Parlons de la feuille de route de la FTI : quels sont vos objectifs ?
Katelle Le Guillou. Nous disposons d'un milliard d'euros de capacité d’investissement pour construire 16 000 logements sur l’ensemble du territoire française et d’outre-mer, en respectant de grands équilibres. Sur le plan géographique, par exemple, nous visons désormais une répartition de 60 % en Île-de-France et 40 % en régions, même si nos premières opérations sont à 75 %
en région parisienne, où le marché de la transformation est plus mature. Appartenant au groupe Action Logement nous veillons aussi à relier emploi et logement et nous nous intéressons donc aux « territoires d’industrie » définis par l’État et les collectivités volontaires.
Et en termes de programmation ?
Nous voulons produire environ trois tiers respectivement de logements sociaux, de logements intermédiaires, et de logements libres – dont l'accession sociale, comprenant le BRS – avec environ 60 % de logements familiaux, et pour le reste une grande variété de logements spécifiques, pour étudiants, jeunes actifs, ou d’hébergements. Ce sont de grands objectifs mais la programmation est souvent dictée par la configuration du bâtiment que nous transformons, et nous sommes à l’écoute des besoins de chaque collectivité.
Depuis la création de la foncière en 2020, il s’est passé beaucoup de choses : avez-vous suivi le rythme de développement escompté ?
Le mouvement s’est amplifié. Les biens se vendent déjà moins cher qu’il y a trois ans. nous percevons mieux les spécificités techniques des transformations à réaliser. Aujourd’hui, nous avons engagé, c’est-à-dire acquis, 48 opérations représentant 4500 logements. Nous comptons en engager 1500 par an : c’est un objectif raisonnable, partant du principe que développer, c’est bien, concrétiser c’est mieux !
Comment organisez-vous votre développement et quelle proportion des opérations que vous étudiez sont effectivement engagées ?
Nous ne faisons pas à proprement parler de prospection, étant de plus en plus sollicités par les collectivités, les bailleurs, les propriétaires d'actifs obsolescents, et très fortement par les brokers. Les bureaux sont plus faciles à traiter mais nous avons déjà également des opérations qui concernent des parkings, des garages, des concessions automobiles, des stations-services…. Nous sommes prêts à transformer une grande variété d’actifs. Si les propositions sont nombreuses, nous avons mis en place des critères d’éligibilité drastiques pour opérer nos choix. Pour donner une approche quantitative, afin de produire 1500 logements, il nous faut en étudier environ 6000.
Comment montez-vous les opérations ?
Schématiquement, une fois que nous avons identifié un immeuble à la vente susceptible de connaître une seconde vie, quand tous les documents de due diligence ont été réunis, nous constituons un groupement comprenant un bailleur, promoteur, investisseurs…, pour la plupart des acteurs du territoire. Ce groupement travaille sur une programmation pertinente et un projet suffisamment abouti pour négocier le prix avec le propriétaire. S’il est d’accord, alors nous allons voir la collectivité pour valider ce projet avec elle, des amendements étant bien entendu possibles. Puis nous retournons vers le vendeur pour conclure. À ce moment-là, quand toutes les étapes ont été franchies, nous décidons d’engager l’opération et de porter l’actif.
C’est aussi à ce moment-là que vous contractualisez avec les opérateurs qui vont réaliser les travaux…
Oui, en distinguant les opérateurs de logement libre, auxquels nous vendons des charges foncières assorties d’une rémunération de portage pour la FTI, et les bailleurs de logements sociaux ou intermédiaires, du groupe Action Logement ou hors groupe, avec lesquels nous signons des baux à construction. Et donc, le jour où nous achetons le bien, nous signons avec nos partenaires du groupement respectivement des promesses synallagmatiques de vente avec le promoteur et l’investisseur ou de bail avec les opérateurs de logements sociaux et intermédiaires, sous condition d’obtention d’un PC purgé de tous recours.
Que se passe-t-il ensuite ?
