Il a beaucoup été question de politique du logement ces dernières semaines, sous l’angle évidemment réducteur de son coût, puisque les annonces en ont été faites sur fond de préparation de la loi de finance 2018.
À ce stade, rien de bien nouveau à attendre. Certes en baisse, le soutien à l’investissement (défiscalisation et aides à la rénovation), le financement du logement social et les aides aux ménages (PTZ et APL) restent depuis bientôt 40 ans l’immuable panoplie des gouvernements qui se succèdent, en dépit des transformations profondes de la société.
Les mois à venir seront-ils consacrés à jeter les bases d’une refondation globale de la politique du logement ? Rien n’interdit de penser que le gouvernement s’y attelle demain, pour répondre aux enjeux non d’hier, mais d’aujourd’hui : loger des ménages plus petits et plus âgés, assurer la cohésion des territoires, réaliser la transition énergétique, faciliter l’accès à l’emploi par la mobilité résidentielle…
L’occasion ne doit pas être ratée de sortir des schémas de pensée dans lesquels nous ont enfermés des décennies de réglementation. C’est le cas des fameux zonages de la politique du logement.
Le zonage ABC renforce la disparité des territoires qu’il est censé estomper.
Créé en 2003, le zonage ABC est utilisé, depuis sa révision de 2009, pour diriger prioritairement les aides à l’investissement et au logement sur les zones dites “tendues”, c’est-à-dire où l’offre de logements disponibles ne serait pas suffisante pour couvrir la demande “en termes de volume et de prix”. En réalité, le zonage appréhende plutôt mal la question des prix, sans parler de la qualité et de la localisation des logements au sein du territoire considéré. D’ailleurs, il distingue plutôt des dynamiques de marchés, entre ceux dit “tendus”, où la demande fait monter les prix, et ceux dit “détendus”, où les transactions sont rares. Or si elles sont rares, c’est aussi parce que l’offre y est insuffisamment développée et n’est que partiellement adaptée à la demande. On parle ici des villes moyennes et du secteur rural, qui représentent tout de même 64 % de la population française.
Le zonage donne donc une image trompeuse de la réalité. Plus gênant encore, il est devenu au mieux inefficace, au pire pervers.
Inefficace dans le “non tendu”, où les aides, qui sont moindres, bénéficient peu aux ménages qui en ont le plus besoin, jeunes primo-accédants et seniors de retour en centre-bourg, à en juger par le profil des attributaires.
Pervers dans le “tendu”, où injecter des aides contribue inévitablement à l’élévation des prix, autrement dit à une tension accrue. Du reste, un dispositif national d’aides encadré par un zonage est-il vraiment ce dont nous avons besoin ?
La politique du logement pourrait se donner d’autres objectifs que le soutien aux marchés, par exemple la production de logements abordables.
Le soutien de l’État irait alors aux territoires de manière individualisée. Il serait proportionné aux objectifs déclinés par projets dans les PLH, tous ces projets étant délibérément orientés vers la production ou la rénovation de logements adaptés aux besoins et aux budgets des ménages locaux.
Voilà une idée simple pour stimuler à la fois l’offre et la demande, accompagner la mutation de la société et des territoires, traiter les ménages avec équité de Paris à Privas… et probablement rationaliser la dépense publique. En dépensant mieux et en permettant aux ménages de dépenser moins.
Nous reviendrons sur ce sujet qui rejoint celui de la 18e conférence annuelle d’ADEQUATION, le 23 novembre prochain, sur le thème “Marchés immobiliers : se réformer ou se réinventer ? Analyse des premières orientations gouvernementales”. Cliquez ici pour vous inscrire.
Point de vue de Laurent Escobar, Adéquation
Publié le 06/11/2017 à 09:41 sur Business Immo
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