Réhab’ : apprendre à faire avec l’aléa

La restructuration de bâtiments existants va prendre de plus en plus de place, dans des conditions de coût et de conduite de projet bien différentes de celles du neuf. Nous en parlons avec l’architecte Sandra de Giorgio.

Équipe ADEQUATION

Publié le 12/10/2022

 
sandra

 

Sandra de Giorgio a créé lagence NZI en 2011 avec Gianluca Gaudenzi. Dès l’origine, NZI se distingue par sa démarche écologique, notamment par l’emploi de matériaux biosourcés. Elle a réalisé plusieurs transformations de bureaux en logements.

Entre le neuf et la réhabilitation, il se dit que la seconde est forcément plus coûteuse : qu’en pensez-vous ?

Ce n’est pas faux en général : l’économie de matière n’est pas synonyme d’économie financière. Mais avons-nous le choix de continuer à privilégier le neuf quand on sait ce que pèse le bâtiment dans les émissions de gaz à effet de serre ? Le coût dépend à environ 40 % de la structure. Alors certes, il arrive qu’une structure existante soit en mauvais état et présente un risque, ou bien qu’elle soit inadaptée aux nouveaux usages du bâtiment, pour des questions de poids ou de confort. Par exemple quand les ouvertures ne peuvent pas être retraitées, par évidement, pour offrir suffisamment de vues ou de lumière aux appartements… Mais là où on peut la conserver, il faut le faire.

Illustration - colonel avia paris
colonel avia paris

Rue du colonel Avia à Paris. Transformation de bureaux en résidence universitaire avec conservation de la structure poteaux-poutres et construction des façades en murs à ossature bois avec remplissage paille. Maître d'ouvrage : Paris Habitat. Architecte : NZI. Photo : Alexis Toureau. 2019.

Le coût des travaux n’est-il pas plus aléatoire que dans le neuf ?

Effectivement, le coût n’est pas facile à approcher en amont. Le maître d’ouvrage fait réaliser des études de sol et de structure pour établir la «pré-faisabilité» de la restructuration. Ensuite, il faut tout regarder dans le détail, c’est notre rôle, avec des ingénieurs qui vont être beaucoup plus présents au début que dans du neuf, où certains «automatismes» rendent l’architecte plus autonome. En réhabilitation, il faut des mois de travail pour bien analyser les choses, faire des propositions qui vont élever la qualité d’usage. Elle ne pouvaient pas être étudiées au stade de la faisabilité et elles tendent en général à élever le coût des travaux. C’est très différent d’un concours classique en neuf où l’architecte n’a pas d’autre choix que de rentrer dans une enveloppe. 

La démarche environnementale est-elle différente entre le neuf et la réhabilitation ?

Pour nous en tout cas, la démarche est exactement la même : nous faisons très attention au bilan carbone des matériaux que nous apportons qui doivent tous être «écolo». Bien sûr, les contraintes budgétaires obligent à des compromis, comme le fait de mettre de la laine de roche plutôt que de la laine de bois. Mais c’est quand même dommage. Nous essayons de travailler avec les industriels pour qu’ils alignent leurs prix mais c’est aussi une question de volume. Plus nous, architectes et maîtres d’ouvrage, allons prescrire de matériaux biosourcés, plus les fabricants pourront réaliser des économies d’échelle.

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L'atelier de fabrication des murs destinés au chantier de la rue du colonel Avia. MEHA Charpentes. Photo : Sepulveda.

Et en ce qui concerne la sobriété énergétique ?

Là, par contre, nous avons un choix de produits efficaces, comme des chaudières bois ou des pompes à chaleur, qui sont très bien pensés, faciles à intégrer dans les projets et ne génèrent pas de gros surcoûts. Pour atteindre le niveau 3 du référentiel E+C-, il faut beaucoup d’équipements pour produire de l’énergie. Pourquoi pas si ça n’implique pas trop d’entretien ? C’est ce que le propriétaire va regarder : il ne faut pas que les équipements soient trop compliqués à régler ou tombent souvent en panne. 

Qu’est-ce qui change, dans les relations avec le maître d’ouvrage, entre le neuf et la réhabilitation ?

Sur ce type de projets, la plus-value de l’architecte est peut-être plus grande, en tout cas elle est plus reconnue car la complexité est évidente. Nous sommes obligés de travailler étroitement ensemble, avec le maître d’ouvrage, pour trouver les solutions techniquement compatibles avec les usages, la qualité esthétique et le budget. Dans la réhabilitation, le chantier est aussi beaucoup plus stressant que dans le neuf à cause des découvertes que l’on fait au moment de la déconstruction, du curage, de la dépose, et qui demandent parfois  de réadapter le projet en temps réel. Il me paraît donc inenvisageable que l’architecte n’assure pas le suivi de chantier. 


Propos recueillis par Jeanne Bazard

© thegiansepillo - Pexels

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