Les opérateurs s’organisent comme ils le souhaitent pour construire. Certains choisissent la co-maîtrise d’ouvrage, d’autres créent des SCCV ou ont recours à des VEFA : dans tous les cas, la FTI s’adapte. Les bailleurs titulaires d’un bail à construction vont exploiter les logements pendant 50 ans, parfois plus, en contrepartie d’une redevance pour réaliser les travaux prévus. À l’issue du bail l’immeuble reviendra à la FTI.
Comment établissez-vous la redevance et quel taux de rendement visez-vous ?
La redevance est calculée de sorte à respecter l’équilibre d’exploitation. Notre mode opératoire nous rend forcément attentifs à cet équilibre, et d’une manière générale à la soutenabilité économique de nos opérations. Nous y veillons très en amont, dans le cadre des groupements d’opérateurs que nous constituons. Et nous-mêmes, FTI, disposons de toutes les compétences nécessaires en ingénierie foncière, juridique et financière.
Nous visons un taux de rendement interne minimum de 3 %, mais nous raisonnons à l’échelle de l’ensemble de notre portefeuille, le TRI de chaque opération pouvant alors s’ajuster en fonction de son utilité sociale. Nous pratiquons donc une « rentabilité maîtrisée » cohérente avec notre mission d’intérêt général et notre horizon d’investissement, qui est le temps long.
Transformation de bureaux en logements avec extension et surélévation à Jouy-en-Josas (78)
59 logements locatifs sociaux pour I3F, 16 BRS pour l'OFS des Yvelines et un local commercial. Ingénierie foncière, financière et de projet : Foncière de Transformation Immobilière. Vendeur : Gecina / Foncia. Portage primaire : EPFIF. Promoteur : Eiffage Immobilier. Architecte : DGM Associés. Travaux en cours.
Revenons sur les coûts : peut-on les comparer à ceux du neuf ?
La question des coûts reste complexe à appréhender. On peut penser que les coûts de construction sont moins élevés que dans le neuf, dans la mesure où l’on récupère des éléments existants. Jusqu’à quel point est-ce vérifié ? Cela dépend énormément du bâtiment lui-même – y a-t-il de l’amiante par exemple – et du projet – faut-il ajouter un attique, des espaces extérieurs, etc. Nous opérons du sur-mesure.
Ce qui est certain, sur la base des 48 opérations sur lesquelles nous travaillons, c’est que les coûts de travaux sont globalement beaucoup plus élevés qu’escompté, et que cela diminue d’autant le prix auquel nous achetons le foncier. En région, il arrive que le foncier représente entre 15 % et 30% du coût total de l’opération, ce qui amoindrit la pertinence de notre modèle.
Il faudrait donc réduire les coûts de travaux, comment comptez-vous procéder ?
Nous allons analyser dans le détail les coûts de travaux de nos opérations, maintenant que nous en avons un nombre significatif. Mais on peut déjà se dire que nous devons cesser de raisonner avec la transformation comme on raisonne avec le neuf, en appliquant les mêmes codes. Nous allons devoir sensibiliser nos partenaires sur ce point, en particulier les opérateurs et les collectivités.
Justement, comment la FTI s’implique-t-elle dans la conception des logements aujourd’hui ?
Nous sommes directement concernés par la qualité et la durabilité des bâtiments puisque nous allons en récupérer la pleine propriété au terme du bail à construction. Nous avons commencé à expertiser une dizaine d’opérations en termes de bilan carbone et de consommation énergétique. Nous avons encore une marge d’optimisation dans ce dernier domaine pour atteindre l’étiquette B, que nous visons, ce que nous comptons faire en appliquant les critères de performance environnementale de la charte d’engagement du Groupe Action Logement. Nous voulons aussi mieux travailler à la réversibilité des bâtiments que nous acquérons, en pensant à nos successeurs qui seront sans doute amenés à les transformer à leur tour dans 50 ans.
Propos recueillis par Quentin Lamour et Jeanne Bazard
© pexels-tûgba-kobal
Réagissez