Marketing immobilier : le prospect, nerf de la guerre

Nicolas Elie a forgé son expertise commerciale chez plusieurs grands promoteurs avant de créer une offre originale de services aux vendeurs immobiliers : OLEAN Group. Il est donc particulièrement bien placé pour analyser la chute actuelle des ventes sous l'angle de la commercialisation. Et s'il fallait décidément s'y prendre autrement pour vendre des logements ?

Équipe ADEQUATION

Publié le 31/10/2023

 

OLEAN Group s'adresse aux promoteurs et aux vendeurs immobiliers – conseils en gestion de patrimoine, mandataires, agents immobiliers, indépendants ou en réseau. Il leur propose des solutions logicielles, de la formation et des outils de communication en marque blanche.   

Comment analysez-vous l'état du marché aujourd'hui ?

NICOLAS ELIE 2

Nicolas Elie. Le ralentissement des ventes auquel nous assistons peut se lire comme une raréfaction des prospects. Il y a encore un an, le prospect devenait lead en s'informant sur un programme immobilier puis le vendeur faisait son travail. Aujourd'hui, la première chose que fait un candidat à l'acquisition, c'est d'aller voir sa banque pour savoir à quel prix il pourra acheter. Dans ces conditions, tant la force de vente des promoteurs que les vendeurs immobiliers ont beaucoup de mal à le capter.

Les méthodes de commercialisation sont-elles en cause ?

Oui dans la mesure où, avant de vendre, il faut capter l'intérêt du prospect. Or cette étape clé n'est pas toujours maîtrisée. Il y a deux grands modes de captation : par le produit ou par le besoin. La captation par le produit est la méthode du promoteur immobilier qui pousse son offre ; c'est aussi celle des plateformes telles que SeLoger ou LogicImmo. Elle va passer par une brochure à télécharger. Cette captation se passe à 97 % sur Internet et on ne sait à peu près rien des besoins des visiteurs, que j'appelle pour cette raison des visiteurs fantômes. L'autre méthode est la captation par le besoin : c'est celle des vendeurs immobiliers indépendants, notamment les conseils en gestion de patrimoine. Ils vont vous dire "Vous voulez payer moins d'impôts, vous voulez un complément de revenu à la retraite, vous voulez un dernier étage terrasse, venez me voir". L'idéal est de pratiquer les deux méthodes conjointement mais cela ne se passe généralement pas comme cela. Le promoteur ne se donne pas les moyens de traiter le besoin du visiteur de son site. Et le vendeur indépendant n'a pas la technologie qui lui permettrait de suivre les stocks de produits disponibles sur le marché. Nos solutions visent à corriger ce clivage.

La commercialisation des logements neufs est-elle fondamentalement différente selon la clientèle, investisseurs ou propriétaires occupants ?

Non. Il faut juste utiliser des outils métier adaptés aux attentes de chaque cible. Par exemple, un acheteur de résidence principale va demander des travaux modificatifs acquéreur, TMA dans le jargon. Nous avons développé un outil très simple qui permet au vendeur comme au client de modifier son plan. Un client en investissement immobilier, ce qui l'intéresse, c'est son économie d'impôt. Pour cela, nous fournissons un simulateur. Et certains outils intéressent les deux cibles, notamment quand la vente se fait en VEFA et que le premier réflexe du prospect est d'aller voir le site sur Google Maps, souvent avant démolition. Autant dire que cela ne le fait pas rêver ! Nous avons donc développé un outil de géo-décision [qualification de l'emplacement] à partir de 104 thématiques et sous-thématiques définissant la vie de quartier d'une opération immobilière. Tous ces outils permettent au prospect de se projeter dans un projet d'avenir qui répond à ses besoins.

Et entre le neuf et l'ancien ?

Demandez aux promoteurs ce que sont devenus leurs prospects : ils ont acheté dans l'ancien ! Un client va s'orienter vers le neuf ou vers l'ancien en fonction de ce que le vendeur est capable de lui vendre. C'est vrai pour une résidence principale comme pour un investissement locatif, que l'on peut défiscaliser dans l'ancien comme dans le neuf. C'est à tort que les vendeurs considèrent que ce sont deux marchés donc deux métiers différents, et c'est pour cela que nous aidons en particulier les vendeurs indépendants à vendre aussi du neuf, ce qu'ils peuvent apprendre très vite.

Les vendeurs immobiliers polyvalents sont donc plus efficaces ?

Assurément, et pour une raison assez simple : la captation, encore une fois, se fait à 97 % dans le digital. Or plus vous avez d'offres sur un site Internet, plus vous avez de visites. C'est Google qui a imposé cela. Donc un vendeur qui a 10 mandats de commercialisation dans l'ancien va avoir du mal à faire connaître son offre. Si ma technologie peut lui apporter en plus 30 000 logements neufs à vendre, il va devenir beaucoup plus efficace en termes de captation de prospects, c'est mathématique.

Que faut-il entendre par "digitalisation" de la commercialisation ?

