiser ces données avec d’autres, par exemple les permis de construire. Or on est aujourd’hui très loin du compte, soit parce que l’enregistrement des données dans la base DVF n’est pas normalisé, soit parce que toutes les informations ne sont pas publiques, soit encore parce que DVF ne distingue pas suffisamment la nature de biens qui font l’objet des transactions. C’est ainsi par exemple que la catégorie "logement neuf" n’existe pas dans la base.

Donc vous travaillez sur une catégorie de transactions, celles portant sur le logement neuf, qui n’existe pas en tant que telle dans DVF ?

Damien Quermonne : Tout à fait. Les ventes de logements neufs sont bien entendu enregistrées, mais ne sont pas référencées comme telles. Et les indices permettant de les repérer, par exemple en s’appuyant sur la mention d’une VEFA, sont assez fragiles. A fortiori, il est également très malaisé de retracer les acquisitions foncières qui ont précédé la réalisation des opérations. On comprend bien, pourtant, l’intérêt de cette traçabilité, sur laquelle ADEQUATION et Explore ont déjà développé des algorithmes intéressants, mais limités à certains territoires.

La qualification du logement neuf dans DVF est donc un objectif ambitieux. Mais d’abord, que faut-il entendre par "neuf" ?

Damien Quermonne : La question peut paraître triviale à première vue et l’on pourrait se contenter de la définition de l’article 257 du code général des impôts, selon laquelle est neuf un logement de moins de cinq ans. Mais quand on l’analyse sous l’angle des transactions – la transaction étant l’unité de base des DVF – il est nécessaire d’être plus fin, tout en conservant la temporalité des cinq ans. Il faut alors distinguer les VEFA, qui correspondent à des logements pas encore livrés, les ventes après la livraison, et enfin les reventes. À ces trois catégories, le groupe a souhaité en ajouter une quatrième, celle des logements refaits à neuf (restructuration lourde) ou nés d’un changement d’affectation : c’est important dans la mesure où ces logements traditionnellement rangés dans l’ancien concurrencent très directement le neuf.

Sur quoi précisément a porté votre réflexion ?

Damien Quermonne : Notre objectif était de fournir au LIFTI des propositions concrètes d’amélioration. Après avoir auditionné des personnes ayant déjà utilisé ces données, qui sont ouvertes depuis longtemps aux acteurs publics, nous avons retenu cinq axes de travail, avec en ligne de mire l’objectif de fournir des "fiches action" : enrichir la base de données, faciliter l’interopérabilité avec d’autres bases de données, accroître l’accès à la donnée, améliorer l’identification de l’ensemble des types de logements neufs – sujet que nous venons d’évoquer – et enfin améliorer la connaissance de l’impact des politiques publiques de soutien à la production de logements (prêts aidés, défiscalisation…).

Quel est l’intérêt du travail en groupe pour répondre à ces questions ?

Damien Quermonne : Le principe même de l’open data, c’est de rendre l’information disponible à un grand nombre d’utilisateurs, qui ont des préoccupations différentes, donc des besoins a priori différents en matière de données. Il faut donc que chaque groupe d’utilisateurs, publics ou privés, puisse exprimer ses besoins, mais aussi que cette expression débouche sur un socle commun de propositions. S’entendre sur une définition commune du logement neuf est un bon exemple de consensus qui n’allait pas de soi au départ.

C’est essentiel, mais ce n’est pas tout. Il existe en fait un grand nombre de sources de données, qu’elles soient publiques, semi-publiques ou privées. Ces sources sont assimilables à des briques que l’on assemble pour construire une information plus riche, plus juste et plus pertinente. Les données DVF sont l’une de ces briques, puisqu’elles vont permettre d’enrichir les données existantes, mais au prix d’un important travail de recherche et de développement.  

Faut-il alors que chacun investisse dans son coin en protégeant jalousement ses secrets de fabrication ? Ou est-il plus judicieux de partager la réflexion sur les développements possibles, pour faire jouer des complémentarités ?

Chez ADEQUATION, nous sommes convaincus que le partage de la recherche est beaucoup plus efficace et c’est la raison pour laquelle nous collaborons de manière active aux travaux du LIFTI. D’autres collaborateurs d’ADEQUATION interviennent dans d’autres groupes, ou l’ont fait lors de la précédente session.  Nous jouons le jeu de la coopération de manière concrète. Par exemple, pour le groupe que je co-animais, ADEQUATION a dévoilé son propre algorithme pour démontrer que le fait que les données ne soient accessibles en open data qu’à partir de 2014 était une limitation importante. 

Quelle sera la prochaine étape ?

Damien Quermonne : Nous avons rendu en juin les conclusions de six mois de travail et nous attendons la rentrée pour connaître les suites que le LIFTI voudra donner au processus. Prolonger le travail des groupes – il y aurait matière – ou en constituer d’autres. Dans tous les cas, nous serons au rendez-vous.


© Scott Webb - Unsplash

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