Dans un contexte d’inflation, de hausse des taux et de transition écologique, les bailleurs sociaux s’interrogent sur leurs stratégies pour répondre à des besoins de logement toujours croissants, à court et moyen terme : où seront-ils le plus forts ? Pour qui ? Leur patrimoine est-il adapté à cette demande future ? Faut-il le vendre, le rénover, le transformer ? Faut-il investir de nouveaux segments et diversifier les produits ? Voilà quelques exemples des questions qui nous ont été posées ces derniers mois.
La modélisation statistique, cartographique, dynamique de l'offre et de la demande apporte une partie de la réponse. Mais une stratégie d'entreprise, qu'il s'agisse de diversification, d'adaptation au marché ou de changement de modèle, soulève bien d'autres questions. Une démarche qualitative complémentaire permet d'identifier des enjeux et des problématiques qui ne se lisent pas d'emblée dans les données chiffrées.
Dialogue interne autour des enjeux d'organisation
Se pose en particulier la question des moyens humains au service de la stratégie. Associer à la réflexion les directions fonctionnelles et opérationnelles qui, au-delà de la direction du développement (et de la direction générale), auront un rôle clé à jouer dans la mise en œuvre stratégie est donc important. Trois exemples l'illustrent.
- Compétences bâtimentaires. Réduire l'empreinte environnementale du logement ou répondre aux évolutions démographiques et sociologiques des ménages pose la question de l'adaptation du parc. Or la rénovation thermique, la transformation des typologies… nécessitent des compétences bâtimentaires spécifiques, parfois nouvelles, dont il faut anticiper l'acquisition ou le renforcement.
- Organisation commerciale et de gestion locative. Un autre enjeu majeur est le refinancement. Une stratégie consiste à diversifier l’offre de logements (en PLS, en LLI quand le cœur de l’offre du bailleur se situe en PLUS-PLAI) pour aller chercher une clientèle aux revenus plus élevés. Mais la mise en location de ces logements puis leur gestion impliquent des approches commerciales et relationnelles nouvelles, proches de celles du privé. C’est aussi un changement de philosophie d’entreprise qui nécessite un temps d’acculturation pour les salariés.
- Gestion immobilière. Le bailleur pourra juger opportun de vendre des logements et de renouveler son parc, passant d'une logique d'accumulation patrimoniale d'actifs à une logique de gestion de flux. Cela implique là encore un changement de culture, mais aussi le renforcement de capacités de production (en MOD ou via la VEFA) et le recrutement de développeurs qui manquent souvent à l’organisation.
Sans forcément apporter de réponses définitives, des ateliers auxquels participent les différentes directions de l’organisme, de manière décloisonnée, rendent la réflexion stratégique plus pragmatique, facilitent l’appropriation des enjeux et constituent une première étape vers le changement effectif de l'organisation.
Enquête sur les dynamiques du territoire
Pour bien calibrer une ambition de développement, il est évidemment nécessaire de la projeter sur le territoire concerné. Les questions de distance par rapport au siège ou agences, de concentration du parc dans une logique de masse critique sont souvent invoquées, à juste titre, pour spatialiser la stratégie de développement.
Mais bien d'autres questions sont à considérer, en s'appuyant sur la connaissance fine du terrain que détiennent pour partie les agences locales de gestion du bailleur, qui connaissent bien leur environnement socio-économique, et pour partie ses partenaires institutionnels (EPCI, aménageurs, agences d'urbanisme…).
- Opportunités de projets. Une enquête de terrain auprès de ces différents interlocuteurs est indispensable pour intégrer des opportunités (nouveaux transports collectifs…) ou des besoins exprimés par les principaux employeurs ou les structures éducatives (logement des alternants, logement étudiant, saisonnier…), et plus généralement les projets et les besoins à venir des territoires.
- Besoins des locataires actuels. Une diversification de l’offre vers des segments plus "rémunérateurs" (ex : PLS, LLI, BRS etc…) ne correspond pas toujours avec les besoins futurs des ménages déjà hébergés dans le parc social local. Or il s’agit pourtant d’une cible à adresser, que l'on pourra connaître en mobilisant les équipes de gestionnaires travaillant au plus près du terrain. C'est important pour assurer la fluidité des parcours résidentiels des locataires du parc social.
Partage du nouveau paradigme avec les collectivités
Un dialogue avec les élus et services des territoires concernés est évidemment incontournable, pour entendre leurs attentes et préoccupations, mais aussi s'assurer de leur soutien dans la mise en œuvre d'une stratégie qui sera nécessairement différente des précédentes. Le plus tôt est le mieux. Au vu des nombreux bouleversements qui caractérisent la période actuelle – ventes de logements locatifs sociaux et formation de copropriétés mixtes, déploiement de nouvelles offres de logement abordable hybrides telles que le bail réel solidaire ou l'usufruit locatif social… – associer ces interlocuteurs aux premières réflexions est une précaution utile.
On voit au travers de ces quelques exemples comment le dialogue peut faire gagner du temps à la réflexion stratégique en identifiant très tôt les défis à relever et les opportunités. Un autre effet positif de cette démarche est qu'elle associe à la réflexion les personnes même qu'il faudra "embarquer". C'est donc une manière simple mais efficace d'engager le partage de la stratégie avec les parties prenantes.
© nathan dumlao unsplash
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