C'est une architecture qui permet 1) de capter le client, 2) de lui présenter des produits au moyen de sites vitrines et enfin 3) de le convaincre en utilisant les outils experts dont nous parlions à l'instant.  C'est tout cela à la fois, mais ça ne suffit pas ! En complément des services digitaux et des logiciels, OLEAN Group possède une école de vente et une agence de communication spécialisée dans les parcours d’achat immobilier. Il s’agit là d’un modèle synergique vertueux qui a pour objectif de garantir la vente.

En commençant par la captation, donc…

Ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'aujourd'hui aucun prospect ne veut rencontrer un vendeur tant que sa maturité d'achat n'est pas déjà très avancée. S'il se contente de télécharger une brochure, il va souvent fournir un faux numéro de téléphone : à ce stade, il ne veut pas forcément le vendeur qui va avec. Voilà pourquoi les services et technologies liées au parcours d'achat du client que nous apportons sont conçues pour lui apporter un très haut niveau d'information tout en l'amenant à exprimer son besoin. C'est comme cela que nos outils qualifient les prospects et obtiennent des informations fiables à leur sujet. Concrètement, plutôt que d'envoyer un mail avec une plaquette en pièce jointe, nous avons inventé la proposition commerciale interactive : c'est un véritable site Internet avec une palette d'outils de présentation ou de simulation, sur lequel le client va rester en moyenne 15 minutes au lieu des 30 secondes passées à consulter une présentation classique. Or plus le client reste sur le site du vendeur plus ce dernier a de chances d'aboutir à une vente.

Une bonne stratégie digitale élève donc le niveau  de captation des prospects…

Oui, de manière significative. Et elle permet au vendeur d'être commercialement indépendant, ce qui est absolument nécessaire, pour ne pas dire vital. Je vous donne un exemple. Un vendeur immobilier achète des leads [contacts] à une société X. Celle-ci fait faillite. Du jour au lendemain, le vendeur perd entièrement son outil de travail. C'est malheureusement un cas que nous rencontrons encore fréquemment aujourd’hui. Le vendeur doit donc, grâce à la force du digital, construire sa notoriété, obtenir des prospects, et convaincre ses clients d’acheter !

L'un de vos outils est alimenté par les données ADEQUATION sur les marchés immobiliers neufs : quel rôle jouent-elles ?

On entend partout que l'immobilier est trop cher et que les prix vont baisser ! Mais dans le neuf, c’est quasiment impossible, les prix sont la résultante d’un budget d’opération avec des coûts travaux qui ne cessent de monter en flèche… Il faut donc exprimer la tension du marché et prouver que le produit proposé est parfaitement positionné, pour lever par anticipation l’objection du prix. C'est ce que permettent ces données, c’est un véritable atout commercial.

La digitalisation peut-elle aller jusqu'à des ventes 100 % en ligne ?

Nous avons posé encore très récemment la question à plusieurs centaines de clients : souhaitaient-ils acheter un appartement seuls, sans vendeur ? La réponse est négative à plus de 90 %. C'est même l’inverse puisque les clients reprochent aux promoteurs leur faible accompagnement ! L'avenir digital n'est absolument pas à rechercher dans le e-commerce – il est d'ailleurs déjà techniquement possible, ce qui prouve son inutilité – mais dans la prédictivité. Autrement dit la compréhension du parcours d'achat du client en amont de la vente.

La crise actuelle est-elle l'occasion pour les promoteurs de faire évoluer leurs méthodes de vente au détail ?

La baisse des ventes de neuf à investisseurs, traditionnellement plutôt déléguées à des indépendants, fait mécaniquement remonter la part des ventes effectuées en interne chez les promoteurs. Il ne fait plus de doute aujourd'hui que les deux canaux de vente doivent co-exister. Les promoteurs qui ont externalisé toutes leurs ventes le regrettent amèrement aujourd'hui. Ceux qui ont une force de vente intégrée et une communication de marque s'en sortent mieux, mais cela ne suffit pas. Ce qui va vraiment faire la différence, ce n'est pas la marque, ce n'est pas forcément le produit, c'est la manière de traiter le prospect. La principale source de captation des promoteurs, ce sont les portails immobiliers. Or leur niveau de délivrance des prospects s'est effondré de plus de 50 %, c'est colossal. On est sorti du mass market et du temps où les promoteurs avaient beaucoup plus de prospects que de biens à vendre. C'est vraiment le moment d'aller chercher de bonnes techniques.

Pensez-vous que les investissements des particuliers dans l'immobilier sont appelés à évoluer dans les années à venir, vers la pierre papier par exemple ?

C'est une évolution dont on parle, mais je ne veux pas y voir un remplacement. Le cœur de métier des promoteurs reste de proposer des biens immobiliers à des particuliers. Peut-être avons-nous trop cédé à la facilité de vendre de la résidence principale classique et du Pinel. Aujourd'hui, nous avons besoin d'aller chercher des produits soit moins chers, soit fiscalement avantageux. Un recentrage assez fort s'opère sur le statut de loueur meublé non professionnel, ou encore sur la résidence gérée, particulièrement étudiante, avec des prix d'appel à 80 000 € qui correspondent à une cible relativement large. Mais ces produits restent marginaux sur le marché, il n'y en aura pas pour tout le monde et ils ne vont pas se substituer au Pinel.


Propos recueillis par Jeanne Bazard et Olivier Conus.

© pexels-firaaz-hisyari

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