L’immobilier a beau fonctionner sur le temps long, certaines préoccupations changent vite : alors que l’on craignait il y a seulement 2 ou 3 ans une pénurie brutale de logements neufs, c’est désormais l’inverse qui préoccupe les opérateurs, avec cette question qui est sur toutes les lèvres : Vais-je parvenir à réussir le lancement commercial de mon opération ? Cependant, si la priorité de l’opérateur immobilier est de commercialiser son opération, l’aménageur et le territoire concerné doivent aussi penser une programmation équilibrée à l’échelle du quartier ou de la ville.
Voici donc, très brièvement exposées, deux approches de la programmation, à l’initiative de l’aménageur, de nature à concilier ces deux préoccupations.
Plus de montages dissociants et autres modèles d’accession hybride
Jusqu’à la fin des années 2010, près de 70 % de la programmation résidentielle des opérations d’aménagement était composée de logements familiaux en accession, complétés de logements familiaux locatifs sociaux et marginalement d’habitat spécifique.
La crise actuelle invite à « remplacer » simplement les volumes perdus en accession par du locatif institutionnel (libre, intermédiaire ou social) ou du locatif géré (résidences étudiantes et séniors). Sans nier l’intérêt de ces produits, les ménages français expriment-ils moins de désir de propriété qu’il y a 3 ou 4 ans ? Nous aurions tort de croire que la baisse des demandes de crédit bancaire (- 60% entre mi 2022 et mi 2023 selon ARKEA) est uniquement imputable à une baisse de la demande de logement en accession à la propriété ; beaucoup de ménages français ont tout simplement mis en stand-by leur projet immobilier, se sachant non solvables.
Dans un tel contexte, les aménageurs ont leur rôle à jouer, pour tester des propositions de mode d’accession alternatifs, au-delà du seul bail réel solidaire : accession progressive à la propriété, co-investissement, locations avec option d’achat, emphytéose… les montages et offres se multiplient, tous ne présentent pas les mêmes intérêts pour les ménages, mais l’éventail des possibles s’élargit. Il nous semble souhaitable d’en partager plus largement la connaissance, auprès des opérateurs immobiliers, mais aussi des aménageurs et des territoires. Le BRS a mis plusieurs années à être correctement identifié par ces derniers, n’aurait-on pas intérêt à accélérer une connaissance « élargie » d’autres montages d’accession hybride ou progressive à la propriété, potentiellement contributifs à la sortie de crise ?
Plus de place pour des modes de commercialisation participatifs
Nous le savons, le fameux seuil des 50% de pré-commercialisation des logements est de plus en plus compliqué à atteindre, ce qui compromet le financement des opérations. Des commercialisations plus participatives peuvent être utiles, tant pour optimiser l’équilibre économique des opérations que pour sécuriser la sortie commerciale. À cet égard, la multiplication de projets en habitat participatif, dans des montages très divers, est encourageante. Certains aménageurs, comme la SPL des Deux-Rives à Strasbourg, l’expérimentent à grande échelle, certes sur un territoire où ce type d’initiative est déjà ancré ; mais d’autres, tel l’EPA Saclay, y réfléchissent aussi.
Il ne s’agit pas de prétendre faire de l’auto-promotion partout, mais de considérer que le champ des possible en la matière recèle surement des potentiels inexploités. Or il apparait que l’aménageur est un bon interlocuteur pour accompagner un collectif d’habitants souhaitant s’inscrire dans cette dynamique (pas seul, bien sûr). Par sa temporalité d’action d’une part, plus flexible que celle d’un opérateur immobilier, mais aussi grâce à la diversité des opportunités (localisation, formes urbaines…) qu’un aménageur peut proposer à l’échelle d’un territoire.
Ces deux approches ne sont évidemment pas les seules à considérer, elle s’inscrivent dans un panel de solutions de programmation et de commercialisation qui permettent de faire face à la crise, tout en réfléchissant aussi au temps long… le rôle des aménageurs en somme. Et ce même si, à très court terme (2024), l’acquisition de blocs locatifs par les bailleurs et investisseurs institutionnels restera très probablement le premier soutien à l’activité des opérateurs.
© liz-sanchez-vegas-unsplash
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