Une SAC agréée OFS, c'est possible !

Bien que la loi ne le prévoie pas expressément, la métropole angevine a démontré que le statut de société anonyme de coordination (SAC) était compatible avec l’activité d’organisme foncier solidaire (OFS). Créé sous ce statut et agréé en 2024, l’OFS ALTHI a commencé à commercialiser ses premiers BRS. 

Marie DEMANESSE

Publié le 05/05/2025

 

En 2020, en application de la loi ELAN qui incite les organismes de logement social à mutualiser certaines fonctions, l’OPH Angers Loire Habitat et la SEM SOCLOVA se sont associés dans la société de coordination ALTHI, à hauteur de respectivement 65 % et 35 % du capital. 

soclova

Cette société œuvre sur le territoire d’Angers Loire Métropole. Nous avons interviewé Nicolas Romé, directeur du développement d’Angers Loire Habitat, et Émilie Rabaron, responsable du développement immobilier de la SOCLOVA.

Quelle a été la genèse de la création de l’OFS ALTHI ?

NICOLAS ROME. Devant la montée des prix dans l’agglomération [voir à la fin de l’interview], les élus ont souhaité créer un OFS public qui puisse produire des logements en BRS autour de 3.000 €, en complément des solutions existantes d’accession abordable telles que le PSLA ou la TVA 5,5 % en périmètre ANRU, en QPV et autour, nombreux dans l’agglomération angevine. Il semblait logique que la société de coordination ALTHI puisse assumer cette mission car il rentre dans ses attributions d’impulser de nouveaux métiers au sein des deux structures associées. Le BRS fait clairement partie des activités d’avenir et donc des compétences à acquérir pour les acteurs du logement social. Selon la même logique, nous travaillons aussi à la mise en place d’une activité de syndic : elle est à l’ordre du jour en 2025.

Un OFS au statut de SAC, c’est une première ?

NR. Oui si l’on exclut la situation un peu particulière d’une SAC agréée pour ne réaliser que quelques BRS dans une commune. Dans notre cas, où il s’agissait véritablement de créer un OFS, cette activité semblait a priori incompatible avec notre statut, mais nous avons réussi à le faire avec l’aide d’ADEQUATION et du cabinet d’avocats SEBAN. L’obstacle venait de la loi ELAN qui prévoit des compétences bien définies pour les SAC, dont la création et l’administration de BRS ne font pas partie[1].

EMILIE RABARON. Il a donc fallu obtenir deux agréments : un agrément spécial du ministère chargé du logement, qui nous permet d’exercer cette compétence supplémentaire, et un agrément simple de la préfecture de région, prévu par la loi qui a instauré le dispositif OFS/BRS. 

Quelles sont les grandes lignes de votre plan d'affaires ?

ÉR. Nous visons un prix de vente compris entre 2.850 € et 3.000 € le m2 SHAB parking inclus et une redevance autour de 1 €/m2. Je dis « autour » car nous voulons conserver un peu de souplesse et pouvoir la faire varier à la marge, en fonction du coût du foncier notamment. Le financement des opérations sera apporté par une part d’emprunt sur 80 ans auprès de la Banque des Territoires, ainsi qu’à l’opportunité des prêts auprès d’Action Logement, une part de fonds propres de l'OFS et une part de droit d’appui payé par l’opérateur.

Le BRS est un nouveau produit pour le marché de l’agglomération angevine. Il y aura forcément un temps d’acculturation, nous devons trouver notre clientèle. Mais les premiers résultats sont encourageants. La SOCLOVA a déjà lancé la commercialisation de deux programmes en BRS (en T2/T3), dans des opérations mixtes, à Angers et à Avrillé, à 2.850 €/m2 SHAB et avec une redevance à 1 €. Nous sommes très satisfaits des résultats.

Illustration - résidence mixte Alizée à Avrillé
résidence mixte Alizée à Avrillé

Au sein de la résidence mixte Alizée à Avrillé (35 logements : BRS / LLI / accession libre), en cours de commercialisation, ALTHI a engagé la réalisation de 5 BRS avec l’appui de la SOCLOVA. 

Quelles modalités de mise en œuvre vous êtes-vous fixées ?

