La place de marché des données immobilières ouvrira en mars 2024

Elle a pour nom realdata for real estate et c'est une société à mission. Arnaud Anjoras et Laurent Escobar, deux de ses co-fondateurs, exposent les motivations, l'ambition et le fonctionnement de cette nouvelle entreprise, qui entend jouer un rôle clé dans la digitalisation et la transformation de l'immobilier. 

Équipe ADEQUATION

Publié le 06/12/2023

 

Vous venez de créer realdata for real estate : qu’est-ce que c'est ?

logo realdata

Arnaud Anjoras. C’est une place de marché où vont pouvoir se rencontrer des fournisseurs et des utilisateurs de données immobilières. Nous disons « immobilières » pour simplifier, mais le terme doit se comprendre dans toute son étendue et sa profondeur. Les données échangées seront autant d'angles sous lesquels l'immobilier peut être regardé : foncier, urbanisme, fiscalité, juridique, projets, BIM, valeurs, asset, performance énergétique, empreinte carbone, qualité bâtie, usages, property management, smart city, qualité de vie, demande, etc.

Laurent Escobar. Ce très large spectre vaudra pour le logement, l'immobilier d'entreprise et le commerce. Et ces données concernent des acteurs très nombreux, qu'ils en soient propriétaires, producteurs ou utilisateurs : collectivités, aménageurs, promoteurs, bailleurs sociaux, institutionnels, banques et assurances, entreprises, brokers, BTP, énergéticiens, fournisseurs de matériaux, syndics, régies, agences immobilières…

Par rapport à d'autres secteurs de l'économie, la digitalisation des filières urbanisme-construction-immobilier se trouve un peu à l'âge de pierre. Et pourtant, la data est un levier incontournable aujourd’hui pour innover et devenir plus performant. 

Mais il faut aussi regarder au-delà de la filière proprement dite. La plupart des activités économiques sont obligées de s’intéresser à leur immobilier, que l'on pense au retail, au tourisme, aux services publics, etc.

Illustration - les deux
les deux

Arnaud Anjoras, président & Laurent Escobar, directeur général de realdata for resl estate  

De votre part, pourquoi cette implication dans la data ?

AA. C’est une histoire qui remonte à la fondation d’ADEQUATION, puisque nous l’avons précisément créée, en 1992, sur le constat que les promoteurs immobiliers ne disposaient d’aucune donnée suffisamment exhaustive et détaillée pour réaliser leurs études de marché. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis, mais la société est restée fidèle à ce positionnement conjuguant conseil et production de données. C'est l’occasion de rappeler que realdata for real estate est totalement indépendante d’ADEQUATION. Les deux sont détenues par les mêmes associés : Xavier Longin dirigeant ADEQUATION ; Laurent et moi-même étant en mission opérationnelle pour realdata.

Nous avons pris conscience que le moment était venu de considérer la data immobilière, dans la définition large que nous venons de lui donner, comme un marché à part entière. Et c’est justement pour structurer, voire pour faire exister ce marché qui n’est encore que très embryonnaire, que nous créons realdata for real estate.

LE.  Il faut ajouter que, dès 2018, au sein du think tank LIFTI, nous avons été très mobilisés sur l’open data du foncier [ouverture des demandes de valeurs foncières]. L’enjeu était d’arriver à rendre ces données compatibles avec les usages que pouvaient en avoir les acteurs privés dans leurs propres systèmes d’information, et de contribuer ainsi à la diversification de la réutilisation des données ouvertes par le public. Nous avons constitué et animé des groupes de travail et nous avons beaucoup appris, tant sur les aspects techniques que juridiques liés à l’ouverture des données que sur les attentes des utilisateurs de données. Et nous continuons à collaborer avec le LIFTI dans le cadre de comités de projet.

Votre projet est donc de créer les conditions de déploiement de ce marché : quelles sont-elles ?

AA. Une première condition, qui peut sembler triviale mais qui n'est pourtant pas remplie aujourd’hui, est l'existence d'un lieu d’échange. Le fournisseur de données ne sait pas forcément à qui les vendre, au-delà de sa clientèle habituelle, et l’utilisateur ne sait pas où aller les chercher.

La place de marché que nous allons créer répond en premier lieu à cela. Comme on l’a compris, c’est un lieu d’échange entre fournisseurs et utilisateurs de données. Elle comporte une plateforme transactionnelle SaaS [software as a service] et un média en ligne, où seront publiés des cas d’usage, des points de vue d’experts, et des articles rendant compte de résultats d’étude et de recherche interprétant des données.

Il y a par ailleurs des conditions techniques à remplir. Du côté du fournisseur, il faut pouvoir rendre son offre de données propre à la consommation, ce qui renvoie à des référentiels que nous voulons contribuer à faire émerger. Il faut aussi que les jeux de données soient juridiquement compatibles avec les textes en vigueur, notamment le DGA auquel je faisais référence plus haut. Du côté de l’utilisateur, se posent aussi des questions techniques et juridiques, puisqu'il devra verser ses données dans son propre système d’information ou dans ses solutions digitales. La plateforme transactionnelle, en définissant les règles applicables aux produits vendus et aux contrats passés par son intermédiaire, va de facto aider à créer des standards et à structurer le marché.

