Connaître la demande de logement social (1/3) > Disparités territoriales et secteurs peu tendus

L’USH a déjà annoncé le thème du rapport qu’elle publiera fin septembre à l’occasion du Congrès HLM de Bordeaux :  “Mieux connaître la demande pour orienter les politiques publiques”. Mais pourquoi, alors que le dernier rapport annuel de l’ANCOLS pointe 3 500 000 demandes pour  450 000 attributions dans l’année (2019), s’interroger sur une demande de logements sociaux notoirement disproportionnée par rapport à l’offre ?

Tristan Ruiz

Publié le 23/08/2021

 

C’est que, contrairement aux idées reçues, la demande est loin d’être uniforme. Ainsi, la tension sur la demande varie dans un rapport de un à douze environ suivant les territoires ! Dans ce premier article d’une série de trois, intéressons-nous notamment aux secteurs à demande faible.

 

Faible tension de la demande sur 38 % du territoire

Les données cartographiques publiées par l’Observatoire des territoires en donnent un bon aperçu, à travers l’indicateur de tension sur la demande, exprimée par le  ratio “nombre de demandes / nombre d’attributions”.  C’est ce ratio qui est utilisé pour fixer le seuil d’exemption de la loi SRU, selon les termes d’un décret du 27 juin 2019. En dessous de 2, la demande est considérée comme faible. 

Fait peu intuitif, ces données montrent que la tension est faible sur 38 % du territoire, où l’on enregistre moins de deux demandes pour une attribution.

 

Nombre de demandes (en cours) de logements sociaux pour une attribution, 2018 (demandes en cours d'attribution pour une attribution) - Source : Système national d'enregistrement (SNE). 2018
Illustration - nombre de demande de logements sociaux pour une attribution, Observatoire des Territoires
nombre de demande de logements sociaux pour une attribution, Observatoire des Territoires

Sans grande surprise, la fameuse “diagonale du vide” des démographes, allant approximativement de la Meuse aux Landes, est concernée. Mais d’autres territoires le sont aussi, pour d’autres raisons. Voici quelques exemples de territoires densément peuplés ou attractifs où le ratio de tension est de l’ordre de 2.

  • Saint-Étienne Métropole, dont la population a fortement baissé dans les années 1970, possède un parc privé ancien surdimensionné donc très abordable, en concurrence directe avec le logement social.
  • La communauté d’agglomération du Sicoval à 20 minutes de Toulouse dont le ratio s’est approché de 7, a répondu massivement à la demande sociale entre 2014 et 2017.
  • La communauté de communes de Serre-Ponçon, malgré son attractivité touristique, n’est pas particulièrement tendue sur le plan de la demande sociale.

En outre, une tension identique peut cacher une forte disparité de besoins. Prenons l’exemple des agglomérations de Bordeaux et de Bergerac, où l’on recensait en 2018 près de 6 demandes pour une attribution dans les deux cas. Si à Bordeaux la demande est concentrée à plus de 25 % sur les ménages de moins de 30 ans et à plus de 50 % sur les ménages de moins de 40 ans, à Bergerac elle est répartie de manière assez homogène sur toutes les tranches d’âge, avec davantage de séniors. À l’évidence, les logements à construire ne sont pas les mêmes.

Si ces considérations peuvent paraître évidentes, il est pourtant assez rare d’observer une réelle différenciation de l’offre, au-delà de celle consistant à proposer des logements individuels ou des logements collectifs un peu plus spacieux en secteur périurbain. 

 

Un enjeu pour les bailleurs : la pertinence des opérations immobilières sociales en secteur peu tendu

Pourtant, deux  évolutions devraient amener les bailleurs à s’intéresser de près, à court terme, à la diversité de la demande sociale. D’une part, la concentration des organismes, imposée par la loi, est venue élargir leur périmètre d’intervention et souvent diversifier le profil des territoires et des clientèles desservies. D’autre part, le coût croissant du foncier en centre-ville les contraint de plus en plus à étendre leur périmètre d’intervention géographique sur des secteurs périphériques, où la demande s’exprime différemment. 

Ils devraient donc reconsidérer le préjugé assez répandu selon lequel la demande sociale serait quasi universelle et homogène, et se doter d’outils permettant de la qualifier finement à l’échelle locale.

Quelle que soit la tension sur la demande, mais d’autant plus quand elle est faible, il est essentiel de savoir dans quelles proportions il faut loger des séniors ou des étudiants, qui privilégieront une localisation en centre ville plutôt qu’une maison individuelle,  mais avec des besoins un peu différents (accessibilité…,) ou de jeunes ménages avec enfants, pour lesquels la notion d’espace primera. 

En particulier, il est important de garder à l’esprit que “peu tendu” ne rime pas forcément avec rural ou périurbain, lesquels ne riment pas non plus avec besoin de grands logements, ni avec désir absolu de maison individuelle. Où que l’on se trouve, en France, les ménages nombreux sont rares. Et, pour les clientèles en recherche d’espace, des formes intermédiaires entre le collectif et l’individuel, sans jardin, mais avec des espaces extérieurs généreux, peuvent être attractives, et moins coûteuses en foncier.  

Certes, tout ce qui peut améliorer la réponse à la demande des locataires est partout bienvenu. Mais c’est paradoxalement encore plus important dans les secteurs où la demande est faible et où des produits alternatifs peuvent concurrencer l’offre sociale et accélérer son obsolescence.

 

1Subtilité statistique : le décret se base sur une moyenne arithmétique des ratios de tension sur la demande des 3 dernières années, hors mutations, là où l’Observatoire des territoires se base sur la seule année 2018, mutations incluses. Les constats sont néanmoins très proches, la tension sur la demande évoluant peu d’une année à l’autre, surtout sur les territoires où elle est faible.


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Mariauxven, 09/17/2021 - 09:56

Bonjour. Intéressant. On voit mal les codes couleur de la carte. exemple Lyon et la métrople, siège d'Adéquation est-il trop abondant en logements sociaux ou pas ? et selon la localisation est-ouest de Lyon ?
cordialement
Hervé Mariaux

Tristan Ruizven, 09/24/2021 - 15:09

Bonjour Hervé, Merci de votre lecture attentive de l’article ! Vous pouvez retrouver les éléments pour répondre à vos questions sur le site de l’observatoire des territoires ici : www.observatoire-des-territoires.gouv.fr .  L’information n’est disponible qu’à l’échelon EPCI, mais cela vous donne déjà un ordre d’idée. Au sein même de la métropole de lyon, entre communes, il existe effectivement des variations non négligeables et intéressantes à analyser. Bonne visualisation, Tristan

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