+ 200 communes en A ou B1 : bonne nouvelle pour la promotion immobilière ?

Plus de 200 communes rejoignent un classement en "zones tendues" et leurs quelque 4,5 millions d'habitants vont ainsi bénéficier des aides associées aux zones A et B1. C'est une opportunité, même modeste, pour la promotion immobilière, mais c'est surtout le signe d'une aggravation des tensions, qui appelle à un sursaut d'innovation de la part de l'ensemble de la filière.

Simon Chapuy

Publié le 06/12/2023

 

Petit rappel : créé en 2003 dans le cadre du dispositif Robien pour caractériser la tension du marché du logement, le zonage A/B/C classe les communes en cinq zones : A et A bis (marchés tendus), B1 et B2 (marchés moyennement tendus) et C (marchés détendus). La tension exprime un déséquilibre entre l’offre et la demande de logements et le classement détermine l'éligibilité des communes à des aides au logement censées y remédier (zones A, Abis et B1).

Un décret publié au mois d’octobre 2023 est venu modifier le classement de 209 communes[1]

  • 154 précédemment classées en B2 ou C intègrent une zone plus tendue (B1 ou A) ;
  • 55 communes précédemment classées en B1 évoluent en A. 

Pour ces communes, où vivent 4,5 millions d'habitants, le classement en B1 ou en A induit plusieurs avantages significatifs, tels l’éligibilité au logement locatif intermédiaire, l’éligibilité et de meilleures conditions du Prêt à Taux Zéro PTZ, un rehaussement des plafonds de ressource et de prix de vente pour l'accession sociale (BRS, TVA 5,5%, PSLA). 

Des marchés très dispersés

Ensemble, ces 209 communes représentent environ 14 % du marché actuel de la promotion immobilière. 

Anciennes B2 ou C : des marchés très étroits mais dynamiques 

Les 154 communes anciennement B2 ou C passant en B1 ou A ont représenté 5 450 ventes au détail en 2022 (6 % du marché français). Elles résisteront plutôt bien en 2023, probablement autour de 5 000 ventes (soit 8 % du marché, en progression de plus de 2 points). 

  • En moyenne, 37 % des ventes ont été réalisées auprès d’investisseurs (même si ces derniers ne pouvaient pas défiscaliser via Pinel), cette part étant stable sur les 2 années. Certaines communes telles que Arras, Besançon, Béziers, Brest, Dax ou encore Le Mans ont suscité une appétence et affiché des parts à plus de 50 %. 

  • Le prix moyen dans le neuf  stationnement inclus est passé de 4 200 €/m² en 2022, à 4 670 €/m² en 2023 (+ 11 %, sur les trois premiers trimestres). On trouve 32 communes au sein desquelles le prix du neuf est supérieur à 5 000 €/m² en 2023 (910 ventes).

Anciennes B1 : des marchés plus volumineux mais aux prix prohibitifs

Les 55 communes déjà situées en zone tendue B1 qui passent aujourd’hui en A ont représenté 6 860 ventes au détail en 2022 (7,5 % du marché français). Mais les volume de réservations chutent de 42 % (-35 % au niveau national), avec un atterrissage prévisionnel autour de 4 000 ventes en 2023. 

  • Au sein de ces communes éligibles au dispositif Pinel, la part des ventes réalisées auprès d’investisseurs particuliers est passée de 45 % en 2022, à 36 % en 2023. Une baisse de près de 10 points, supérieure à la tendance nationale. On peut ainsi supposer qu’en l’absence de dispositif de défiscalisation à partir de 2025, leur part devrait se maintenir sur ce point bas autour de 35 % environ. 

  • Le prix moyen dans le neuf  stationnement inclus est passé de 5 350 €/m² en 2022, à 5 730 €/m² en 2023 (+7 %, sur les trois premiers trimestres), expliquant en partie la baisse du volume de ventes, le niveau d’offre commerciale disponible étant par ailleurs resté stable. 

Des contextes extrêmement variés

Le décret qualifie ces 209 communes territoires « confrontés depuis plusieurs années à un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, ainsi qu’à une augmentation rapide des prix immobiliers et des loyers. Des communes pour certaines confrontées à un besoin accru de logements abordables de longue durée, en particulier pour les travailleurs et les saisonniers ».

Parmi les communes rejoignant la zone A, on trouve fatalement des communes « tendues » donc chères.

  • Des métropoles du top 10 telles Bordeaux, Toulouse ou Strasbourg, plusieurs communes du Franco-Genevois, des agglomérations de taille moyenne, telles La Rochelle et Annecy. 
  • Des territoires touristiques (mer, montagne, thermes) : Deauville, La Rochelle, Le Grau-du-Roi, Arcachon, Calvi, Les Deux-Alpes, Le Grand-Bornand, Aix-les-Bains, Évian-les-Bains
  • Notons aussi 8 villes situées dans les départements et régions d'outre-mer. 

En B1 arrivent de nombreuses villes moyennes, aux profils variés. 

  • Celles au marché immobilier plutôt porteur, dont l'ancien zonage était une anomalie, aujourd’hui rectifiée : Arras, Besançon, Bourg en Bresse Brest, Dunkerque (gigafactory), Lorient, Quimper, Valence, Vannes. De nouveaux marchés de report : Cholet, voire Colmar.
  • D’autres moins dynamiques, avec une demande en logements neufs plus modérée : Berk, Béziers (qui avait été reclassée en zone C), Gap, Troyes, Dax (effet « thermes »), Rochefort (profitant d’un report de la Rochelle)
  • Ou encore des villes touristiques du littoral méditerranéen ou atlantique (la façade Atlantique est surreprésentée, avec de nombreuses communes proches du bassin d’Arcachon ou de Biarritz), des villes de montagne. 

 

Un nécessaire effort d'innovation 

À court terme, dans 154 nouvelles communes classées B1 ou A, les promoteurs pourront donc dédier une partie de leurs programmes à des ventes en bloc de LLI, sécurisant ainsi la sortie de leurs opérations. Par ailleurs, l'éligibilité au PTZ va contribuer à améliorer la solvabilité des ménages candidats à l'accession, même s'il faut se garder de trop d'optimisme eu égard au niveau des prix. Un accès plus facile à l'accession sociale et au BRS, sans générer d'énorme volumes, devrait également accroître la profondeur du marché.

Mais cette révision est d'abord révélatrice d'une aggravation de la tension des marchés, pour des raisons très diverses, qui doit pousser les acteurs de l'immobilier comme les territoires à accélérer leurs efforts d'innovation pour produire du logement autrement. Il s'agit de diversifier l'offre locative (sociale, intermédiaire, libre) mais aussi d'ouvrir l'éventail des modalités d'accès à la propriété (BRS, PSLA et l'ensemble des offres émergentes d'accession hybride développées par la prop tech). 


[1] Notons qu’une nouvelle extension est dans les tuyaux…

© Cottonbro studio - Pexels

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