Que nous enseignent les données immobilières dans les villes-étapes du Tour de France ?

Quoi de commun entre Rouen, Dunkerque ou Bayeux ? Trois étapes du Tour de France, mais aussi trois villes remarquablement dynamiques en termes de construction neuve. Coïncidence ? Assurément ! Car dans l’ensemble, et sans surprise, les villes-étapes du Tour de France vivent des situations très contrastées. 

Olivier Conus

Publié le 04/07/2025

 

Avant d’enfourcher le vélo pour relier les étapes du Tour, rappelons que le Ministère vient de publier l’étude sur « Besoins en logements à horizon 2030, 2040 et 2050 »[1]. Fait notable, cette publication ne fournit pas d’estimation globale consolidée, mais invite les acteurs locaux à retenir, parmi les hypothèses proposées, les plus pertinentes sur leur propre territoire.

Cette approche nous semble fort judicieuse, tant les réalités locales sont en effet contrastées, avec de forts écarts par rapport aux moyennes. Nous l’illustrons à partir d’un échantillon purement arbitraire : les villes traversées par le Tour de France 2025.

Partons d’un point de référence : les statistiques nationales de la construction neuve de logements et de la vacance.

  • Elles font état d’une baisse de -33 % du nombre de logements autorisés sur les 3 dernières années (2022-2024), soit moins de 6 logements neufs autorisés pour 1000 habitants chaque année.
  • Le parc de logements vacants, potentiel gisement de réponses aux besoins en logements (sous conditions !), est évalué par l’INSEE à un peu plus de 3 millions de logements, soit 8,2% du parc (en 2021).

Voyons maintenant comment les villes, par classes de population (grandes, moyennes, petites, mais aussi de montagne), se situent par rapport à ces moyennes, puis comment les villes-étapes du Tour se situent elles-mêmes. 

Grandes villes : l'effondrement de la construction neuve et des contrastes saisissants

En général. C’est dans les grandes villes (+ de 100 000 habitants) que la construction neuve s’est effondrée dans les proportions les plus spectaculaires (-53 % de logements autorisés entre 2022 et 2024), le ratio y étant désormais inférieur à 3,5 logements neufs autorisés annuellement pour 1000 habitants. La vacance n’y est pas négligeable, et même légèrement supérieure à la moyenne nationale (9%), tout en restant de nature très diverse.

Sur la route du Tour. Hors Paris, les grandes villes traversées cette année par le Tour de France présentent des contrastes saisissants : la construction s’est effondrée de -39 % à Montpellier, de -46 % à Toulouse, mais a enregistré un rebond atypique à Caen (+14 %) ou à Rouen (+42 %). De même, la vacance sur le parc existant y oscille entre 7 % et 10 %, d’où l’interrogation sur le gisement que représentent ces potentiels pour y régénérer une nouvelle offre résidentielle, alternative au logement neuf.

Villes moyennes : un repli nuancé et des défis de vacance

En général. Dans les villes moyennes (20 000 à 100 000 habitants), la construction neuve est également en berne, mais le recul des autorisations y est moins prononcé (-28 %). Et la dynamique de construction légèrement supérieure, bien que modeste, à 6,6 logements autorisés par an pour 1000 habitants sur les 3 dernières années. La vacance est relativement proche de la moyenne nationale, autour de 8 %.

Sur la route du Tour. Les villes-étapes de taille moyenne, une quinzaine en 2025, présentent également des différences marquées : le nombre de logements autorisés à la construction entre 2022 et 2024 oscille de -79 % (Muret) à +112 % (Dunkerque) en passant par Châteauroux (-34 %) ou Carcassonne (+77 %), soit des dynamiques comprises entre 3 et 10 logements neufs autorisés annuellement pour 1000 habitants. En parallèle, la vacance est très forte sur plusieurs de ces communes, à commencer par Pau (15,5 %), Châteauroux (14 %) ou Valence (11,7 %), le plus souvent liée à une ancienneté du parc plus marquée (souvent proche ou supérieur à 50% du parc construit avant 1970, contre 42% à l’échelle nationale).

Illustration - Carte de France avec le parcours du tour de France 2025 et un tableau qui précise l'évolution du nombre de logements autorisés 2023/2024 (chiffres SITADEL)
Carte de France avec le parcours du tour de France 2025 et un tableau qui précise l'évolution du nombre de logements autorisés 2023/2024 (chiffres SITADEL)

Petites villes : dynamiques et taux de vacance très hétérogènes

En général. Les petites villes (moins de 20 000 habitants) affichent une dynamique de construction relativement proche de la moyenne nationale (5,9 logements par an pour 1000 habitants), et une baisse de -41 % du nombre de logements autorisés entre 2022 et 2024. La vacance y est sensiblement plus importante, légèrement au-delà de 10 %.

Sur la route du Tour. Les villes étapes du Tour de France 2025 affichent ici aussi de grands écarts, de -97 % à +132 % dans la dynamique de la construction résidentielle neuve. La vacance locative y est plus élevée, mais, cette fois encore, cette moyenne cache de probables fortes tensions, et des potentiels de remobilisation du parc existant limités : moins de 6 % de vacance à Vif ou Saint Méen le Grand, mais plus de 12 % à Viré Normandie, Chinon ou Bollène.

Territoires de montagne : le paradoxe d'un marché spécifique

En général. Les territoires spécifiques que sont les communes de montagne enregistrent en France une dynamique certes négative (-16 % de logements autorisés entre 2022 et 2024), mais pour un ratio supérieur à 22 logements neufs autorisés par an pour 1000 hab, compte tenu des volumes et de la part des logements dédiés au tourisme sur ces espaces. Fait remarquable, l’INSEE estime que le parc vacant n’y est en moyenne que de 3 %.

Sur la route du Tour. Les « villes-stations » parcourues cette année par le Tour confirment à travers leurs statistiques cette curieuse vacance très basse (3 % ou moins à Courchevel ou Le Mont-Dore par exemple), même si, à l’inverse, elles affichent presque toutes une baisse importante de la construction neuve sur les 3 dernières années et des ratios d’autorisation très contrastés, parfois très faibles, sur cette période.

 

Ce tour d’horizon ne doit pas être pris pour plus que ce qu’il est : une simple invitation à parcourir le territoire national dans sa diversité, sans autre prétention que d’en montrer les contrastes. Il est bien clair que la petite taille de certaines villes, conjuguée à la brièveté de la période de référence, accentue mathématiquement les écarts à la moyenne.

Pour autant, comment ne pas voir que le phénomène observé doit au moins autant à la réalité des territoires. L’idée que les besoins en logements doivent être estimés localement, en prenant en compte de manière très fine les caractéristiques propres de chaque territoire, à l’échelle communale ou intercommunale (à laquelle sont définies les politiques de l’habitat) : taille des ménages, vieillissement de la population, dynamique de l’emploi, âge du parc de logement et performance énergétique, résorption du mal ou du non logement, importance du parc de résidences secondaires… ne relève-t-elle pas d’un certain bon sens ?

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