Plaine Commune a une tradition d'encadrement des prix de vente du neuf. Pourquoi et comment avez-vous fait évoluer le dispositif ?
Adrien Delacroix. La carte des prix sur notre territoire est une annexe de la Convention qualité construction neuve[1], dont la première version date de 2006. À son arrivée, Mathieu Hanotin [président de Plaine Commune depuis 2020] m’a confié la tâche d’organiser sa révision et la nouvelle convention est entrée en vigueur en avril 2023.
Le premier enjeu de cette révision était de rehausser nos exigences en matière de qualité des logements et du bâti notamment parce que certains éléments commençaient à dater et avaient été en partie rattrapés par la réglementation.
Pour cela nous avons créé, en partenariat avec l’organisme certificateur Cerqual, une certification locale qui s’appuie sur le référentiel NF Habitat auquel viennent s’ajouter les exigences spécifiques du territoire.
Nous avons logiquement mis à jour la carte des prix sur le territoire pour les faire correspondre à ces nouvelles attentes, et tenir compte de l’inflation. Ils sont maintenant alignés sur les prix du marché de la revente, pour des biens qui sont un peu comparables, et non plus inférieurs comme auparavant. Ces prix seront régulièrement actualisés (par avenant) afin de tenir compte de l’évolution de la conjoncture immobilière et des coûts de construction.
N'est-il pas un peu paradoxal d'encadrer les prix par ceux du marché ?
Je parle bien du marché de la revente. En outre, sans cette carte des prix, certains programmes pourraient les dépasser largement dès lors qu’il se trouve des clients pour acheter. Si vous laissez faire le marché, l’offre de logements familiaux tend à disparaître au profit du meublé touristique qui se vend plus cher et crée des valeurs hors marché. Ce n'est pas la logique que nous voulons voir à l’œuvre sur le territoire.
Ces règles ont-elles été bien acceptées par les opérateurs immobiliers ?
Globalement elles ne sont pas mal perçues puisque nous avons préparé cette convention avec des maîtres d’ouvrage – promoteurs et bailleurs – en tenant compte de l’équilibre économique des opérations.
Comment contrôlez-vous l'application de cette carte des prix ?
Dans les opérations d’aménagement [Plaine Commune pilote l’ensemble des opérations concédées], la convention s’impose à travers le dossier de consultation. Comme ces opérations représentent plus de la moitié des logements produits à l’échelle du territoire, et même près de 80 % si l’on enlève certains secteurs comme Saint-Denis, la convention a de fait un effet important sur le marché.
Dans le diffus, elle constitue une base de discussion entre les maires et les promoteurs. Le respect des prix, et de la convention en général, va un peu de soi, même si nous avons moins de pouvoir de contrainte. Les promoteurs ont bien compris qu'ils avaient intérêt à jouer le jeu car ils ne peuvent pas à la fois s’émanciper de la règle à un endroit et participer aux projets urbains publics dans un autre.
Ce dispositif est-il aussi une manière d’encadrer les prix du foncier ?
Oui dans la mesure où notre carte des prix est aussi un signal adressé au propriétaire foncier qui doit comprendre qu’il ne pourra pas vendre son terrain au-delà d’un certain prix puisque l’équation du promoteur ne tiendrait pas. À ce jour, c’est un peu le seul outil que nous avons pour réguler les prix du foncier. Nous serions ravis de pouvoir aller plus loin et un certain nombre d'acteurs du secteur de la construction et de l'immobilier commencent aussi à demander l'encadrement des prix du foncier. Dans un registre parallèle, en ce qui nous concerne, nous trouverions normal de disposer d’une fiscalité qui permette à la collectivité de récupérer une partie de la valeur foncière puisque ce sont aussi ses propres investissements qui ont contribué à la créer.
Les règles de prix sont-elles appliquées par l’ensemble des communes ?
La révision de la convention a été adoptée à l'unanimité des maires, après un travail de près d'une année avec les maître d'ouvrage et les collectivités concernées. Dans le diffus, les approches peuvent être légèrement différentes selon les villes, mais globalement le niveau d'exigence est le même. Il y a moins de questionnements aujourd'hui parce que les prix sont alignés sur ceux du marché de la revente. Auparavant, ils étaient nettement en-dessous, ce qui avait entre autres l’effet pervers de générer des plus-values importantes et rapides à la première revente. La collectivité soutenait ainsi la constitution du patrimoine privé des ménages, plus exactement celui du premier acquéreur, qui captait donc seul tout l’effort de production de logement abordable.
Avez-vous évalué l'impact de votre politique sur les prix ?
Ce qui est sûr c'est que le territoire de Plaine Commune y compris dans sa partie la plus tendue, c'est-à-dire à Saint-Ouen, Saint-Denis et Aubervilliers, où l’on a pourtant beaucoup produit de logements ces dernières années, nous avons des prix nettement en dessous de ceux de la première couronne parisienne, surtout si l’on met Saint-Ouen de côté. Après, c'est compliqué d’isoler l’effet de l’encadrement des prix et d’ailleurs il faut le regarder comme l’un des éléments d’une politique globale du logement sur le territoire.
C’est-à-dire ?
Nos communes ont fréquemment plus, voire bien plus, de 50 % de logements sociaux donc ce n’est pas là-dessus que doivent porter nos efforts. En revanche, nous n'avons que 20 % environ de propriétaires occupants, ce qui est peu, et c’est là que la question des prix est déterminante : il faut empêcher qu’ils n’évincent les ménages locaux dont les ressources sont insuffisantes, et que les logements du parc privé soient transformés en meublés touristiques. C’est aussi pour cela que nous avons demandé dès 2020 à entrer dans le dispositif d’encadrement des loyers. Forcément, cela a un impact sur les rendements locatifs, mais cela a surtout pour effet d’éviter l'emballement et la spéculation. Et enfin, nous avons mis en place une politique de soutien au bail réel solidaire qui est à ma connaissance la plus ambitieuse à l’échelle nationale.
Quelle est la politique de Plaine Commune sur ce sujet du BRS ?
Pour avoir des prix durablement compatibles avec les ressources des ménages de la classe moyenne ou modeste, notre PLH dédie 20 % de la production de logements à l'accession sociale à la propriété, et ce très majoritairement en bail réel solidaire. Le BRS permet à des familles d'accéder à la propriété avec un encadrement des prix qui est légal, et il fait sortir les logements des logiques de spéculation. Soutenir le BRS, c’est donc permettre au territoire de se constituer un stock de logements accessibles pendant des décennies. Et qui pourra aussi peut-être faire évoluer les prix de référence du marché.
[1] https://plainecommune.fr/services/habitat-et-logement/qualite-des-constructions-neuves/
©unsplash
Propos recueillis par Yann Gérard et Jeanne Bazard
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