NR. Nous comptons atteindre un rythme de croisière de 30 à 50 logements par an d’ici 3 à 5 ans. Ce sont principalement les deux associés, Angers Loire Habitat et la SOCLOVA, qui construiront ces logements pour le compte de l’OFS, mais rien n’empêche de créer des SCCV[2] avec d’autres bailleurs sociaux ou avec des promoteurs immobiliers, du moment qu’une convention entre associés encadre le montage du projet et impose le respect des fondamentaux qui viennent d’être indiqués. C’est d’ailleurs ce que nous faisons actuellement avec Nacarat, sur le site du Domaine Lafayette près de la gare d’Angers. 

Et sur le plan de l’organisation interne ?

NR. Nous avons mis en place un comité d’engagement, qui va approuver les opérations, et un comité d’agrément, qui va gérer les candidatures des ménages bénéficiaires et par la suite les décisions à prendre dans la vie du bail réel, notamment au moment de la revente. Ces comités sont composés de membres issus de nos deux structures.

ÉR. D’une manière générale, toutes les ressources sont apportées par les associés. La société de coordination n’a pas d’employés en propre. Nous avons mis en place des formations[3] pour l’ensemble de nos équipes financières, juridiques, de maîtrise d’ouvrage, de commercialisation-force de vente et de marketing-communication, car elles sont appelées à ajouter ce nouveau produit à leur palette de compétences. Cela représente au total plus de 45 personnes. 

C’est un changement important pour la société de coordination ?

NR. Oui car les missions de la SAC au titre de la loi ELAN, telles que la définition du cadre stratégique patrimonial, du cadre stratégique d’utilité sociale ou encore la définition d’une politique d’achat et d’investissement, relèvent de fonctions dites « supports ». Avec le BRS et demain avec le syndic, ce sont des fonctions opérationnelles qui seront mutualisées. Culturellement, cela représente un changement important.

ÉR. La mise en place de l’OFS, qui a nécessité des échanges intensifs, nous a justement beaucoup rapprochés. C’est un excellent moyen pour construire une culture commune.


Propos recueillis par Marie Demanesse et Jeanne Bazard

[1] Selon le décret n° 2019-911 du 29 août 2019, les sociétés de coordination mentionnées à l'article L. 423-1-2 du code de la construction et de l'habitation disposent de compétences obligatoires, optionnelles et spéciales. Les fonctions d’OFS et de syndic font partie des compétences spéciales nécessitant un accord préalable des collectivités territoriales de rattachement et d’un agrément ministériel. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000039002006

[2] Sociétés civiles de construction vente

[3] Avec ADEQUATION.

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Extrait synthétisé du dossier de demande d’agrément de l’OFS ALTHI de 2024

Angers Loire Métropole : un EPCI attractif, une tension accrue sur le marché

Angers Loire Métropole (près de 144 000 ménages) attire chaque année plus de 1800 nouveaux ménages, aux deux tiers des ménages d’une personne, de moins de 30 ans. Sur le territoire d’Angers Loire Métropole, où le revenu médian est de 2 580 €, les prix de la promotion immobilière ont augmenté de +12 % entre 2020 et 2023 (+ 20 % sur la ville d’Angers), passant de 3 800 €/ m² à 4 260 €/ m² (stationnement inclus). Le marché de la revente, particulièrement bas en 2017 (1 941€/ m² médian), a vu ses prix croître de plus de +70 % en collectif, et de +45 % en individuel. (2 961€/ m² médian en 2023).

Le passage de la ville d’Angers et de toutes les communes de première couronne en zone B1 a renforcé l’attrait pour les investisseurs.

Ces prix excluent de fait une partie de la population aux revenus modestes de l’accession à la propriété.

En parallèle des tensions accrues se font sentir sur le parc locatif. En 2020, le taux de vacance sur le parc locatif social était extrêmement bas : 1,3 %, avec une plus forte pression sur les T2 (< 1%). Sur la dernière année, les délais de remise en location sur le parc locatif libre étaient de moins d’une semaine sur les communes B1 à, et de +/- 10 jours sur l’ensemble de l’agglomération. 

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©Soclova, pexels-sankyrao

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