Le Pinel breton ou quand les acteurs locaux s’entendent pour sécuriser la production de logements de leur territoire

Alors que le Pinel breton voit son échéance arriver,  la DREAL Bretagne appelle à prolonger sa durée. Retour sur la genèse et les premiers effets d'un dispositif d'investissement expérimental.

Denis Tudoux

Publié le 13/10/2021

 

Dans un rapport d’étape présenté fin août, la DREAL Bretagne appelait à poursuivre le dispositif expérimental du Pinel breton au-delà de son échéance (prévue aujourd’hui pour fin 2021). Et dans un communiqué de fin septembre, le Premier Ministre Jean Castex donnait des assurances au Président de l’Assemblée Nationale, Richard Ferrand, sur la poursuite du dispositif.

Avant que la phase d’évaluation ne débute (publication du rapport prévue pour début 2022), revenons quelques instants sur la genèse et les premiers effets de ce dispositif.

Le Pinel breton : pourquoi, qui, où et comment ?

La fin du Pinel dans les zones B2, effective depuis fin mars 2019, a fait craindre un arrêt brutal de la production de logements neufs sur bon nombre de territoires de la région Bretagne, notamment dans les villes moyennes (Saint-Brieuc, Lorient, Quimper, Vannes…) et sur la métropole de Brest.

Tous les promoteurs le savent : les ventes à investisseurs sont primordiales pour atteindre rapidement le taux de pré-commercialisation, sésame indispensable pour débloquer les fonds auprès des financeurs et enclencher la mise en chantier des opérations : sur cette période de pré-commercialisation, deux tiers des ventes sont généralement réalisés auprès d’investisseurs, les accédants se positionnant davantage une fois l’opération en chantier. Aussi, sans le Pinel, moins de ventes à investisseurs et donc des commercialisations plus lentes et moins sécurisées.

C’est grâce au travail des acteurs locaux du territoire (élus, techniciens, opérateurs, fédérations professionnelles…), en particulier du Club Décentralisation et Habitat Bretagne(1), qu’a pu être mis en place ce dispositif expérimental à l’échelle de la Région Bretagne dès le printemps 2020 (soit juste avant le début du 1er confinement). Par la loi de finances 2020 qui a autorisé la modification de certains paramètres du dispositif Pinel « national », des zones "caractérisées par une tension élevée du marché locatif et des besoins en logements intermédiaires importants" ont été définies localement et ont pu bénéficier de l’avantage fiscal (alors que cette décision relève habituellement des ministres du Budget et du Logement). Ces zones concernent des communes entières (25 communes) ou certains quartiers (IRIS au sens de l’INSEE), voire des secteurs à une échelle encore plus fine (carreaux de 200 mètres sur 200 mètres au sens de l’INSEE).

Illustration - Zone expérimentale Pinel en Bretagne
Zone expérimentale Pinel en Bretagne

Autre particularité du dispositif : la modulation des plafonds de loyers et de ressources du locataire pour chaque commune ou partie de commune.

Rappelons enfin que, comme le nombre de bénéficiaires potentiels de la défiscalisation ne devait pas augmenter, un jeu de vases communicants s’est mis en place, grâce à la culture de coopération en matière d’habitat propre à la Bretagne. Ainsi, des communes B1, situées sur Rennes Métropole, ont renoncé à l’éligibilité au Pinel sur tout ou partie de leur périmètre pour en faire bénéficier d’autres en zone B2 et C.

Un dispositif qui a largement permis de maintenir la production de logements neufs sur les territoires, tous segments confondus

A mi-parcours de l’expérience, quel bilan peut-on tirer du Pinel breton ? A partir des données localisées de commercialisation du neuf, issues de la Plateforme Promotion France d’ADEQUATION, on relève les tendances suivantes :

  •  Un net ralentissement des mises en vente dès 2018, et surtout en 2019, sur les principaux marchés B2 (suite à l’extinction du dispositif Pinel), avec pour conséquence une baisse importante des ventes, à investisseurs bien sûr, mais aussi à occupants. Notons le cas exceptionnel de Vannes en 2018 qui a connu un pic d’activité notable (accélération des lancements et des commercialisations de projets calibrés pour optimiser les ventes avant l’extinction du dispositif).

Un retour à des volumes d’activité proches de ceux des années précédentes, dès la mise en place du dispositif au printemps 2020, malgré, rappelons-le, le début de la crise sanitaire. Des opérateurs qui réalimentent les marchés (hausse des mises en vente) et des ventes réactives à ces nouveaux lancements d’opérations, notamment auprès d’une clientèle d’investisseurs : 55 à 60% sur Brest, 45 à 50% sur Lorient et 35 à 40% sur Vannes (marché plus atypique compte-tenu des valorisations plus élevées et de la présence d’une clientèle de résidents secondaires).

 

En effet, dans la stratégie de développement des opérateurs privés (promoteurs), ces agglomérations ont constitué de véritables relais de croissance face à des métropoles en forte pénurie de foncier immédiatement urbanisable (Rennes et Nantes en premier lieu). La production de logements neufs en VEFA, qui risquait de se reconcentrer en grande partie à l’est de la région (Rennes et Saint-Malo/Dinard) à partir de 2019, s’est en partie rééquilibrée à l’ouest.

Par ailleurs, le Pinel breton a permis le retour des investisseurs sur des territoires en zone C comme Vitré ou Cancale, contribuant ainsi à amorcer certains projets urbains stratégiques.

Enfin, on connaît le lien entre promotion immobilière et production de logements locatifs sociaux via les ventes en bloc. Et l’effet incitatif auprès des bailleurs privés, de l’arrivée de logements locatifs privés neufs, sur la rénovation du parc ancien obsolète, n’est plus à démontrer.

En résumé, la démarche a véritablement transformé un dispositif fiscal national en « dispositif local d’aménagement du territoire », comme l’a d’ailleurs souligné le président du Club Décentralisation et Habitat Bretagne, Mickaël Chevalier.

Quel avenir ?

Le dispositif a démontré son efficacité sur toute la chaîne de production de logements, mais aussi la capacité des acteurs locaux à proposer à l’Etat des solutions concrètes ancrées dans la réalité des territoires : il s’inscrit en cela dans l’esprit du projet de loi 3DS, en discussion à l’Assemblée Nationale.

Pour autant, sera-t-il prorogé jusqu’à fin 2024 et ses modalités calquées sur celles du Pinel « national » (taux bonifié pour les opérations plus vertueuses sur le plan de la performance énergétique et environnementale) voire celles du futur « Super Pinel » (en introduisant la notion de qualité d’usage) ?

Verdict à l’issue de la remise officielle du rapport d’évaluation aux instances nationales pour le début de l’année 2022.


(1) Association loi 1901 créée le 23 novembre 2009 qui regroupe les collectivités locales bretonnes compétentes en matière d’habitat (en 2020 la région, 2 départements et 15 intercommunalités) les bailleurs sociaux via leur association régionale (ARO HLM) et la CDC.

© Guillaume Issaly - Unsplash

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