Vers une redistribution géographique des marchés résidentiels ?

Le développement du télétravail, le souhait de bénéficier d’un logement plus grand et/ou moins cher, le désir d’une grande proximité avec la nature, autant d’arguments qui sont en faveur d’un départ des métropoles urbaines vers d’autres contrées. Point sur le phénomène avec Florence Menez.

Florence Menez

Publié le 21/02/2022

 

Depuis la crise sanitaire, de nombreux articles, études ou encore rapports paraissent régulièrement dans la presse quotidienne comme dans la presse spécialisée sur la thématique du retour des villes moyennes ou encore de la fin des métropoles. Le développement du télétravail, le souhait de bénéficier d’un logement plus grand et/ou moins cher, le désir d’une grande proximité avec la nature, autant d’arguments qui sont en faveur d’un départ des métropoles urbaines vers d’autres contrées.

Une analyse des marchés qui confirme un recul des marchés métropolitains

Si le marché de la promotion immobilière - vente au détail (aussi bien à destination des propriétaires occupants que des ménages investisseurs) marque une reprise en 2021, comparativement à 2020, la dynamique reste cependant en deçà des années précédentes. Ces chiffres globaux sont relativement encourageants, à mettre en perspective avec une reprise également de la construction de logements neufs. Cette reprise se fait de manière inégale selon les territoires. Nos précédentes publications l’avaient déjà pointé et la tendance se confirme. Les réservations et les mises en ventes sont toujours bien deçà du niveau de 2019 pour les principaux marchés métropolitains, avec des territoires en réelle difficulté à proposer une offre suffisante aux ménages. On pourrait citer la région parisienne mais également Nantes, Bordeaux ou encore Toulouse. Notre observatoire montre ainsi que l’activité de la promotion immobilière se fait à 50% en-dehors de ces métropoles et capitales régionales.

La ville moyenne : nouvel eldorado de la promotion immobilière ?

Dans ce contexte, la VILLE MOYENNE apparaît ainsi comme un territoire privilégié qui pourrait connaître un regain d’attractivité, la ville moyenne véhiculant l’image d’Epinal de la ville rêvée, pas (encore) trop chère et des fonciers disponibles à conquérir.

Il reste toutefois à définir ce qu’est la ville moyenne. On ne compte plus les colloques, les publications de géographes, statisticiens, urbanistes voire historiens sur le sujet. Sans entrer dans le débat, notons simplement que la sémantique de villes moyennes recouvre en fait une grande hétérogénéité de territoire, qu’il s’agisse de leur localisation (sous influence ou non d’une métropole régionale ou de la métropole parisienne), de leur dynamisme (gain d’habitants, évolution du nombre d’emplois), de leur accessibilité (prix du marché, liaison avec les grands centres urbains), de leur cadre de vie (niveau d’équipements et de services, qualité des espaces). Tout ceci confère à ces territoires des niveaux d’attractivité différents et par conséquent des dynamiques de marché bien distinctes.

Une tentative de segmentation à travers une analyse des marchés résidentiels neufs

Par simplification, nous avons considéré intégrer dans notre analyse les intercommunalités dont la commune centre était inscrite au programme Action Cœur de Ville. Les premiers résultats sont en cours avec des profils de marchés qui se dégagent, basés pour le moment sur l’analyse de la production de logements neufs :

  • Des territoires pour lesquels le niveau de production de logements reste constant au fil des années illustrant une capacité du territoire à organiser sa production. Ces territoires pouvant être aussi bien sous influence d’un pôle métropolitain (notamment les intercommunalités situées en proximité de la Métropole du Grand Paris) qu’indépendant (Caen, Tours, Clermont-Ferrand, etc.). L’enjeu est de préserver cette dynamique, en veillant à garantir une offre foncière suffisante et renouvelée tenant compte des objectifs de sobriété foncière et de régulation des prix.
  • Des territoires avec des variations importantes d’une année sur l’autre et qui dépasse rarement les 100 ventes par an en promotion immobilière, avec une production de logements neufs soutenue de manière significative par l’habitat individuel. L’enjeu pour ces territoires est de pouvoir appréhender correctement ce volume d’activités et éviter les effets yo-yo, voire opportunistes sur le marché immobilier.
  • Des territoires pour lesquels la production de logements neufs passe majoritairement par de la construction individuelle en lotissement comme en diffus. Le plus souvent les prix de sortie sont bas, et l’équation économique difficile à résoudre pour des opérations plus denses. L’enjeu est donc de pouvoir trouver le(s) modèle(s) économique(s) adéquat(s), en particulier dans la perspective de la mise en œuvre du Zéro Artificialisation Nette des sols.

Une segmentation à confronter avec une vision plus systémique

Nous livrons ici, une première ébauche et réflexion sur l’attractivité de ces territoires. L’analyse doit se poursuivre avec une approche plus fine sur les prix et les produits développés. Bien évidemment d’autres critères doivent être intégrés à notre approche pour affiner l’analyse, décrypter les dynamiques les plus récentes et objectiver l’attractivité de ces territoires.

Il s’agira de compléter notre analyse avec un point de vue sur les flux récents de migration en vue d’approcher la problématique de l’exode urbain (travail en cours de Claire Juillard et Alexandre Coulondre notamment) mais aussi de tenir compte des dynamiques dans l’ancien (volume, prix, nature des biens, évolution) et de la capacité des territoires à organiser leurs marchés (politique d’aménagement, politique foncière, coopérations entre acteurs de l’urbain).


© Marin Tulard - Unsplash

AXEL RODINjeu, 02/24/2022 - 09:45

Dommage que vous n'ayez pas pris en compte les études récentes du PUCA et du ministère. Votre analyse tombe un peu à côté. D'où la nécessité de résister aux sirènes des effets d'annonce et des raccourcis séduisants... l'aménagement repose sur le temps long.
www.banquedesterritoires.fr

En réponse à Anonyme (non vérifié)

Menez Florencemer, 05/04/2022 - 13:34

Bonjour Mr Rodin.
Vous avez raison de souligner que l'aménagement repose sur un temps long, temps qui ne cesse par ailleurs de s'allonger.
Je vous rassure, ADEQUATION n'a pas cédé aux sirènes des effets d'annonce ! Et nous ne voyons pas d'exode urbain, au même titre des recherches du PUCA avec qui nous collaborons.
Ce n'est d'ailleurs pas le sens de cet article!

Néanmoins, nous observons des signaux faibles qui invitent à réfléchir à une nouvelle recomposition des marchés immobiliers.
- ajustement de la production immobilière nouvelle avec un poids relatif moins important des métropoles
- un effet de politiques d'aménagement locales comme nationales qui ont permis à des villes "secondaires" ou "moyennes" de développer des projets urbains et d'offrir ainsi des potentiels de marchés pour les opérateurs immobiliers
- des prix très élevés dans les marchés métropolitains, qui accentuent les difficultés de logements et incitent des ménages à quitter ces territoires (en s'installant aux franges ou en changeant de région).
- des trajectoires et des réflexions autour de changement de mode de vie et donc de changement de lieu qui sont encore à évaluer (Les travaux d'Alexandre Coulondre et Claire Juillard cherchent d'ailleurs à mieux les connaître et les qualifier via le programme de recherche du PUCA)
Bref, l'analyse reste complexe, d'autant plus dans un moment où les mutations sont à l’œuvre.

Fin mai, ce sujet sera d'ailleurs débattu au sein de notre conférence au Pavillon de l'Arsenal. Vous trouverez sur notre plateforme l'état d'avancement des réflexions sur ce sujet.

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