Jeter le bébé avec l’eau du bain : le PTZ

L'équipe ADEQUATION

Publié le 07/02/2018

 

Le périmètre d’application du prêt à taux zéro (PTZ) a été revu à la baisse par la loi de finances 2018. Conçu pour aider les primo-accédants à financer leur acquisition, avait-il démérité et, si oui, pourquoi ?

Les 2/3 des ménages qui achètent un logement pour la première fois ont un budget compris entre 100 000 € et 200 000 €.
Affinons. Les 2/3 des primo-accédants disposent de moins de :
• 165 000 € dans les zones où se loger est supposé facile (B2 et C)
• 200 000 € dans les zones où se loger est difficile (A et B1).

Une étude récente du Crédit Foncier montre que le prix moyen des acquisitions financées avec un PTZ en 2016, dans le neuf et dans l’ancien, était de :
• 172 000 € en zones B2 et C
• 220 000 € en zones A et B1.

Ces prix moyens sont nettement supérieurs aux budgets des 2/3 des personnes concernées. Le PTZ a donc bénéficié essentiellement aux ménages du haut de la classe moyenne.

Fallait-il réduire le périmètre d’application du PTZ ?

Cette même étude montre que 60 % des PTZ ont été attribués en zones B2 et C, donc dans des villes moyennes et en secteur rural, ce qui, compte tenu du prix des biens financés, indique une majorité de maisons individuelles. C’est l’une des raisons qui auraient conduit, pour le neuf, au « rabotage » du PTZ (financement de 20 % du prix au lieu de 40 %) en zones B2 et C, et à sa prorogation pour 2 ans seulement, contre 4 ans ailleurs. Le PTZ contribuerait à l’étalement urbain et à la consommation excessive de foncier en zone détendue.

Cette analyse indique une mauvaise compréhension du fonctionnement des marchés.

En réalité, si les ménages les plus aisés de la classe moyenne et les zones dites « détendues » ont relativement plus bénéficié du PTZ, c’est parce que sa distribution reflète la structure de l’offre proposée aux primo-accédants.

Les produits moins chers, compatibles avec leurs budgets, n’existent tout simplement pas, et ce quelle que soit la zone considérée.
Dans les zones dites détendues (B2 et C), les logements de type T2 ou T3 en collectif, par exemple, que recherchent la majorité des primo-accédants, sont excessivement rares. Les ménages qui le peuvent se reportent donc sur la maison individuelle.

Plutôt que d’abandonner le PTZ, il serait plus judicieux de repenser ses conditions d’attribution.

Il faut pour cela revenir à sa raison d’être, qui est de rendre solvables des ménages qui sans lui ne le seraient pas.

La solvabilité des ménages dépend de trois facteurs :
• Leurs revenus
• Le coût du crédit
• L’existence de biens correspondant à leur budget.

Les paramètres en jeu sont indépendants du zonage ABC.

En outre, ils doivent être appréhendés de manière très fine. En effet, quand les revenus sont faibles et l’offre rare (ce qui est le cas de la primo-accession dans les zones B2 et C), la solvabilité des ménages, donc l’efficacité du PTZ, se joue à quelques milliers d’euros.

Prenons l’exemple d’un ménage de Besançon (zone B2), appartenant au 5e décile de revenus, candidat à l’acquisition d’un logement à 165 000 €. Il aurait pu l’acheter avec un PTZ “ancienne formule” (40 %). Sans cette aide, son budget tombe à 159 000 €. Se “serrer la ceinture” n’y changera rien, il n’obtiendra pas de prêt pour un montant supérieur.

Comme la plupart des aides au logement, le PTZ serait plus efficace s’il était déconnecté de la logique du zonage ABC. Il faut en faire un outil à la disposition des collectivités mettant en œuvre de véritables politiques de soutien à la production de logements abordables sur leur territoire.

 

Point de vue de Laurent Escobar
Directeur général adjoint chargé du développement – associé

Paru sur Business Immo le 07/02/2018

 

Illustration : © nattanan / Pixabay

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