Ré-enchanter le logement collectif

À Saint-Martin-du-Touch (Toulouse), la complicité d'un architecte et d'un promoteur a offert à une vingtaine d'acquéreurs la possibilité de personnaliser la façade de leur appartement. Mickaël Merz, président de Sporting Promotion, tire les enseignements de cette expérience originale.

Équipe ADEQUATION

Publié le 14/04/2023

 
mickael merz

Ce programme de 94 logements réalisé par Sporting Promotion et Matéa Promotion dans l’éco-quartier des Ramassiers a été livré en mars 2023.

D'où est venue cette idée de personnalisation ?

Mickaël Merz. Cette opération a été conçue dans le cadre d'un concours d'Oppidea qui, comme le font les aménageurs, demandait aux candidats de pousser tous les curseurs en matière d'architecture, d'usages, de système constructif etc. pour expérimenter les bonnes pratiques qui seront diffusées plus largement par la suite.

Nous avons naturellement cherché à nous différencier, en particulier en nous saisissant de la personnalisation des logements qui figurait parmi les critères. C'est ce qui nous a conduits à solliciter l'architecte Édouard François, réputé pour ses capacités d'innovation. Nous nous sommes plutôt bien entendus. L'idée de proposer une personnalisation des façades a surgi dans l'une de nos premières conversations. Je lui ai dit ma conviction que le rêve des Français était une maison T5 de 120 m² avec un garage et un petit jardin mais que, ce modèle n'étant plus possible aujourd'hui, nous devions tâcher de nous en rapprocher dans des programmes collectifs : avec un espace extérieur plutôt qu'un jardin, des rangements plutôt qu'un garage… Édouard François a ajouté que ce rêve consistait aussi à pouvoir personnaliser sa maison.

Comment s'est déroulée la conception du projet ?

L'idée impliquait que la façade ne soit pas un mur porteur, il nous fallait donc opter pour un système poteaux poutres. Cela se pratique dans les bureaux et en Espagne pour tous les logements, mais j'étais un peu réticent au départ. Je pensais que cela allait coûter cher, que les entreprises n'y étaient pas habituées… Mais notre partenaire Matéa, qui possède une filiale de gros œuvre, a pu faire un pré-chiffrage qui a montré qu'il n'y aurait pas de surcoût significatif.

Résidence Casual à Saint-Martin-du-Touch, architecte Maison Édouard François

Résidence Casual à Saint-Martin-du-Touch, architecte Maison Édouard François

À l'oral du concours, des membres du jury se sont inquiétés. Ils imaginaient un patchwork inesthétique et incontrôlé de couleurs et de fenêtres. Et là, Édouard François a été très bon. Il avait fait varier les façades d'une image à l'autre de sa présentation sans que personne ne remarque rien, ce qui prouvait que les variations de couleur, de matérialité et d'ouvertures permises aux acquéreurs n'allaient pas perturber l'harmonie générale du projet.

Les clients ont-ils adhéré à cette proposition ?

C'était une première expérience pour l'architecte comme pour nous, mais nous nous sommes adaptés. En revanche, la commercialisation a été assez compliquée, notamment parce que nous l'externalisons en partie et ne maîtrisons donc pas la formation de tous les vendeurs individuellement. À un moment, nous avons simplifié le sujet en réservant cette personnalisation aux logements en accession, c'est-à-dire aux acquéreurs potentiellement les plus motivés. Cela représentait un tiers du programme, les deux autres tiers étant destinés à un bailleur social et à des particuliers investisseurs. Ils étaient en outre situés dans les étages élevés, ce qui laisse un peu plus de temps pour achever la commercialisation sans bloquer la construction. Finalement, nous avions une vingtaine d'acheteurs concernés, dont cinq ont demandé une personnalisation. Parmi eux, deux acquéreurs ont souhaité profiter de la possibilité de modifier les fenêtres, les autres se sont contentés de choisir la matérialité de la façade.

