Notre pays a de très nombreux défis à relever.
Certains lui sont propres comme…
- le financement de notre État ;
- le développement de nos entreprises et la réindustrialisation ;
- la redynamisation des villes moyennes ;
- la lutte contre la désertification du monde rural ;
- l’évolution de notre relation au travail ;
- le vert, dans la ville comme dans nos vies ;
- le retour à davantage de paix sociale et de bien être collectif et individuel ;
- l’aménagement du territoire ;
- la mutation de nos services publics ;
- l’emploi et la formation aux métiers de demain ;
- la digitalisation de notre économie et nos services…
Et beaucoup dépassent le cadre de nos frontières …
- l’enjeu environnemental ;
- la relocalisation des productions au plus près des consommations ;
- les équilibres géopolitiques et les conflits qui nous impactent.
C’est donc une équation à multiples facteurs que nous avons à résoudre. Il va sans dire que cette équation est complexe, à la mesure des mutations que nous vivons.
Face à ces défis, je fais l'hypothèse que notre plus grande force est certainement notre territoire. Et que notre plus grand levier d’action, l’emploi, qui est aujourd’hui une partie du problème, sera demain, une composante majeure de la solution.
La loi du travail
La qualité du cadre de vie ne suffit pas, n'en déplaise aux optimistes qui ont vu le "monde d'après" à leur porte dès 2020. C'est d'abord, sinon exclusivement, le travail qui détermine le lieu de vie d'une personne. Son travail, mais aussi celui de son conjoint. Son travail actuel, mais aussi ses perspectives de carrière. Autrement dit, on habite d'abord là où l'on sait pouvoir durablement travailler. Et il est douteux, compte-tenu de la structure des emplois, que le télétravail modifie cet état de fait autrement qu'à la marge[1].
Or comme on le sait, les emplois sont très inégalement répartis sur le territoire. La logique qui prévaut depuis des décennies est celle de la concentration. L'intention est claire : plus l'offre d'emplois d'un territoire est dynamique, plus il attire de main d'œuvre, plus cet accroissement démographique attire d'entreprises, plus ce territoire contribue à la puissance économique du pays.
La concentration des emplois vaut-elle le prix qu'elle coûte ?
Nous ne prétendons pas ici tirer le bilan socio-économique global de la métropolisation, phénomène mondial à l'écart duquel il eût été assurément périlleux pour la France de se tenir. Mais on ne peut que constater le prix élevé de la polarisation des emplois sur un nombre limité de territoires : étalement urbain, embolie des systèmes de transport, coûteuses infrastructures, pollution de l'air…, sans parler du dysfonctionnement patent des marchés immobiliers dans ces secteurs dits "tendus".
Pour les entreprises, la logique de concentration des emplois a évidemment des avantages en termes de croissance, mais c'est au détriment de la rentabilité : la productivité des salariés parisiens ou lyonnais n'est pas plus élevée qu'ailleurs, tandis que les coûts immobiliers et les salaires y sont sensiblement supérieurs.
Pour les salariés, la pénurie de logements et la hausse continue des prix, qu'aucune politique n'a réussi à résoudre depuis des décennies, se paye au prix fort : choix par défaut, inconfort, longs trajets éprouvants, pouvoir d'achat écorné.
Il y aurait certainement beaucoup à dire sur la taille optimale des métropoles et sur l'impuissance des acteurs publics et privés à réguler leurs marchés immobiliers. Mais si l'on regardait aussi ce qui se passe ailleurs ?
Pendant ce temps-là, un capital urbain et infrastructurel de valeur s'étiole
La France a la chance de disposer d'un réseau, certes hétérogène, de villes moyennes souvent bien équipées en infrastructures, à taille humaine – la ville du quart d'heure y est une réalité de fait – proches de la nature et où il est possible de se loger sans s'exiler dans un lointain périurbain. L'offre culturelle y est moins foisonnante, mais combien de Parisiens, qui s'y disent attachés, vont régulièrement au musée, au théâtre, au concert ?
S'ils en avaient le choix, il ne fait pas de doute que nombre de nos concitoyens abandonneraient leur logement exigu et leurs trajets en RER pour s'installer à Bourges, à Guéret ou à Romans-sur-Isère. Et si le "big quit" n'a été qu'un feu de paille à la sortie du confinement, c'est précisément parce que ce choix n'existe pas : ces villes, au passé économique souvent glorieux, n'offrent plus suffisamment d'emplois pour les accueillir. Et c'est bien pour cela que, pour nombre d'entre elles, on les quitte, que leurs commerces baissent le rideau, que les gares ferment et que le déclin s'installe.
Sous-employé, ce formidable capital urbain et infrastructurel disparaît peu à peu. Ce gâchis est pour le moins attristant.
Remettre nos ressources territoriales à l'honneur
Il ne s'agit pas ici de fustiger un désinvestissement de l'État – les programmes Action Cœur de Ville ou Petites Villes de Demain prouvent le contraire – ni de contester l'utilité des métropoles, mais de suggérer que l'aménagement du territoire pourrait s'intéresser un peu plus aux moyens de relancer des activités économiques équilibrées sur l'ensemble du territoire, ce qui n'a guère été dans l'air du temps au cours des dernières décennies de fascination métropolitaine.
Or le reste de l'armature urbaine de la France possède de nombreux atouts en termes de qualité de vie. Pour autant, le secteur immobilier, si inventif soit-il, ne peut à lui seul convertir ce potentiel en attractivité résidentielle. Développement économique et développement résidentiel sont intimement liés : sans synergie entre les deux, la dynamique ne prend pas ou s'enraye rapidement.
Bonne nouvelle cependant, les opportunités de réveil des villes dites "moyennes" ne manquent pas.
Le programme national de rénovation des logements fournit ainsi l'occasion d'améliorer la qualité résidentielle tout en créant des emplois à court terme dans le bâtiment. Bien d'autres pourront y être orientés dans le cadre de la transition énergétique et écologique, qui impose des changements structurels profonds. Les emplois de demain devraient être plus industriels (réindustrialisation), plus agricoles (remise en cause de l'agriculture intensive), moins dépendants de la mondialisation et des transports (économie locale)…
Il y a donc un espace de parole à saisir par les acteurs de l’économie qui doivent proposer des visions nouvelles, et imaginer les solutions opérationnelles qui vont avec.
Je pense que les acteurs de l’immobilier/urbanisme/construction sont prêts à relever ces défis pour ce qui les concerne. Ils savent les conditions dans lesquelles ils peuvent accompagner ces grands mouvements.
L’immobilier de demain sera l’une des réponses majeures à l’évolution de nos modes de vies, au dynamisme de notre économie, à la mutation de nos villes et de nos territoires.
[1] Voir à ce sujet l'article de Claire Julliard : https://media.adequation.fr/immo/equlibre-des-territoires/crise-sanitaire-et-exode-urbain-22-le-dementi-des-faits
©julio wolf unsplash
Merci Arnaud pour cette vision experte et prospective du marché en faveur de territoires ressourcés par des travailleurs essentiels.
L'immobilier de demain devra aussi savoir composer comme tu le sais avec l'explosion des télétravailleurs et des seniors...
En réponse à Anonyme (non vérifié)
Merci Vincent pour tes réactions non moins expertes ;)
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