Sortir du faux débat sur la densité

Dans nombre de villes, le rejet des projets au nom d'une excessive densité devient préoccupant. Ce terme est un piège dont les collectivités et les maîtres d'ouvrage doivent tenter de sortir car le débat semble sans issue. La réponse est certainement dans la qualité d’usage des projets.

Nolwenn Malherbe

Publié le 16/03/2022

 

Un grand nombre de projets urbains ou immobiliers sont contestés par la population au motif d'une densité excessive. Or cette densité invoquée n'est souvent pas plus forte que celle de formes consensuelles, celle des maisons en bande par exemple. Mais la hauteur ou le caractère massif des constructions sont assimilés à de la densité, alors que le taux d'occupation des sols n'est pas objectivement élevé, compte-tenu de la présence d'espaces libres souvent végétalisés.

De quoi la densité est-elle le nom ?

Cette fausse perception de la densité s'explique de plusieurs manières :

1. Vision tronquée. Le public ne voit que le bâti. Dès lors, haut devient synonyme de dense. C'est ainsi que les quartiers de ZUP construits dans les années 1960-1970 sont considérés comme denses en raison de la présence de barres et de tours, sans considération des vastes espaces libres sur lesquels ils sont implantés.

2. Analogie fautive. Les problèmes sociaux de ces quartiers d'habitat social sont trop rapidement imputés à leur forme urbaine improprement considérée comme dense (cf. point 1). La prétendue densité devient suspecte de générer des problèmes sociaux, alors même que ces quartiers sont plutôt peu denses, beaucoup moins que le centre de Paris et pas plus que le 16e arrondissement.

3. Rejet politique. La densité peut également être perçue comme le résultat d'une politique bâtisseuse qu'il faudrait rejeter, soit au non de la démocratie parce qu'elle est imposée d'en haut (État), soit au nom d'une conviction politique parce que l'on considère qu'il n'est pas souhaitable de construire autant de logements.

4. Individualisme. Dire "c'est trop dense" peut être une manière politiquement correcte de dire "ne construisez pas à côté de chez moi".

5. Frein culturel. Dans certaines villes basses, comme Bordeaux, les projets urbains contemporains sont effectivement beaucoup plus hauts et cette hauteur détonne dans le paysage.

Les limites du débat public

Pour toutes ces raisons, la notion de densité ne peut que polluer le débat local autour des projets urbains. On tente de lui substituer celle d'intensité urbaine : il est nécessaire d'atteindre une certaine masse critique pour créer les polarités nécessaires au bon fonctionnement urbain et pour rentabiliser de grands équipements tels que des lignes fortes de transports urbains. Mais, aux yeux des opposants, cela ne corrige strictement aucune des perceptions ou convictions exposées plus haut !

Il y aurait beaucoup à dire sur la manière dont les PLU, les PLH et les projets urbains sont débattus. Disons a minima qu'ils ne favorisent pas l'adhésion aux projets qui, en bout de chaîne, au stade du permis de construire, révèlent ces politiques à des populations qui n'y sont pas préparées.

Quoi qu'il en soit, la concertation plus efficace n'annulera jamais toutes les oppositions. À partir du moment où des objectifs de construction ont été décidés et doivent se traduire en projets, comment sortir le débat public de l'impasse dans lequel l'enferme le dialogue de sourds sur la densité ? 

Une seule voie de sortie : la qualité d’usage

Sachant que le ZAN rend de toute façon impossible toute alternative consommatrice d'espace (constructions basses), la seule solution est de rendre désirables des projets relativement denses ou susceptibles d'être perçus comme tels.

Les architectes, urbanistes et paysagistes sont nombreux à l'avoir compris. La fragmentation des volumes, la générosité des espaces extérieurs des logements, le traitement paysager des cœurs d'îlot et leur ouverture au moins visuelle sur l'espace public, la gestion de l’intimité malgré la proximité sont autant d’éléments à prendre en compte.

Pour autant, il ne s'agit pas simplement de faire oublier la densité au moyen de formes allégées ou d'une végétation abondante. La programmation des projets est l'autre volet sur lequel il faut travailler : il importe de proposer une offre de logements adaptés aux besoins et capacités budgétaires des ménages, des services en lien avec le peuplement existant et à venir pour créer du lien et faire vivre les quartiers, afin que les projets soient une plus-value à l’espace dans lequel ils s’intègrent.

Bref, la démarche consiste à élever la qualité d’usage des projets et à les intégrer pleinement dans les dynamiques territoriales et urbaines, mais sans que l'équilibre économique ne passe par une augmentation de la densité (en nombre de logements) !

Voilà pourquoi il est fondamental que la conception des projets articule dès l'amont des réflexions approfondies sur la conception et l’intégration urbaine, architecturale et paysagère des projets, la programmation et le modèle économique des opérations.


© Sergio Souza - Pexels

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