De l’emplacement à l’équation économique du projet

Les prix immobiliers fluctuent fortement dans l’espace, reflétant l’attractivité plus ou moins forte de certaines localisations. Dans un contexte de transformation en profondeur de l’économie foncière et immobilière, l’emplacement n’épuise toutefois pas le sujet des équilibres d’opération et d’autres paramètres doivent faire l’objet d’une attention accrue.

Anais Cloteau

Publié le 07/07/2025

 

Le bon et le mauvais chasseur

La maxime « l’emplacement, l’emplacement, l’emplacement » est souvent présentée, par les professionnels – encore entendu lors des tables rondes du congrès FPI semaine dernière – comme une loi d’airain de l’immobilier. Plus l’emplacement est réputé, plus le prix de vente est élevé – c’est un fait !
Encore faut-il s’entendre sur ce qu’est un bon (et donc un mauvais) emplacement. Certes, dans les métropoles notamment, les prix suivent en général une courbe descendante à mesure que l’on s’éloigne des centres. Mais une localisation en cœur d’agglomération ne garantit rien s’il n’est pas mis en perspective avec son contexte. Ainsi, un site face au Vieux-Port de Marseille peut sembler idéal sur le papier, mais si le quartier souffre d’une image dégradée et n’est occupé que par des ménages avec des revenus faibles, le potentiel de commercialisation (et le prix) seront limités. De même, l’arrivée d’un arrêt de tram ou d’une gare n’a jamais garanti une valorisation des terrains situés à proximité.
Surtout, pour un opérateur, il n’y a pas uniquement un bon ou un mauvais emplacement. La valorisation dépend de ce qu’on lui demande de produire : la véritable création de valeur, ce sont les droits à construire attaché à un terrain et la manière dont ils seront exploités.

Créer la valeur

C’est là qu’entre en jeu la puissance publique. Les collectivités (en lien notamment avec leurs aménageurs) sont les premières créatrices de valeur, ne serait-ce que parce qu’elles définissent les droits à construire et la destination des produits immobiliers (densité, mixité sociale, typologies). Sans compter les opérations d’aménagement en elles-mêmes, qui visent à améliorer certains quartiers. Elles posent donc le cadre du possible.
Pour un même volume de droits à construire, les valorisations immobilières, donc le chiffre d’affaires final, ne seront pas les même selon que l’opération sera à 100 % orientée vers du logement dit libre, ou qu’elle comportera une part substantielle de logements sociaux, généralement moins valorisables.
Réaliser une opération face à la mer, à Antibes, peut sembler séduisant. Mais si le terrain nécessite, au regard du mix programmatique imposé, de vendre du logement libre plus cher qu’en 2023 (disons 7.000 €/m² dans le cas d’Antibes) afin de réaliser une péréquation et d’équilibrer le bilan d’opération, alors rien ne se fera.

Assouplir une équation devenue rigide

Le contexte actuel : chute historique des ventes de logements neufs et stagnation de leurs prix, impose de revoir la manière dont on pense les opérations et de travailler une équation dont les paramètres se sont durcis.


D’abord, parce que le prix de vente ne s’envole plus : dans un marché dominé par les accédants, il est d’autant plus fortement corrélé aux capacités financières réelles des ménages. La programmation doit ici être d’autant plus fine pour mieux répondre aux appariements entre offres et demandes. En accession comme en locatif. Ainsi, et à titre d’exemple, le locatif libre doit, dans l’ère « post-Pinel », faire l’objet d’une attention particulière : quels produits de substitution pour répondre à la demande, pour qui et pour quelle valorisation dans les bilans ?


Ensuite, les coûts travaux, longtemps cantonnés à des évolutions de prix limitées, ont connu une croissance très forte, et inédite, depuis 5 ans. Alors que les enjeux environnementaux et climatiques sont plus jamais d’actualité, on voit mal les ambitions en la matière, et donc les coûts, baisser drastiquement. A quoi peut-on renoncer sans remettre en cause fondamentalement la qualité ?

Enfin, plus question de partir de charges foncières imposées par les propriétaires, même si, par effet cliquet, celles-ci peinent à redescendre. C’est la logique du compte-à-rebours qui doit s’imposer de nouveau, davantage que le marché d’enchère qu’est le marché foncier, et qui conduit immanquablement à des valeurs non compatibles avec les équilibres d’opérations. On peut vouloir sortir le foncier des bilans des opérateurs, pour les alléger. Mais pour intéressante qu’elle soit, la dissociation foncière (et les techniques financières qu’elle mobilise) ne résoudra pas tout : il faut bien, au départ, que quelqu’un achète le foncier. A ce titre, tous les propriétaires, privés comme publics, doivent ajuster leurs attentes. Pour que le foncier, clef de l’aménagement, redevienne un « résidu » au regard du bilan et non un point de départ… quel que soit son emplacement.


©Vazhnik, Unsplash

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