La question de savoir combien notre pays a besoin de produire de logements occupe un certain nombre d’experts. Leurs travaux supposent une définition du besoin, une évaluation quantitative et qualitative du parc existant, et enfin des projections démographiques. Aucun de ces trois éléments ne saurait être pris pour une vérité irréfutable et stabilisée, d’où la diversité des estimations produites. D’autres approches, celles de l’ADEME et du Shift Project, partent non pas des besoins mais d’un budget carbone susceptible d’être alloué à la production de logements, et aboutissent à un potentiel sensiblement inférieur, sans d’ailleurs que l’écart avec les précédentes n’émeuvent grand monde.
Or, en admettant que la « vérité » des besoins se situe quelque part entre 302 000 et 518 000 logements par an, elle restera suffisamment irréaliste et abstraite pour, au-delà de fournir une sorte de jauge de production à la filière immobilière, n’avoir qu’un intérêt opérationnel très relatif. Il y a à cela deux raisons principales.
Des estimations très élevées ayant peu de chances d’être suivies d’effet
La première raison est que ces besoins annuels, qu’il faudrait satisfaire pendant une décennie, sont relativement élevés par rapport au parc existant et à la capacité de « l’appareil de production ». Avec + 400 000 logements par an pendant 10 ans, la croissance du parc serait de +10,8 % alors qu’elle n’a été « que » de +8,5 % entre 2014 et 2023 dans un contexte économique et de marché bien plus favorable. En outre, pendant la décennie précédente, le parc a augmenté plus vite que le nombre de ménages, ce qui interroge. Enfin, dans le contexte de mutation profonde des conditions de production de nouveaux logements que nous connaissons, avec la fin annoncée du modèle d’une « production de logements neufs sur des fonciers neufs » à grand renfort d’incitation fiscale, il paraît assez évident que ces besoins ne seront pas satisfaits.
Une approche nationale sans planification possible
La seconde raison pour laquelle ces estimations nationales n’ont que peu d’intérêt opérationnel est la difficulté de les « faire atterrir dans les territoires »[1]. Il est bien évident que, s’il faut produire 400 000 logements par an (mettons), ils ne seront pas répartis uniformément sur le territoire. Mais alors quelle devrait être la répartition ? La même qu’aujourd’hui en laissant faire le marché ? Une autre plus équitable en regard des besoins des populations ?
La question est d’ailleurs purement théorique, aucune planification n’étant en place pour opérer cette répartition. Serait-elle envisagée qu’elle serait rapidement obsolète, vu le temps nécessaire. Tout événement local un peu significatif, comme l’arrivée d’un grand employeur, suffirait à modifier les données. Tout se passe donc comme si les efforts de quantification des uns et des autres, à l’échelle nationale, n’avaient pour effet – inconscient ? – que d’alerter sur l’impuissance collective à penser une politique de logement pertinente.
Des déterminants majoritairement territoriaux et politiques
Cette impasse invite à esquiver l’approche nationale pour mieux appréhender la question du logement à l’échelle locale. Cela revêt une forme d’évidence. D’abord parce que les besoins sont évidemment hétérogènes géographiquement, dépendent de contextes et de situations territoriales plus ou moins mouvantes et parce que la compétence en urbanisme appartient aux collectivités locales. Ensuite parce que toute une série de faits structurants, qui impactent directement le besoin en logements ou la capacité à les produire, sont par nature locaux et croisés :
- État et occupation du parc (localisation, typologies, qualité, vacance…)
- Tension du marché
- Conformité SRU
- Politique (volontarisme bâtisseur, frein…)
- Ressources foncières
- Menaces climatiques (chaleur, trait de côte, argile)
- Dynamique de l’emploi, réindustrialisation
- Pression touristique et nombre de résidences secondaires
- Demande étudiante
- Démographie (attractivité, vieillissement)
- Ressources des propriétaires (rénovation, mise aux normes)
- Capacité des filières locales de production (construction, rénovation, matériaux)
Le nombre d’entrées à prendre en compte rend humble, d’autant qu’il faut raisonner à plusieurs échelles (aire de marché, bassin d’emploi…). Surtout, certains facteurs auront des poids très différents selon la volonté politique des élus et leur projet pour le territoire. Et ces facteurs politiques ont toute leur place dans la définition des « besoins » comme le montrent les quelques exemples suivants.
Exemples
LES GRANDES METROPOLES historiquement attractives et volontaristes en termes de développement – Lyon, Bordeaux ou encore de Toulouse – qui ne sont pas épargnées par la crise immobilière et où la prise de conscience de l’urgence climatique se traduit par une recherche de frugalité… alors que la demande est toujours là. On passe d’une stratégie d’accroissement à une stratégie de contrôle des besoins, qui va forcément impacter les territoires voisins.
LES TERRITOIRES MARQUES PAR DE BRUSQUES EVOLUTIONS. Dunkerque, ville en déclin démographique et confronté à un fort risque de submersion marine, se prépare à accueillir en quelques années plusieurs milliers d’emplois, pérennes mais d’abord temporaires (chantiers), avec la réalisation de 2 giga-factoriel et d’un EPR à Gravelines. Combien de logements construire, pour combien de temps et où ?
LES AGGLOMERATIONS EN DEPRISE DEMOGRAPHIQUE dirigées par des élus décidés à inverser la tendance, telles que Le Havre ou Saint-Dizier. De manière assez classique, la stratégie vise à inscrire la production de logements neufs dans une politique globale d’attractivité économique et urbaine… Pour autant, la transformation du parc existant et la résorption de la vacance doivent aussi trouver leur place dans la stratégie, mais qui loger où et comment équilibrer les efforts ?
La bonne échelle : celle qui permet d’agir
Héritant de conditions très différentes, les territoires ne sont certes pas égaux face au logement. Mais tous devraient avoir les moyens de prendre leur avenir en main en élaborant leur propre politique locale du logement.
Une politique du logement, certes, mais :
- éclairée par des données de qualité : état du parc, nature de la demande…
- située dans une vision globale qui lui donne sens, en l’articulant aux politiques économique, touristique, écologique…
- placée sous une gouvernance plurielle : élus, monde du bâtiment, employeurs…
- et inscrite dans la bonne temporalité : ni trop court ni trop long terme, l’enjeu étant de donner de la visibilité aux acteurs.
Ne rêvons pas, le résultat de ce travail, fruit de compromis et de choix, sera toujours imparfait. Mais au moins prendra-t-il la question des besoins à la bonne échelle, celle qui permet à la fois d’analyser, de débattre et d’agir.
[1] Et ce même si l’outil OTELO du CEREMA permet de prendre en compte les besoins à l’échelle de territoires : il reste impossible de faire coïncider une projection nationale avec un ensemble de projections locales.
© Unsplash - Elliott Taryn
Super
cela met bien en évidence la dimmention locale de nos marchés,
avec tant une nécessité de Data, mais surtout de Stratégies, établies en Partenariat, élus et services bien sur, mais aussi CCI/UPL & autres en vue de projetsurbains cohérents,
je vais voir ave Oriane LRL, les dévelopements possibles
cdt
Super
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