Le marché du locatif intermédiaire au milieu du gué ?

ADEQUATION a réalisé en ce début d’année une importante recherche documentaire et une enquête auprès des principaux institutionnels. Ils nous ont confirmé s’être organisés pour acquérir près de 22 000 logements locatifs intermédiaires en 2020. Après vérification, ils n’en auraient réservé qu’environ 10 200.

Crise de l’offre oblige ?

Laurent Escobar

Publié le 07/04/2021

 

Logement locatif intermédiaire : où, pour qui et par qui ?

Le logement locatif intermédiaire (LLI) a été créé en 2014 dans le cadre de la loi Alur. Il ne peut être produit que par des personnes morales dans les zones tendues, Abis, A et B1. Il bénéficie de deux avantages fiscaux - TVA à 10 % et exonération de taxe foncière sur la propriété bâtie (TFPB) pendant 20 ans - pour permettre des loyers 10 à 15 % plus bas que le marché. Son objectif est de loger à proximité de leur lieu de travail les classes moyennes et les jeunes actifs, déjà trop riches pour être priorisés en logement social, mais pas assez pour bien se loger dans le privé.

Les investisseurs principaux sont CDC Habitat et In’Li, filiale d’Action Logement. Ils ont porté l’essentiel de la production pendant les cinq premières années ; le troisième acteur loin derrière étant alors ICF Novedis : les agréments en LLI ont atteint un peu plus de 12 300 logements en 2019, achetés en bloc dans des opérations de promotion immobilière.

Les mises en location sont un vrai succès. In’Li Île-de-France déclare recevoir en moyenne 42 dossiers de candidature pour chaque logement offert à la location. CDC Habitat observe que 40 % des occupants de son parc sont des travailleurs clés*.

En 2020

En 2020, ces deux acteurs ont annoncé des plans d’acquisitions exceptionnels, en soutien du secteur immobilier. Ils ont été rejoints dans leur effort par l’action collective des 11 ESH du groupe Habitat en Région, filiale des Caisses d’Epargne et de le BPCE. Au total, ce collectif d’acteurs était en capacité d’acquérir près de 22 000 logements en 2020.

Mais, confrontés à la pénurie d’offre neuve, à l’envolée des prix dans les zones les plus tendues et au refus de certaines communes d’être privées de la ressource de la TFPB, les institutionnels n’auraient pu réserver, d’après notre enquête, que 10 200 logements en 2020 ; soit 17 % de moins qu’en 2019.

Et en 2021 ?

CDC Habitat et In’Li doivent finaliser les plans d’acquisitions annoncés en 2020. CDC Habitat a même annoncé un second appel à projets VEFA courant sur deux années supplémentaires. De nouveaux acteurs ont manifesté l’intention d’entrer « dans la danse » : 1001 Vies Habitat, Foncière Procivis, Vilogia Privilège, Batigère Livie et Polylogis.

Rapporté à l’année 2021, cela représenterait un potentiel d’acquisitions de près de 25 000 logements.

Des facteurs bloquants

Malheureusement, les facteurs bloquants ne seront pas levés en 2021, ou très partiellement ; en premier lieu, la pénurie d’offre puisque les autorisations de construire n’ont cessé de baisser, encore en ce début d’année. Ce qui ne peut avoir qu’un impact négatif sur les volumes de ventes et de mises en chantier.

L’année 2020 s’est soldée par un fort recul, à 357 200 mises en chantier France entière, dont 346 500 en France métropolitaine. Les prévisions les plus optimistes pour 2021 projettent moins de 320 000 mises en chantier, France entière, dont moins de 310 000 en France métropolitaine.

Dans ce contexte de production à la baisse, nous prévoyons un maximum de 15 600 logements locatifs intermédiaires réservés en 2021 (63 % du potentiel), dont près de 12 000 déjà identifiés dans le cadre des plans d’acquisitions lancés en 2020.

Et que dire des potentiels importants en logements sociaux, et en investissement institutionnel en résidences services et en locatif libre ? Sont-ils condamnés, comme le locatif intermédiaire, à être insuffisamment concrétisés tant que les conditions de la réactivation de la production ne sont pas réunies ?

A suivre…


* Salariés mobilisés en première et seconde lignes en période de crise sanitaire, de niveau 3 et 4 dans la classification des emplois, appartenant majoritairement au début de la classe moyenne.


© Corina Rainer - Unsplash

Vincent GORNYmar, 04/13/2021 - 10:07

Très bonne synthèse Laurent !
Ou comment retrouver un discours politique et des leviers pour "réhabiliter(!) la construction neuve"...
Reconstruisons !

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