Pensez-vous reproduire cette expérience ?

Ces premiers résultats peuvent paraître modestes, mais je reste absolument convaincu par la démarche. C'est un véritable argument de vente : il nous faut simplement progresser dans la commercialisation. D'autant que les choses sont devenues beaucoup plus simples sur le plan juridique. À l'époque, nous nous sommes posé beaucoup de questions ; nous n'étions pas certains que le changement des fenêtres pouvait être régularisé au moyen d'un simple permis de construire modificatif, surtout si nous avions eu plus de demandes de personnalisation. Mais depuis, la jurisprudence est venue l'autoriser de manière très claire.

Nous avons donc repris ce principe dans deux projets actuellement en phase de concours à Bordeaux, et nous comptons le reproduire dans le diffus. Cela concernera les derniers niveaux, pour les raisons déjà évoquées, mais aussi parce que c'est là que se trouvent les grands appartements susceptibles d'être réagencés, et parce qu'ils ne sont pas visibles à hauteur de piéton, ce qui rend la chose plus acceptable par les élus… Autre aspect très important, la construction poteau poutre est intéressante du point de vue du carbone puisqu'elle allège la structure et s'impose dans le cas de la construction bois. Nous cochons donc beaucoup de bonnes cases à la fois.

Croyez-vous à la nécessité de dé-standardiser la promotion immobilière ?

Villa Triplex dans l'opération Greenline à Plaisance du Touch.

Personnellement, je ne raisonne pas en termes de déstandardisation car je crois aux fondamentaux du logement mais, ayant vécu presque toute ma vie en appartement, je suis sensible aux détails qui améliorent la qualité du logement collectif. Mon crédo, comme je l'ai dit, c'est plutôt de rechercher les qualités du logement individuel, en particulier en travaillant sur les espaces extérieurs.

Villa Triplex dans l'opération Greenline à Plaisance du Touch.

À Saint-Martin-du-Touch par exemple, nous avons créé des serres individuelles sur les toits, qui sont d'ailleurs plutôt des vérandas, et des cabanes attachées aux logements, sur des terrasses ou sur pilotis, qui peuvent servir d'espace de repas protégés des regards. Aujourd'hui, la valeur de la surface des espaces extérieurs dépasse celle de la surface habitable. Ce n'est d'ailleurs pas uniquement une question de surface : la fonctionnalité est très importante. Il faut pouvoir installer une cuisine ou simplement prendre des repas. Sur les terrasses, nous prévoyons la possibilité d'installer un jacuzzi, d'attacher un hamac, etc.

À part cela, nous osons aussi proposer des produits atypiques pour répondre aux nécessités de notre époque, telle que la densité du bâti. La maison de ville en triplex, par exemple, ne convient pas à tout le monde, mais elle trouve sa clientèle si elle est bien conçue. Nous avons été les premiers à en construire à Toulouse, dès 2012, au grand étonnement de l'architecte qui nous avait soufflé l'idée ! 

La présence de salles de sport dans vos résidences est aussi votre marque de fabrique…

Oui, nous faisons cela depuis 20 ans et nous en avons déjà installé environ 70. C'est lié à une forte culture sportive dans le groupe, qui exploite également des salles de fitness. La salle de sport est financée par le budget de promotion et elle est conçue pour ne coûter quasiment rien en charges. Nous avons eu le temps de perfectionner le modèle, parce que nous les gérons dans le cadre de notre activité de syndic, qui nous permet notamment d'éviter les conflits d'usage et les frais de maintenance, au moyen d'équipements simples et robustes. Nous croyons beaucoup aux espaces collectifs qui sont de vrais plus à la vente comme à la location. Nous installons aussi des espaces de jeux pour les enfants et nous espérons créer bientôt une salle de coworking dans l'un de nos projets.


Propos recueillis le 23 mars 2023 par Jeanne Bazard et Baptiste Humblot

© david-hofmann -unsplash

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