Data et prévisions de marché : ce qu’on ne peut pas attendre des algorithmes

Arnaud Anjoras

Publié le 12/03/2019

 

On ne compte plus les innovations fondées sur les technologies digitales dans le domaine de l’immobilier, notamment appliquées aux études de marché. La data et les algorithmes sont-ils en train de révolutionner ce métier ? 

ADEQUATION est devenu producteur de données dès les années 1990, en créant les premiers observatoires de ventes de logements neufs. À l’origine de cette aventure, qui allait nous conduire à développer en 2019 la première plateforme d’observation du marché résidentiel neuf en France (promotion immobilière), il y avait un besoin. Les données, denrées de base de nos missions d’études et de conseil, n’existaient tout simplement pas. 

Depuis plus de 25 ans que nous nous frottons aux données et aux calculs prédictifs, nous avons appris deux ou trois choses sur ce qu’est une bonne prévision.

Une bonne prévision est une prévision qui minimise le risque des décisions à prendre, par le promoteur qui s’apprête à mettre sur le marché plusieurs centaines de logements neufs, par la collectivité qui élabore son programme local de l’habitat, par l’établissement public foncier qui planifie ses acquisitions, par l’aménageur qui s’engage sur plusieurs années de développement de projets, etc.

L’abondance des données et la performance des algorithmes nous permettent-elles de faire des prévisions de plus en plus sûres ? Oui et non. 

Oui, en rendant possibles d’innombrables analyses qui ne l’étaient pas il y a seulement quelques années. Non, parce que la rapidité et la sophistication des calculs réalisés par les algorithmes ne sauraient remplacer l’expertise “métier”, autrement dit l’intelligence humaine, dans au moins trois tâches clés. 

1) Travailler à partir de données de très haute qualité

Les ventes au détail de logements neufs totalisent rarement plus de 130 000 unités par an. Éclatées sur de très nombreux micro marchés locaux, elles représentent de petites séries de données qui, pour permettre des prévisions fiables, doivent être scrupuleusement vérifiées : tous les programmes ont-ils été comptabilisés, réalisés conformément au permis de construire ? Les ventes sont-elles réelles, les prix justes ? 

Compter sur la technologie pour transformer des données fausses en prévisions justes, c’est comme croire à la transmutation du plomb en or. Et on imagine mal qui d’autre qu’un expert métier peut diligenter la production de données de qualité, de leur acquisition à leur diffusion.

2) Analyser tous les paramètres en jeu

Les ventes de logements neufs dépendent d’une multitude de facteurs locaux : concurrence, environnement, demande, prix du foncier et bien d’autres. Sans compter que la porosité des marchés interdit de limiter l’analyse au seul logement neuf, mais commande d’intégrer toutes les solutions qui s’offrent aux ménages en quête d’un logement, y compris l’ancien et la location.

Oublier un de ces facteurs peut être lourd de conséquences. Or, si l’appui de l’algorithme est ici précieux pour intégrer les paramètres quantifiables de cette masse complexe de données, seul un expert des marchés est capable de localiser les bonnes informations et d’effectuer la partie qualitative de l’analyse.

3) Sortir de la reproduction du passé

L’algorithme aide l’expert à établir des corrélations et des rapports mathématiques entre des faits de marché réellement observés. Quelque chose comme “Si l’année dernière il s’est vendu ici tant de logements à tel prix moyen, alors cette année il devrait s’en vendre…, etc.”. 

L’ennui, c’est que ce raisonnement a ses limites quand il s’agit d’innover. Si on sait que les temps sont révolus où l’on pouvait vendre le même logement à tout le monde, le recul (c’est-à-dire les données) manque pour pouvoir dire ce qui va marcher et pourquoi.

Parce qu’il raisonne par analogie avec ce qu’il “sait” des marchés d’hier, l’algorithme est mal armé pour prévoir ce qui n’est pas encore arrivé. Là encore, il faut une expertise humaine du marché pour l’appréhender de manière prospective.

La technologie seule n’élimine pas le risque de prévisions erronées. Mal utilisée, elle tend au contraire à l’accroître en entretenant une illusion de fiabilité accrue. Seule une intelligence humaine experte des marchés est capable de pallier les limites inhérentes à l’analyse statistique et mathématique pour approcher la réalité, seule cette intelligence experte est capable de tirer profit des fonctionnalités extraordinaires que nous procurent les nouvelles technologies.


Arnaud Anjoras, président fondateur d’ADEQUATION

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