Et si on déconnectait l’innovation urbaine du droit à construire ?
04 DÉCEMBRE 2018
En matière d’aménagement urbain, une bonne partie de l’effort d’innovation incombe aux promoteurs immobiliers, par l’intermédiaire de cahiers des charges de cession de droits à construire toujours plus exigeants. En conséquence, l’innovation doit s’adapter au découpage du projet urbain en lots de droits à construire. Or cette “grille opératoire” s’avère contraignante jusqu’à devenir contreproductive. Deux exemples pris dans le domaine de l’innovation programmatique permettent d’en juger.
1) Les parkings
Aurons-nous toujours besoin de parkings enterrés dans 15 ans ? Probablement pas étant donné l’évolution des mobilités urbaines. L’automobile sera devenue un service et non plus un bien, les parcs de stationnement existants seront en grande partie vacants. Il faut dès à présent cesser d’affecter des parkings souterrains aux constructions neuves sous peine de devoir supporter, à court ou moyen terme, le fardeau de volumes vides sans possibilité de reconversion.
Même la mutualisation des places de stationnement entre plusieurs programmes n’est déjà plus une option pérenne. Il est temps d’aller vers des solutions de transition, par exemple en louant aux acquéreurs de logement une place à tarif préférentiel dans un parking voisin. S’il faut le construire, que ce soit en superstructure afin qu’il puisse être reconverti le moment venu.
Or ce montage ne peut pas être mis en place par les promoteurs, dont ce n’est pas le métier. C’est celui d’investisseurs et d’exploitants capables d’agir sur le long terme.
2) Les espaces et activités connexes à la fonction résidentielle
Le même raisonnement vaut pour les aménités résidentielles que l’on cherche à juste titre à développer dans les nouvelles opérations d’aménagement : locaux réservés à des services (conciergerie, location de vélos, co-working, amap…) ou espaces extérieurs à usage productif (jardinage, compostage, agriculture…).
Pour fonctionner de manière pérenne, ces espaces devront être exploités par des acteurs économiques y trouvant une rentabilité suffisante, qu’il s’agisse de prestataires de service “classiques” ou d’acteurs de l’économie sociale et solidaire. Il leur faut disposer d’un marché potentiel suffisant et être accompagnés par des investisseurs dans la montée en puissance de leur activité, généralement lente puisque soumise à l’avancement des constructions où viendra s’installer leur clientèle.
Un soutien du promoteur pendant quelques années, la contribution des copropriétaires via leur budget de charge sont les moyens de financement couramment imaginés, mais ils sont bien fragiles. La disparition de ces services à plus ou moins brève échéance n’est pas un scénario improbable.
Aujourd’hui, tant pour les parkings que pour les espaces connexes, les maîtres d’ouvrage sont les promoteurs immobiliers, chacun agissant à l’intérieur de son enveloppe de droits à construire.
Ce mode opératoire constitue un frein à l’innovation car :
- d’une part, l’écosystème nécessaire au développement de ces activités (utilisateurs, réseau d’acteurs) dépasse le périmètre de l’opération d’aménagement ;
- d’autre part, leur succès dépend d’abord de l’action bien menée d’investisseurs et d’exploitants ;
- enfin, la valorisation foncière générée par la présence de ces services se fait dans un temps plus long que la durée de l’opération.
Une solution consiste à faire prendre en charge ces éléments non plus par les promoteurs immobiliers mais par des investisseurs institutionnels, de retour sur le marché du logement[1].
Ils ont en effet les moyens d’investir dans la durée. Les politiques de RSE ambitieuses qu’ils se sont données trouveront là un débouché intéressant, d’autant que les services à développer répondent à une demande avérée et contribueront à élever la valeur foncière des logements.
Cela n’ira pas sans une redistribution des rôles, l’investisseur devenant l’interlocuteur de l’aménageur et le promoteur celui de l’investisseur, ni sans une profonde évolution des modalités de cession de charges foncières.
[1] Un retour probable compte-tenu des évolutions structurelles du marché.
Voir notre récent article : Investisseurs institutionnels : s’engager durablement dans l’urbain et le résidentiel
Laurent Escobar, directeur général adjoint au développement d’ADEQUATION
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