LE. À quoi s'ajoutent des conditions de transparence et de traçabilité. C'est une exigence à laquelle nous sommes très attachés car elle est fondamentale pour créer la confiance des futurs utilisateurs. Tout jeu de données commercialisé sur la plateforme transactionnelle devra être accompagné de métadonnées indiquant leur source, leur fraîcheur, leur périodicité de mise à jour, etc. 

Toutes les données existantes ne sont donc pas prêtes à commercialiser ?

LE. Non, loin de là. Nous avons déjà identifié plus de 400 potentiels fournisseurs de données, mais seuls une centaine sont de « pure players » équipés pour commercialiser leurs données. Les autres, soit les trois quarts de notre première cible, vendent en fait des solutions digitales dans lesquelles les données qui nous intéressent sont embarquées. C’est très différent. Prenons un exemple : les prestataires qui assurent le suivi de la consommation énergétique des bâtiments collectent des données pour produire des analyses à l’échelle d’un immeuble ou du parc immobilier d'un propriétaire. Ces données pourraient être extraites et réunies – car il existe un certain nombre de prestataires sur ses métiers – pour en faire bénéficier d'autres utilisateurs, avec d'autres finalités. En l’occurrence, les propriétaires bailleurs et les opérateurs immobiliers ont absolument besoin de données fiables pour ré-étalonner les DPE, évaluer l’impact des rénovations, etc. 

AA. C’est un point très important. Non seulement nous comptons ouvrir un maximum de sources de données privées existantes, mais nous voulons aller plus loin, inciter les fournisseurs à développer plus de data pour répondre aux besoins des utilisateurs et à l’intérêt général de la société. Or ce développement de produit a un coût qui n’est pas négligeable. Pour faire cet investissement, les entreprises auront besoin de visibilité quant à leurs débouchés et c’est aussi ce que la place de marché va rendre possible.

Vous avez parlé d’intérêt général…

LE. La data est plus stratégique que jamais pour les filières immobilier/urbanisme/construction, et pour celles qui les côtoient : matériaux, eau, énergie, environnement, mobilité, réseaux et infrastructures, services publics, santé, commerce, tourisme, banque, finance, assurance. Partout les données sont nécessaires pour modéliser les stratégies et les innovations qui vont permettre de passer au « monde d’après ». C’est en cela que l’on peut parler d’intérêt général, car si ces filières sont en pleine transformation, c’est bien pour répondre à des enjeux économiques, environnementaux, sociaux et sociétaux imbriqués. Il s’agit de la réduction de la consommation énergétique de nos bâtiments, la transformation et la rénovation du parc, la régénération de nos villes, la moindre artificialisation de nos sols, la préservation de nos espaces naturels et agricoles, l’aménagement de nos territoires et la décarbonation de notre économie, dans une maitrise des prix et des loyers supportables par les usagers.

Est-ce pour cela que realdata for real estate est une société à mission ?

AA. Absolument. Une société à mission qui s’investit de trois objectifs principaux : fédérer l’écosystème d’acteurs concernés par les données immobilières, faire connaître cette offre dans toute sa diversité, faciliter les relations entre fournisseurs et utilisateurs. Et ce faisant, développer les usages de la donnée, tant dans le secteur privé que le secteur public, et contribuer aux objectifs de convergence numérique. 

LE. Concrètement, cela signifie que nous allons mettre en place un comité de mission indépendant qui sera chargé d’évaluer deux fois par an la manière dont nous remplissons la mission annoncée, et aussi nous soumettre à un audit spécifique annuel. Toutes les parties prenantes concernées seront représentées dans le comité de mission : les fournisseurs de données, les utilisateurs publics et privés, ainsi que les associations professionnelles et les chercheurs.

Quelles relations existent entre ADEQUATION et realdata for real estate ?

LE. ADEQUATION sera un usager comme un autre de la place de marché et poursuivra son propre développement de son côté. Le seul dénominateur commun entre ADEQUATION et realdata for real estate, ce sont leurs actionnaires actuels, les mêmes dans les deux cas. Mais les sociétés sont indépendantes du point de vue capitalistique. Du point de vue managérial aussi, puisque je me consacre aujourd'hui exclusivement à realdata en tant que directeur général, avec Marie-Christine Potau, la directrice opérationnelle que nous avons recrutée.

AA. Pour nous, à titre personnel, la création de realdata for real estate est aussi un projet entrepreneurial. Notre expertise de la data en tant que produit commercial, couplée à notre connaissance des métiers, font de nous de bons candidats, pensons-nous, pour créer cette place de marché des données immobilières. Il y a encore une place à prendre aujourd’hui pour de « petits » entrepreneurs tels que nous. Nous avons souhaité porter le projet nous-mêmes pour conserver une certaine liberté, mais nous devrions ouvrir le capital d’ici la fin 2024.

Quelles sont les prochaines étapes ?

LE. Nous venons de lancer le média en ligne et la communication et nous présenterons la société et ses solutions au SIMI. La plateforme transactionnelle ouvrira en mars 2024. J’en profite pour préciser que le média sera accessible à tous gratuitement. L’accès à la plateforme transactionnelle le sera également pour les utilisateurs qui feront la démarche de s’inscrire. Les fournisseurs de données paieront pour s’y exposer et y promouvoir leurs offres, solutions digitales, API ou fichiers à plat. Et nous offrirons l’abonnement à la plateforme à ceux qui feront le choix de proposer un accès gratuit à leurs données. Nous comptons en référencer une quarantaine d’ici septembre 2024.


© Eric SOUDAN - ANDIA

Réagissez