Le coliving, effet de mode ou segment d’avenir de l’immobilier serviciel ?

Résidences séniors, étudiantes ou d’affaires, et maintenant coliving, l’immobilier serviciel élargit sa part de marché en se diversifiant. Jusqu’où et comment ? La question prend de l’importance au moment où les professionnels de l’immobilier y voient un relais de croissance et où de nouveaux acteurs arrivent en force.

Nicolas Debruyne

Publié le 16/04/2021

 

L’immobilier serviciel désigne les produits immobiliers locatifs auxquels est attachée une offre de services aux usagers. En France, les modèles les plus installés sont les résidences séniors, les résidences étudiantes et les résidences d’affaires, apparues dès les années 1990. Initialement destinés à des clientèles bien spécifiques, ces produits se sont diversifiés en gamme pour élargir leur marché, qui reste toutefois borné par l’âge des cibles.

Une nouvelle génération de concepts se développe rapidement depuis à peine deux ans, sous l’appellation générique de coliving. Encore émergent, le coliving ne répond pas à une définition normative, mais se distingue par la mise à disposition d’espaces partagés (salons, cuisines…) et/ou par une conception facilitant la colocation (avec une salle de bains par chambre par exemple). Le partage peut aussi porter sur des services (salle de sport ou de musique, cinéma, ménage, cours, services internet…).

Un concept polymorphe

De nombreuses start-up se sont positionnées en tant qu’exploitants et parfois opérateurs immobiliers sur le segment du coliving (Colonies, The Babel Community, Coliving Factory…) ; certaines ont levé des fonds auprès de promoteurs (Urban Campus avec Nexity, FlatnYou avec Cogedim), lesquels ont aussi créé leurs propres marques et lancé des projets (Bikube pour Vinci, Koumkwat pour Bouygues).

Le coliving s'adresse à la génération post-étudiante puisque sa clientèle cible est celle des jeunes actifs, de 25 à 35 ans. En dehors de ce cadrage générationnel, les notions de partage et de services sont ouvertes à une grande diversité d’offres, y compris dans la forme urbaine, et ne se limitent pas au neuf. Certains acteurs se spécialisent dans l’adaptation de l’ancien au coliving, notamment par la reconversion de grands logements difficiles à vendre ou à louer de manière classique. La gamme des services proposés est également très extensible pour s’adapter à la clientèle ciblée par l’opérateur.

Dé-standardisation, partage et service, le coliving coche trois cases “tendance” de l’immobilier. Il est donc bien normal qu’il attise les appétits, tout au long de la filière, des investisseurs aux exploitants en passant par les promoteurs.

Quelle part de marché captable sur le marché français ?

Au rythme où vont les choses, il n’est pas trop tôt pour se poser la question des perspectives de marché qui s’ouvrent à ce qui n’est encore aujourd’hui qu’une collection de prototypes. Faut-il, par analogie avec le marché plus mature de la résidence séniors, considérer qu’il existe un seuil de part de marché captable par ces nouveaux produits ? - sachant que ce seuil, estimé à 3 % de la population ciblée sur un territoire donné, sera atteint cette année sur le tiers du marché français mais reste théorique à ce jour, faute de retour d’expériences.

L’enjeu n’est évidemment pas négligeable, car quid de la réversibilité de ces nouveaux produits si l’engouement constaté s’avérait n’être qu’un effet de mode ? Faute de recul suffisant, quels sont les outils d’évaluation possibles ?

ADEQUATION mobilise trois outils complémentaires

Le premier consiste à observer ce qui se passe dans des pays où cette évolution est plus avancée, tels que les États-Unis ou les pays du Nord de l’Europe, en tenant compte des différences culturelles car ce qui marche là-bas ne marchera pas forcément chez nous, ou pas dans les mêmes formes.

Le second outil réside dans l’analyse de données statistiques, même si elles ont leurs faiblesses. Les données publiques, qui ne distinguent déjà pas les différents types de résidences gérées, ne sont pas près d’isoler le segment du coliving. Bien malin, d’ailleurs, le statisticien qui saurait appliquer à ce marché émergent une nomenclature pertinente. Nous disposons toutefois de méthodes, développées sur les marchés plus matures des résidences services, transposables pour partie au coliving.

Compte-tenu des limites évoquées, une troisième approche est essentielle : le partage d’expériences. Nous le préconisons aux acteurs de ce marché qui nous confient des études prospectives. Si le concept est bien en phase avec les attentes sociétales ou les nouveaux modes de vie, il reste indispensable de confronter la réflexion théorique au profil réel des usagers des premières résidences, à leur vécu et à leurs attentes.

Apprendre collectivement des réussites comme des échecs des autres peut sembler contraire au jeu de la concurrence, mais n’est-ce pas, au fond, la manière la plus sûre et la plus rapide de concevoir des produits pérennes et répondant parfaitement aux besoins des usagers ?


© Jared Sluyter - Unsplash

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